S’étant rendu en Belgique pour des soins médicaux, l’honorable député Birame Dah Abeid, Président de l’Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M) et double candidat de l’alternance au pouvoir depuis 2014, se retrouve coincé en Belgique, depuis le 18 mars 2020, par la fermeture des frontières aériennes entre l’espace Schengen et le reste du monde à cause du Covid-19.
Dans cet entretien exclusif (via watsapp), il commente l’actualité politique de son pays et lève un coin du voile sur plusieurs questions que se posent les Mauritaniens à son propos, notamment ses rapports avec les pouvoirs successifs, ainsi que l’état de la lutte contre l’esclavage.
L’Authentique : actualité oblige, quel regard jetez-vous sur l’arrestation de l’une des militantes de la première heure du mouvement IRA, en l’occurrence Marièm Cheikh, en détention depuis le 13 avril 2020 ?
Biram Dah Abeid : l’arrestation de Marième Cheikh c’est du déjà-vu. Nous sommes toujours et sans doute les mieux préparés à affronter de telles situations. Hier nous menions la bataille contre la sacralité du code négrier, de l’impunité des esclavagistes et tortionnaires, et de l’esclavage agricole ; en somme, l’expérience de la lutte nous a forgés; le pouvoir ne sortira pas grandi de cette bataille autour du discours de la haine comme il le dit, ou du concept d’Apartheid comme nous disons. Nous cultivons et entretenons la certitude que la vérité et le droit inclinent sans cesse vers nous. Marième Cheikh hérite de cette assurance en l’avenir.
Néanmoins, l’attitude d’hostilité ouverte du pouvoir tranche, non sans paradoxe, sur le sacrifice et à l’effort que nous avons fait depuis la dernière élection présidentielle dont nous fûmes le principal acteur au sein de l’opposition. L’Ira-M et la coalition Rag-Sawab, représentent l’unique bloc de la contre-proposition historique à l’ordre de l’oligarchie militaro-féodale, des tribus et de la ségrégation, en vigueur depuis 40 ans. Nous incarnons, seuls, le choix du peuple s’il lui est donné, un jour, la faculté de décider, dans les urnes, s’il doit vivre dans la misère, l’obscurantisme religieux et les inégalités ou, enfin, oser la rupture. Voici le message que nous portons !
En face de nous, persiste le même ressentiment, malgré le changement de personne à la tête de l’Etat ; la reproduction des méthodes qui avait prévalu contre nous à l’époque de Mohamed Abdel Aziz, l’expliquent assez : ce n’était pas un homme qui nous réprimait mais des hommes, des femmes, bref un système solidaire dans ses pratiques, atteint de cécité et par-dessus les risques, suicidaire.
L’Authentique : quelle appréciation faites-vous du travail de la Commission nationale des droits de l’homme et celui du Commissariat dans l’ancrage des droits de l’homme et leur amélioration depuis l’avènement du pouvoir de Ghazouni ?
Biram Dah Abeid : Ahmed Salem Ould Bouhoubeïny, une personnalité qui a déjà mis son empreinte dans la défense des droits de l’homme en Mauritanie et le ministre commissaire chargé des droits de l’homme, Mohamed Elhassen Ould Boukhreïs, se distinguent par des qualités personnelles que nous apprécions ; hélas, celle-ci ne produisent d’incidence significative sur la virulence de l’aversion que le système nous voue. Une posture individuelle de franc-tireur ou de cadre autonome du groupe, à l’image des deux précités, ne peut rien changer aux pratiques structurantes de leur employeur, en l’occurrence l’Etat des prébendiers, de la médiocratie et de l’impunité. C’est pourquoi Me Ould Bouhouneiny fut court-circuité, assez vite, par son entourage hélas trop pourri qui l’a devancé au sein de la Commission des droits de l’homme ; là, siège, toujours, maint fraudeur, rôdé aux faux témoignages et à l’espionnage, sous l’injonction de la cupidité.
C’est pourquoi (rires) après notre rencontre avec Ould Bouhouneiny et notre satisfaction de son travail, nous envisagions même de collaborer avec l’institution pour promouvoir, en Mauritanie et devant les forums internationaux, le projet d’une collaboration étroite, sur la voie de l’égalité et de la citoyenneté inclusives.
A notre arrivée à Genève, nous fumes surpris de découvrir, que des rapports mensongers contre nous, sont distillés, aux interlocuteurs étrangers, au nom de la Commission des droits de l’homme. Il s’avéra que Me Bouhoubeiny était étranger à la manœuvre de ses proches collaborateurs et ne pouvait rien leur opposer. Je dois noter, aussi à sa décharge, qu’il demeure le premier et l’unique parmi les dirigeants d’institutions officielles, de partis politiques ou d’ongs, à avoir demandé la reconnaissance de notre parti et de notre associations, encore arbitrairement interdits, à ce jour. Désenchantement aussi (rires) envers Ould Boukhreiss après que l’ambassadeur de Mauritanie à Genève a commis, sous sa tutelle, toujours pour la consommation extérieure, une correspondance catastrophique, une lettre digne des époques où fleurissaient la langue de bois et le mensonge ; nous avons pu en prendre connaissance, grâce à nos propres circuits. Conclusion, en Mauritanie, difficile, pour les hommes, de changer leur environnement, y compris mental mais hélas, toujours aisé, pour cet environnement, de transformer les hommes, surtout de les maintenir sous le diktat de la réalité. En dépit de leur volontarisme, Ould Bouhoubeiny et Ould Boukhreiss restent prisonniers de leurs conditions de clercs au service d’une banqueroute ambulante qui fuit l’audit.
L’Authentique : certaines sources proches du gouvernement, partant d’exemples comme celui du Sénégal qui a fortement dit aux Rapporteurs des Nations-Unies que l’homosexualité n’y sera jamais tolérée, semblent accorder peu d’importance aux Rapporteurs spéciaux des Nations Unies quand ils critiquent la loi sur la discrimination appliquée aujourd’hui à l’encontre de Marièm Cheikh ; en effet, selon eux, cette loi constitue une entrave aux libertés. Ils ont même adressé une correspondance aux autorités mauritaniennes dans ce sens. Qu’en pensez-vous ?
Biram Dah Abeid : l’institution des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies n’est pas une institution coercitive. Elle n’ordonne pas aux autorités gouvernementales des pays et n’utilise la contrainte. Les Rapporteurs des Nations Unies représentent une autorité morale reconnue dans le concert des nations et leur point de vue a un très grand impact sur la respectabilité des Etats, leur capital symbolique. Le Sénégal est un pays à haute culture diplomatique, donc je doute fort que cette grossièreté rapportée par votre source officielle en Mauritanie, soit l’attitude du gouvernement ou de la diplomatie du Sénégal. Le Sénégal est un grand pays, en avance sur nous dans bien des domaines, en particulier l’égalité ethnique, la tolérance, la visibilité de la femme et le respect de l’intégrité physique des gens.
Je suis néanmoins surpris que cette source du gouvernement mauritanien compare la majorité du peuple, constituée de communautés d’esclaves et anciens esclaves, de négro-africains et de plusieurs strates de maures castés, à une minorité sexuelle ; c’est beaucoup de myopie, au moins, que de comparer une majorité spoliée de ses droits, à une poignée de gens, marginalisée par leurs revendications spécifiques envers et contre le corpus des mentalités africaines. Il y a, dans cette comparaison, beaucoup de mépris.
Ces situations de non-intérêt accordé aux injonctions de la communauté internationale peuvent ne pas être dangereuses, à court terme, pour des gouvernements aveuglés et obnubilés par l’insolence, l’omnipotence ponctuelle, bref, la force d’écrasement dont ils disposent…Néanmoins, je le pense, un gouvernement dans le siècle où nous sommes, doit faire de la prudence sa béquille, afin de se ménager la capacité d’anticiper et de prévenir le pire. L’on ne peut se murer dans la conscience d’un rapport de force favorable sur le moment pour adosser son désir sur la dissuasion ou spéculer sur le silence des victimes, leur peur ou résignation. Une telle légèreté de jugement, tôt ou tard, joue de sales tours, d’ailleurs beaucoup plus rapidement que prévisible…L’histoire est un livre d’une écriture nette pour qui sait lire…
L’Authentique : Nombreux sont les gens qui ne comprennent pas encore votre réaction quand vous vous êtes opposés à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion des biens publics durant les dix dernières années. Ce qui suscite une autre question sur les relations que vous auriez entretenu avec l’ancien président, pendant et après sa présidence et la question récurrente que vous êtes une fabrication de Mohamed Abdel Aziz.
Biram Dah Abeid : Ces attaques contre moi, à travers cet angle, sont conçues et distillées par des lâches, sans courage ni dignité et dont l’impuissance et le défaitisme leur confèrent seulement le choix entre lécher les pattes d’Aziz ou faire profil bas jusqu’à son départ. Les bénéficiaires de Aziz ou simples articles de sa création sont aujourd’hui aux commandes de l’Etat et des forces armées et de sécurité. Le Président Ghazouni et la plupart de ses collaborateurs doivent tout à Aziz qui leur a livré un pouvoir dont il n’avait nullement envie de se départir. A ce jeu d’accusations, nous allons rire : Biram, lui n’a pas été fabriqué par Aziz. Il y a beaucoup de « made in Aziz » en circulation et Biram ne figure sur la liste. Le peuple connait tout ça, c’est pourquoi il me soutient, malgré les montages, la diffamation et la perfidie des conjectures, comme celle-ci. Ce sont des dons que Dieu me prête : le peuple me suit, me comprend, même si on me refuse la parole dans les médias de l’Etat, en interdisant le parti auquel j’adhère, l’association que je dirige.
D’autre part, je persiste et signe, au sujet de cette commission d’enquête parlementaire : je ne participerai pas à leurrer le peuple. Cette commission n’est pas destinée à faire la lumière ni à dire la vérité au profit des humbles. Non. Il s’agit d’un règlement de compte entre les protagonistes d’un même système qui se battent pour leurs intérêts divergents et, d’ailleurs, prenons-en le pari, ils finiront par s’entendre et enterrer cette lubie vertueuse, comme ils ont enterré, tant de cadavres, entre 1986 et 1991. Vous souvenez-vous de la fameuse Commission d’enquête contre l’épouse et les enfants de l’ancien Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi ?! Qu’est-elle devenue ?
Mes rapports avec l’ancien président, nul n’en ignore les violentes confrontations. Je n’ai pas faibli devant son omnipotence ; or, aujourd’hui que tous ces nouveaux opposants sont apparus lorsqu’Aziz n’est plus qu’un simple citoyen et ne représente plus une menace, je ne me mêlerais pas avec eux. Notre agenda ne se recoupe. Non, moi je n’entretiens plus de rapports conflictuels d’opposant avec Aziz, car ce dernier n’existe plus et personne ne peut m’instrumentaliser contre un épouvantail. Non.
Ma cible, reste le pouvoir. Je dis, encore, que la gabegie n’est pas l’œuvre d’Aziz seul. Il y était le chef d’orchestre d’une troupe de prédateurs, dont ses collègues généraux ainsi que d’autres serviteurs qui l’adoraient, l’élevaient quasiment à la divinité. Je ne regrette, je ne regretterai mon refus de participer à cette « permission inquiète » – oui, je l’appelle ainsi – et n’y participerai jamais. J’avais dit aux députés auxquels l’on a ordonné de proposer ce truc, que je veux une instance sincère destinée à traiter les problèmes cruciaux de la Mauritanie, surtout les plus graves à mes yeux, en l’occurrence l’assassinat pluriel au motif de la race, la torture, la déportation, la spoliation foncière, l’épuration de l’appareil d’Etat et, surtout, le refus de publier la vérité. Ensuite, nous poserions, sur la table, la question existentielle : pourquoi et jusqu’à quand une minorité ethnique s’approprie-t-elle un quasi-monopole sur les instruments de la violence légitime, l’agriculture, la pêche, la religion, les terres arables, les banques, la douane, les permis d’exploitation minière et les chaines de radiotélévision ?!! Voici du travail concret pour une commission digne de son objet !
L’Authentique : que pensez-vous du travail de cette commission d’enquête et croyez-vous qu’elle ira jusqu’au bout de sa mission ?
Biram Dah Abeid : J’ai déjà répondu à la question. La commission est sans lendemain, elle n’ira nulle part puisque l’architecture dont elle procède s’appuie sur un fondement d’inégalité et utilise un étai de feinte et de contournement.
L’Authentique : quel commentaire de votre part après le retour en Mauritanie des personnalités qui ont été forcées à l’exil par l’ancien pouvoir ?
Biram Dah Abeid : je suis très content du rapatriement des hommes d’affaires et des autres, tous forcés à l’exil. C’est leur droit car ils ont été injustement éloignés de leur pays. C’est pourquoi nous n’avons jamais cessé de les soutenir et de dénoncer les injustices dont ils étaient l’objet depuis que le pouvoir les visait. Certains ont commencé à parler d’eux quand Aziz a quitté le pouvoir. Il y a de quoi sourire, avec pitié. Je recommande juste à nos amis de retour de bien faire attention à rester lucides et éviter de se dissoudre dans la gratitude et le désir de plaire aux maîtres du jour. Un gouvernement correct est celui qui a besoin de conseil avisé, point de complaisances.
L’Authentique : quelles appréciations avez-vous sur le début du pouvoir de Ghazouani, en quoi peut-il être considéré comme différent du régime qui l’a précédé et que pensez-vous de la conférence de presse de Ghazouani et de sa position par rapport à l’esclavage ?
Biram Dah Abeid : Je pense que le bilan de ces mois de Ghazouani est très mitigé. Il n’a rien à envier à son prédécesseur sur le plan de l’illisibilité des politiques publiques, notamment des nominations dans l’appareil d’Etat. Parfois, il donne l’impression de vouloir plaire à tout le monde ce qui, bien entendu, interdit la bonne gouvernance. Bref, il sait rassurer, séduire, respecte ses invités, les écoutes et, l’instant d’après, plus rien. Ghazouani veut diriger par la promesse sans délai, la courtoisie, la patience contagieuse et la ruse du fatalisme, l’abus de Incha Allah en guise d’auto-exonération. De telles méthodes comportent des avantages certains dans une contrée prospère où règne une relative harmonie. Tel n’est le cas de notre Mauritanie martyrisée. Le Monsieur, s’il est de bonne foi, parviendra, assez tôt, à la conclusion que le pays est malade et son sauvetage requiert un remède de cheval, administré par des praticiens résolus, gère des mesurettes tremblotantes de scrupule et de spéculation sur la baraka….
Quant à la conférence de presse que vous mentionnez, au cours de laquelle Ghazouani a invité quelques journalistes, ce n’était pas une rencontre d’usage mais plutôt une manière de communiquer. Il a tout maîtrisé et les journalistes étaient quasi inexistants. Ghazouani voulait passer ses messages comme il l’entend, sans protagonistes, juste des témoins dociles. Les journalistes servaient de boîte d’enregistrement et Ghazouani a juste fait passer ses messages comme dans une boîte à lettres. Je pense, par ailleurs, que la position de Ghazouani sur l’esclavage tient du négationnisme habituel parmi les maures, exactement à l’image de son compagnon de 41 ans, Aziz.
L’Authentique : vous aviez très tôt, aux lendemains de la présidentielle du 22 juin 2019, appelé au dialogue avec les nouvelles autorités, où en est ce dialogue et où en est la situation politique depuis lors ?
Biram Dah Abeid : après les élections présidentielles, juste au lendemain de la proclamation des résultats, mon devoir, en qualité de l’un des deux principaux acteurs, ayant le peuple avec moi, face à une armée dressée à casser du noir, j’ai voulu prendre les devants, éviter l’escalade. C’était de mon option d’assurer la paix civile. Dans ce cadre, j’ai bel et bien appelé au dialogue, même si les opposants autour de moi, jugeaient une faiblesse de proposer la discussion, en premier. Le pouvoir aussi – ses émissaires me l’ont dit – estimait signe de faiblesse, de sa part, que de demander d’emblée, l’apaisement. Finalement, le Président Ghazouani a dit qu’il ne voulait pas de dialogue, car ce n’était pas nécessaire, et il se suffirait de consultations périodiques avec certains hommes politiques triés sur le volet, lesquels, à ses yeux, sont les vrais responsables de l’opposition.
Les gens qu’ils ont triés, et dont je ne faisais pas partie, se retrouvent à l’aise dans cette situation. Ils pensent que tout est réglé. C’est leur position, ils sont libres de savourer l’illusion. Pour ma part, je crois que toutes les questions pressantes au titre desquelles nous nous battions durant la décennie brutale de Mohamed Abdel Aziz demeurent irrésolues. Afin de sortir de l’impasse, il faut une Ceni indépendante, un Conseil constitutionnel remodelé conformément au vœu de l’impartialité, un recensement libre, l’accès démocratique à l’état-civil, une liste électorale concertée et transparente, la révision des autorisations de média audiovisuels, une administration et une justice indépendante. Il faut d’abord, j’insiste dessus, une entente sur le règlement des dossiers lourds qui plombent encore le développement, la paix civile et la cohésion des Mauritaniens : nous interpellent, plus que jamais, les dossiers de l’esclavage, de l’impunité des crimes racistes, l’exclusion et la misère, le partage des richesses du pays, la discrimination à tous les niveaux, administratifs et socioculturels.
L’Authentique : que répondez-vous à ceux qui vous reprochent votre absence du pays au moment du Covid-19 ?
Biram Dah Abeid : je ne sais pas sur quoi se basent ces gens pour me reprocher mon absence du pays pendant le Covid-19. Je ne suis pas le Président de la République, je ne suis pas le Premier ministre ni le ministre de la Santé. Je n’ai aucun rôle à jouer dans la riposte du gouvernement à une pandémie. C’est le 18 mars dernier que le médecin m’a libéré. Il n’y avait plus d’avion, la Belgique comme toute l’Europe avait fermé ses frontières. J’attends la fin du confinement ; dès la réouverture des frontières, je reviendrais en Mauritanie, mais dirais, à ceux qui me pensent capable de miracles contre le Covid-19, de déchanter. Même si j’étais là-bas, je n’aurai rien pu faire. L’homme politique, à la différence du religieux professionnel, ne vend pas de la magie dans un emballage de superstition, à une clientèle en panique.
L’Authentique : certains se demandent aussi quelle est la contribution du mouvement IRA dans la lutte contre le Covid-19 ?
Birame Dah Abeid : IRA et moi-même, nous n’avons pas de contribution que l’on pourrait donner pour la lutte contre le Covid-19. IRA est une organisation interdite et non reconnue en Mauritanie tout comme le parti RAG, en d’autres termes, deux associations de malfaiteurs aux yeux du pouvoir, exactement comme l’ANC et le PAC en Afrique du Sud, à l’époque de l’apartheid. Les deux ne peuvent disposer d’un compte bancaire, recevoir de dons ni récolter de l’argent, encore moins pas s’organiser.
L’Authentique : êtes-vous d’avis avec les autorités qui considèrent que l’esclavage n’existe plus et qu’il n’existe que des séquelles ?
Biram Dah Abeid : L’Etat considère que l’esclavage n’existe plus en Mauritanie. Bon, c’est une position que nous connaissons bien, celle de tous les régimes, depuis les indépendances. Rien n’a changé, le déni produit encore de la dénégation et les auteurs de cette rhétorique continuent à s’en repaître, comme un exutoire à leur culpabilité. El Hor et SOS Esclaves et bien d’autres associations ont contribué à défaire cet autisme, grâce à la publication, chaque année, de requêtes de prétoire, qui témoignent de l’actualité fondamentale de la servitude de naissance, en République islamique de Mauritanie.
L’Authentique : quel est le bilan d’IRA après toutes ces années et qu’est-ce que le mouvement a apporté à la lutte contre l’esclavage et les discriminations ?
Biram Dah Abeid: Ira-M existe depuis 2008, ce qui fait d’elle, chez nous, la plus jeune Ong de défense et de promotion des droits humains. J’aimerais que la question sur les acquis de l’Ira-M soit posée aux citoyens ; vous devriez leur demander pourquoi ils en ont choisi les dirigeants au détriment de tous les autres, plus anciens sur la scène. Je pense qu’il nous revient d’avoir démystifié la peur parmi les noirs, parmi les opprimés, décomplexé leur jeunesse et transformé l’espoir vacillant en espérance de conquête, fierté virile. Nous sommes sans doute les premiers contestataires à rassurer le groupe dominant, notamment sa frange éduquée, que l’égalité et l’équité sont le prix raisonnable de la paix. Nous misons, à présent, sur le succès de cette idée, pour nous épargner les larmes, le chagrin et la ruine consécutifs à toute révolution.
Propos recueillis par Cheikh Aïdara
Source : L’Authentique (Mauritanie)