Scénario catastrophe pour l’Afrique désormais touchée par le coronavirus

Scénario catastrophe pour l’Afrique désormais touchée par le coronavirus S’il n’est pas aidé, ce continent, où le confinement est impossible, risque de servir de réservoir au virus, qui reviendra alors dans les pays du Nord.

L’épidémie de coronavirus descend lentement au sud, gagnant peu à peu toute l’Afrique. Désormais seuls 5 États sur 54 sont indemnes, et encore, ces données sont sujettes à caution. Dans le petit archipel de Sao-Tomé-et-Principe, le gouvernement reconnaît qu’il n’a aucune capacité de test, tandis que les Comores s’attendent à être touchées très vite.

L’Afrique sera entièrement frappée et le virus progresse maintenant très vite, souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Même si les cas restent relativement peu nombreux officiellement – 5 287 le 31 mars pour 172 morts – le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, appellent les États africains à réagir «fortement» et vite.

Comme le souligne la Fondation Mo Ibrahim, dans un rapport publié de 30 mars, l’Afrique «est la plus faible capacité» de réponse, et «si le virus se répand, les dégâts seront substantiels sur les citoyens et sur l’économie». Les signes qui poussent à l’optimisme sont rares. La question de la chaleur, qui pourrait être un barrage au développement du Covid, n’a jamais été démontrée. La démographie pourrait certes représenter un avantage.

L’Afrique est un continent très jeune. L’âge médian est de moins de 20 ans et les plus de 65 ans, qui représentent la majorité des cas sévères, compte pour moins de 3 %. Mais ces bonnes données sont contrebalancées par des facteurs aggravants, notamment la forte présence de maladies pulmonaires, comme la tuberculose ou de maladies endémiques, à commencer par le paludisme, qui affaiblissent l’organisme.

Surtout, la possibilité de se calquer sur le modèle asiatique ou européen pour endiguer l’épidémie est peu réaliste. Le confinement, appliqué dans une vaste partie du globe, est un défi pour les mégalopoles africaines. Dans les bidonvilles, la promiscuité comme la pauvreté sont extrêmes. Le président du Bénin, Patrice Talon, l’a reconnu, lundi, sans ambages.

«Comment peut-on, dans un tel contexte où la plupart de nos concitoyens donnent la popote avec les revenus de la veille, décréter sans préavis, un confinement général de longue durée?», s’est-il interrogé, évoquant le risque «d’affamer tout le monde».

Moins directs, bien des présidents sont arrivés à des conclusions identiques, et ont donc opté pour des solutions intermédiaires afin de limiter la circulation dans les villes: fermeture des aéroports, des lieux de culte et des bars, couvre-feu, barrages… mais pas de confinement complet. Les Congolais qui devaient l’appliquer quatre jours par semaine, à partir de vendredi, à l’immense Kinshasa, près de 12 millions d’habitants dont plus de la moitié dans la grande pauvreté, ont finalement reculé. Le risque d’émeutes était trop grand. L’Afrique du Sud, à la capacité sanitaire supérieure, s’y est risqué, mais non sans difficulté. Le Nigeria a aussi annoncé un arrêt total des activités des 21 millions de résidents de la tentaculaire Lagos.

Pour éviter le pire, l’Afrique a besoin d’une «réponse unique», analyse John Nkengasong, le directeur de Centres for Disease Control (DCD) Africa, une structure de l’Union africaine. Mais, pour l’instant, par manque de moyens techniques et financiers, rien n’avance.

«Il faut faire de l’Afrique une priorité absolue de la communauté internationale avec un investissement massif», a souligné mardi le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans un rapport. Les experts estiment qu’il faut une mobilisation pour aider les finances des pays les plus faibles, au risque de connaître «des millions et des millions de contaminations».

L’ONU estime à 3 000 milliards de dollars la somme nécessaire, tant pour combattre l’épidémie que pour soutenir l’économie des pays en voie de développement. Il faut aussi un moratoire sur la dette africaine et une nette augmentation des capacités d’action du Fonds monétaire internationale (FMI).

Face à de tels besoins, la mobilisation internationale est pour l’instant très loin du compte. Pour Antonio Guterres, il faut pourtant se presser: «Plus il y aura de malades et plus le risque de mutation du virus est grand. Dès lors, tous les investissements faits sur un vaccin seront perdus et la maladie reviendra du Sud vers le Nord.»

 

Le 01/04/2020

Par Tanguy Berthemet

Source : Le Figaro (France)