Autour d’un thé : Défi

Autour d’un thé : Défi Je vais relever le défi. Mais avant, une petite anecdote qui me colle aux neurones. « Pourquoi réponds-tu toujours », demanda-t-on à untel mauritanien, « par une question à une question ? – Qui t’a dit ça ? », réagit illico celui-ci. Je vais donc moi aussi vous promettre que je ne vous parlerai pas, cette fois, du COVID.19.

Mais je ne vous en demande pas moins de bien vous laver les mains et d’attraper sérieusement votre pied, sauf si votre ventre exige que vous sortiez. Juste un petit rappel, hein, des mesures-barrières dont le strict respect requiert des conditions qu’il serait grand temps d’être comprises par le comité interministériel ad hoc.

Enfin. Les Mauritaniens sont un peuple… inqualifiable. Aussi loin qu’on remonte l’histoire des catastrophes, vous le comprendrez avec moi. La problématique majeure est qu’il y a des moments où tu ne comprends plus qui est qui. C’est vrai politiquement.

C’est aussi vrai économiquement. Dans tous les pays du Monde, il y a des classes sociales. Les riches. Les moyens. Les pauvres. Avec évidemment, des sous-ensembles en chacune de ces trois grandes catégories.

Un peu comme dans l’ancien temps de nos anciens maîtres en nos anciennes classes d’école où l’on distinguait la rangée des bons élèves, la rangée des élèves moyens et la rangée des nullards ou des ânes. Or il y a des moments où c’est la confusion totale entre les riches, les moyens, les pauvres et les inclassables.

Lors des trois ou quatre premières années soixante-dix, il y eut une grosse famine consécutive à une très grande sécheresse. Ce fut le temps de « l’huile Kennedy » à laquelle le peuple dédia même une chanson, célèbre : « Nous est venu Kennedy/Que nos morts soient bénis […] ».

Aussi celui du « millet rouget » (Lehmeire). Nous n’étions pas encore nombreux. C’est à peine si le pays dépassait un million d’habitants dont certains n’étaient pas « réellement pauvres ».

Même si, comme on le dit bien chez nous, « la pauvreté est dans le cœur » – elle le reste encore… – les préfets, les gouverneurs, les instituteurs et autres fonctionnaires ne firent voir que du feu à ceux officiellement visés par les produits d’urgence de l’époque : éleveurs ayant perdu tout leur cheptel, paysans de terres aridifiées et incultes, faute d’intempéries, ruraux réduits à survivre n’importe comment…

Exactement comme les responsables des unités, dizaines, centaines de hays (quartiers) des fameuses Structures d’Éducation des Masses (SEM) distribuaient en haut en haut et vendaient en bas aux gros commerçants les secours destinés aux masses.

C’est encore « tout exactement » comme firent les walis, hakems, maires, commissaires de police, responsables politiques du PRDS, « yeux et oreilles » du CMJD et du HCE, gens d’ADIL et de l’UPR, avec la viande saoudienne dont aucun pauvre ne sentit l’odeur jusqu’à ce qu’elle fût sortie des congélateurs et frigos des commerçants, artistiquement vendue à coup de dizaines voire centaines de caisses aux grandes boucheries et dibiteries.

C’est encore toujours comme les distributions des terrains au fond ou même aux tréfonds de Nouakchott ou Nouadhibou.

Allez à la direction de l’Agence du Développement Urbain : vous ne vous souviendrez d’aucun absent, ministres en exercice et tous leurs bureaux, anciens walis et hakems retraités, homosexuels et tous les LGBT, anciens officiers supérieurs et inférieurs, acteurs du théâtre populaire, journalistes, responsables d’ONG et tutti quanti, effroyablement mélangés avec les éclopés, les aveugles, les mendiants, les rouleuses de couscous, les âniers, les « tieb tiaba », les anciens soldats, gendarmes, policiers, gardes…

Exactement comme ce qui se passe présentement qu’une certaine commission essaie d’identifier les pauvres éligibles à une aide prévue par le gouvernement, à une exonération des redevances à la SOMELEC ou à la SNDE, dans le cadre des efforts de lutte contre la propagation du coronavirus.

Aïe, j’ai dit le gros mot que je m’étais promis de ne pas prononcer ! Mais je relève quand même le défi : celui d’attendre de savoir si la commission parviendra à distinguer le bon grain de l’ivraie. Entre le pauvre et le riche ! Salut.

Sneiba El Kory

Source : Le Calame (Mauritanie)