Notre pays connait depuis quelques années toute une série de viols et de meurtres des fillettes et des jeunes filles dans l’indifférence totale. Le meurtre de Kadiata Oumar SOW a entrainé une très forte émotion et indignation de l’opinion publique mauritanienne.
Cette extrême violence à l’égard des jeunes filles vient d’atteindre son point. Face à cette situation choquante et inacceptable, une introspection citoyenne devient une nécessité au delà des soutiens apportés à la famille de la défunte.
Ce meurtre qui nous interpelle tous doit être le fait déclencheur de la mobilisation de tous les acteurs de la société civile pour la ratification de la loi sur les Violences Basées sur le Genre. Le combat contre toutes les formes de pratiques attentatoires à la dignité de la femme relève de la responsabilité de tous. Il va falloir cibler et à former un ensemble de personnes ressources notamment les enseignants qui sont des formateurs et des éveilleurs de conscience ainsi que les femmes qui sont les piliers de nos communautés sur les stratégies pour la promotion de l’abandon des pratiques traditionnelles néfastes.
L’implication des Imams, le soutien des journalistes et la détermination des jeunes et la mobilisation des femmes et surtout l’implication des enseignants pour casser la chaine de transmission des pratiques traditionnelles néfastes par la déconstruction des arguments culturels qui justifient et légitiment ces pratiques dans l’imaginaire des populations mauritaniennes. Cette déconstruction des arguments culturels est d’autant plus nécessaire qu’ils véhiculent une image décadente de la femme source de honte ou objet érotique.
Un acte odieux qui interpelle tous les citoyens
Il ne s’agit plus pour les Organisations Non Gouvernementales de réaffirmer leur volonté de lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes mais aussi contre le silence qui entoure de dites violences.
Le temps n’est plus à la dénonciation, il va falloir légiférer et sanctionner très fortement les auteurs de ces crimes.
La mobilisation de tous les segments de la société mauritanienne notamment les acteurs de la société civile, les élus locaux, les chefs coutumiers, les Ulémas, les journalistes et les pouvoirs publics afin que par une démarche citoyenne faire aboutir le projet de loi sur les Violences Basées sur le Genre.
Le CIDC et l’ERMGF se battent contre les pratiques traditionnelles néfastes depuis bientôt 15 ans et pensent que ces dites pratiques attentatoires à la dignité de la femme PERSISTENT. En effet la pratique des mutilations génitales féminines, des mariages précoces, des mariages forcés, du gavage du lévirat et du sororat sont toujours observées en Mauritanie. Après plus de 15 ans de recherches et de formations faites aux ONGs féminines mauritaniennes de défense des droits des fillettes et des femmes, les chercheurs du CIDC et de l’ERMGF pensent qu’à ce niveau les avancées sont significatives. Il va donc falloir aller chercher ailleurs les raisons de la PERSISTANCE de ces pratiques attentatoires à la dignité de la femme.
Il ne faut pas qu’une querelle sémantique empêche la ratification de ce Projet de loi et surtout s’attaquer aux archétypes de la société patriarcale qui véhicule des stéréotypes extrêmement dégradant sur les femmes. Il est inadmissible que dans un monde ou l’on se bat pour l’autonomisation des femmes, tout ce qui entrave la socialisation des fillettes et des filles doit entre combattu.
On saurait dans un Etat de droit ne pas sévir très fortement contre de tels actes qui mettent en danger les fondements même de la vie en société. Un gouvernement doit tout faire pour préserver la sécurité et la cohésion sociale qui ne peuvent aller de pair avec la banalisation des délits sexuels et des meurtres.
La mise en place d’un comité national pour la vérité sur ce meurtre est une bonne initiative et constitue un indicateur de prise de conscience de la cruauté de tels actes. Cependant, il faut aller au-delà et faire du combat pour le respect de la dignité de la femme une préoccupation fondamentale de toute la société et plus particulièrement des pouvoirs publics. Il faut se battre contre cette forme d’indifférence sociale qui grangène nos communautés et affaisse les valeurs du vivre ensemble. Pénaliser et veiller à l’application effective de la loi doit être le leitmotiv des militants des droits humains.
NB: Il faut signaler que le 29 avril 2020 à l’initiative d’un ensemble de collectif des femmes un Sit- in regroupant des centaines de femmes et d’hommes a été organisé devant le siège de l’Assemblée nationale pour exiger une loi contre les violences faites aux femmes.
Auparavant une pétition initiée par Madame LALLA AICHA SY Présidente du CSVVDH continue à circuler. Elle demande également une loi protégeant la femme suite à l’odieux assassinat de la jeune Kadiata Oumar Sow.
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Abdoulaye Doro Sow
Enseignant-chercheur-en-sciences-sociales
Président du Comité Scientifique de l’équipe de Recherches sur les Mutilations Génitales Féminines (ERMGF)
Coordinateur du Centre Interdisciplinaire sur les Droits Culturels (CIDC)
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université de Nouakchott