Les Etats-Unis envisagent de réduire leurs forces en Afrique, Washington a durci les conditions d’obtention de visa pour les Africains et Donald Trump a notoirement qualifié d’un mot vulgaire des pays du continent.
Malgré ce passif, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a pour mission de peindre un tableau positif des relations de coopération entre les Etats-Unis et l’Afrique, lors de sa première visite en Afrique subsaharienne depuis sa prise de fonctions, il y a deux ans.
Débutant samedi, le voyage de M. Pompeo l’amènera au Sénégal, en Angola et en Ethiopie, des pays sélectionnés pour l’attachement de leurs dirigeants aux valeurs démocratiques, dans une région du monde qui a connu un recul depuis quelques années. « Ces trois pays contribuent fortement à la stabilité de la région. Et ils bénéficient de dirigeants dynamiques », a indiqué un haut responsable du département d’Etat, sous couvert d’anonymat.
L’influence croissante de la Chine, qui a investi dans le continent africain dans le cadre de l’augmentation globale de ses dépenses d’infrastructures, sera un « thème majeur » de la visite, selon ce haut responsable. La Chine a fortement investi en Angola, qui a accumulé près de 25 milliards de dollars (23 milliards d’euros) de dette auprès de Pékin. Une somme que le pays remboursera par des livraisons de pétrole.
Pas de signaux francs de soutien au continent
Les Etats-Unis ont mis en garde les pays en développement contre la Chine, affirmant que le financement de grands projets pouvait se transformer en dettes colossales au profit de Pékin. Ils ont vanté le secteur privé américain comme une alternative. Mike Pompeo insistera sur « la croissance économique, le commerce et les investissements » dans ce continent où la population devrait doubler d’ici à 2050. « Nous souhaitons valoriser cette jeunesse et s’assurer qu’elle soit le moteur d’une croissance dynamique, d’une indépendance économique et d’une meilleure gouvernance mondiale », a ajouté le haut responsable.
Mais les Etats-Unis n’ont pas envoyé des signaux francs de soutien au continent avant la visite de Mike Pompeo. Le Pentagone a annoncé cette semaine un réajustement des forces militaires américaines en Afrique, préférant l’allocation de ressources pour contrer la Chine, la Russie et l’Iran.
La France, qui mène une opération antidjihadiste forte de 5 200 hommes au Sahel et bénéficie d’une aide logistique de Washington, s’est montrée particulièrement inquiète de l’impact que ces coupes budgétaires pourraient avoir dans cette lutte. « Je pense que le signal que l’Etat américain est censé avoir envoyé, selon lequel il se retirait du Sahel, va provoquer beaucoup d’inquiétudes au Sénégal et dans les pays du Sahel », estime Ahmadou Aly Mbaye, professeur de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
« Pays de merde »
Quelques semaines avant le voyage de M. Pompeo, les Etats-Unis ont durci les conditions d’obtention de visa pour six pays, parmi lesquels le Nigeria et le Soudan, arguant que ces nations devaient résoudre « des problèmes techniques de sécurité ». Certains ont néanmoins rappelé qu’en 2018, Donald Trump avait qualifié de « pays de merde », les Etats africains envoyant des immigrés aux Etats-Unis.
Ce voyage de Mike Pompeo en Afrique subsaharienne, seule région du monde qu’il n’a pas encore visitée, soulève des interrogations, selon un ancien diplomate américain. « On ne comprend pas pourquoi il fait cette visite maintenant et si cela fait partie d’une stratégie plus globale des Etats-Unis en Afrique, alors que le gouvernement américain a annoncé il y a quelques semaines son intention de réduire ses investissements dans la sécurité et son aide [dans la région] », a-t-il souligné, sous couvert d’anonymat. « On ne peut pas organiser une politique de l’Afrique avec une visite dans quelques pays au sein d’un vaste continent et appeler ça une stratégie », a-t-il ajouté.
Le dernier secrétaire d’Etat à avoir visité l’Afrique subsaharienne était Rex Tillerson, le prédécesseur de Mike Pompeo, en mars 2018. Ce voyage ne lui avait pas porté chance : Donald Trump l’avait limogé dès son retour aux Etats-Unis.
Le Monde avec AFP
Source : Le Monde Afrique (France)