JOUR 1. Terjit, Mauritanie, 19 mars. Nous posons le camping-car sur un terrain à côté de l’Auberge des Caravanes dans la perspective d’un confinement à la française du genre « grosses-courses-pas-bouger-coucouche-panier-fini-de-voyager-le-virus-est-là ».
JOUR 7. Terjit, Mauritanie, 28 mars. Notre Transit est toujours stationné à l’Auberge des Caravanes. Sans perspective. Nous laissons les jours et le thé couler, à défaut de rhum, interdit sous ces latitudes. Le hasard de la route nous a été favorable. Nous avons trouvé à Terjit, pêle-mêle: un oasis, des amis, du couscous, des sources d’eau et une douceur de vivre.
Terjit, terre oubliée des hommes et des virus
Petit village perdu dans l’Adrar mauritanien, Terjit sent le sable chaud, la chèvre cuite et le vieux gasoil (comme toute la Mauritanie). La particularité de Terjit tient en son oasis enchanteur et ses bassins d’eau fraîche. Ici, les humains sont rares (une centaine), adorables et simples et habitués aux étrangers. Plus rares encore sont les voitures, une poignée. Le coronavirus reste introuvable, de même que d’éventuels compagnons-camping-caristes. Quelques voyageurs (une dizaine) ici confinés, à l’Auberge des Caravanes et dans le village. Français, Allemands, Néo-Zélandais, Ecossais, Suédois, voyageurs à vélo, à van ou à pieds, musiciens, influenceurs, stylistes, photographes, cuisiniers, mécano, artistes, rêveurs. Nous excellons tous dans un… non, deux… non, trois domaines: dormir, boire (du thé) et manger. Le reste n’est que paillettes aux yeux.
Confinés à l’air libre
Notre confinement à Terjit n’est pas physique. Le couvre-feu en vigueur dans les villes mauritaniennes n’a pas cours ici. Les routes doivent cependant être désertées à compter de 18 heures. Sachant cela, libre à nous de prendre le gros Larry jusqu’à la ville la plus proche, Atar. Libre à nous de chausser nos sandales puis d’aller se baigner dans la source fraiche. Libre à nous de grimper sur les plateaux de grès qui surplombent l’oasis. Les espaces sont vastes et désertiques et ouverts. Nos corps nous disent merci. Après des mois de voyage sur la route en camping-car, nous goûtons aux plaisirs des marches et de l’effort physique. Ici, à Terjit, nous sommes confinés à l’air libre.
La communauté de l’oasis
L’information circule mal jusqu’à notre oasis. Les rumeurs sont troupeaux et les fantasmes quotidiens. Un jour, le conducteur de taxi qui relie Atar nous apprend que nous n’avons plus le droit de quitter Terjit. Le lendemain, le voisin m’annonce l’ouverture des frontières et le surlendemain leur fermeture. Les réalités extérieures sont difficilement perceptibles. Nous vivons coupés des remous du monde. Utopie ou cynisme? Révolte ou résignation? Partir ou rester? Le réseau défaillant alimente l’incertitude et les informations bancales. Le vrai confinement, à Terjit, est ainsi, social. Et c’est heureux. La vie sur la route peut parfois être solitaire, une main sur son volant, l’autre sur son portable. Trouver ainsi une communauté, un groupe d’exilés, dans un oasis rassemblé est bon. Nous plongeons nos mains dans le même plat, respirons le même air, ensemble.
JOUR 13. Terjit, Mauritanie, 5 avril. Nous sommes toujours à l’Auberge des Caravanes sans perspective. Des rumeurs indiquent la possibilité de rejoindre Nouakchott, la capitale, mais pour quoi faire? Des réparations sur notre camping-car? Renouveler nos visa? Manger du fromage, introuvable à Terjit? Rien de tout cela ne semble aujourd’hui avoir de sens, sinon un bon Comté 18 mois. Alors, le soir venu, nous nous endormirons confortablement installé dans la certitude que demain sera comme aujourd’hui à Terjit. Simple et bon… en attendant la suite.
Source : Le Monde du Camping-Car (France)