Connu pour son franc parler, Ely – qu’Allah l’accueille en Son paradis ! – avait simplement dit : « Nos hommes d’affaires sont invendables à l’étranger. Ils sont victimes de leur manque de crédibilité. »
Effectivement sous le régime d’Ould Taya, de jeunes hommes d’affaires, véritables brebis galeuses, avaient déjà entaché, par des faits qualifiés « d’escroqueries », la crédibilité de toute la classe des hommes d’affaires mauritaniens, mêmes ceux connus pour leur intégrité morale et religieuse.
À cette époque, une génération « d’hommes d’affaires cartables » avaient commencé à s’adonner à un de leurs jeux favoris : « l’escroquerie en bande organisée ». Ils alléchaient leurs victimes par des offres de partenariats ou échanges commerciaux qui relevaient de la chimère.
Ces bandits de grands chemins appâtaient de riches personnes des pays du Golfe en leur organisant, par des manœuvres d’approche, des rencontres avec des ministres, personnalités politiques influentes et parfois le chef de l’État lui-même.
Ces petits délinquants financiers des années 80 étaient, pour la plupart, des descendants des escrocs des années 70 qui avaient mis en faillite des banques secondaires comme la BMDC, l’UBD, la BACIM Bank et affaibli, un temps, la Chinguity Bank.
Ils octroyaient des prêts importants qu’ils ne remboursaient pas et quand la justice les poursuivait, ils se faisaient déclarer morts par des actes administratifs légalisés.
Quand ces recherchés par la justice d’ici et d’ailleurs eurent usés de toutes les combines possibles, imaginables et même inimaginables, pour escroquer les rares investisseurs qui fondaient un espoir sur le profil islamique de notre pays, ils commencèrent à vendre hors du pays et à la criée leurs relations tribales et parentales avec nos chefs d’État et dignitaires.
Transactions douteuses
Résumons : les années 70 portèrent la vague des prêteurs mauvais payeurs. Très imposants à l’octroi des prêts, enterrés vivants à leur paiement ; les années 80, celle des escrocs déguisés en hommes d’affaires. Ils abusaient de la confiance de partenaires dénichés dans les pays du Golfe ou en Arabie Saoudite, en donnant une fausse image de leur personnalité.
À la tête de sociétés bidons, ils roulaient en grosses cylindrées, habitaient en de somptueuses villas, invitaient de riches hommes d’affaires, les hébergeaient en de luxueux hôtels, leur servaient le célèbre méchoui du pays, leur organisaient de relaxantes soirées et… le tour était joué !
À partir de 2008, c’est le désordre total dans les affaires. Une version améliorée des hommes d’affaires escrocs est née spontanément. De jeunes partis de rien se sont spécialisés dans les transactions douteuses à dimension multinationale.
Les voici vendeurs de contrats juteux prépayés et présignés avec le pays, de permis d’explorations ou de recherches en des zones réputées riches en minerais rares ou précieux, de licences de pêche par centaines, fournisseurs d’audiences avec les ministres dont le Premier et, parfois, avec le Président lui-même.
Leur domaine d’activités est très élargi. Ces prestataires de services en tous genres passent, à l’occasion, par le trafic illicite ou le crime organisé.
Aujourd’hui, tout nous prouve que les jeunes hommes d’affaires issus de cette dernière décennie n’ont malheureusement rien retenu des vertus morales et religieuses de nos doyens Abdallahi ould Noueighedh, Chriv ould Abdallahi, Bamba ould Sidi Baddy, Azizi ould El Mami, Veten ould Rgueiby, Mohamed Abdallahi ould Zeine, Sidina ould Birou… qui bâtirent leurs fortunes sur l’honnêteté, les règles et les préceptes de l’islam.
Ils n’ont pas non plus tiré de leçons de la bonne morale, l’honnêteté intellectuelle et l’amour pour leur pays de la génération suivante, les Ahmed Hamza, Mohamed ould Noueighedh, Mohamed ould Bouamatou, Moulaye ould Abbas, Ahmed Baba ould El Mamy, pour ne citer que ceux-ci.
Tous pratiquement inconnus et comme nés d’un coup de baguette magique, sous le régime d’Ould Abdel Aziz dans un environnement favorable aux trafics d’influence et toutes sortes d’activités illicites, ces jeunes loups sont des espèces de « Start Up du New Business ».
Une génération de jeunes commerçants ambulants nantis d’établissements ou de sociétés inconnus du milieu des affaires. Sociétés haut de gamme « cartables » légalement constituées, enregistrées, titulaires de NIF, mais portatives et hybrides, c’est-à-dire disposant chacune d’un large spectre d’activités qui leur permet d’obtenir de grands marchés dans tous les domaines, en jouant seulement les intermédiaires ou le « bras long ».
Ils servent parfois de relais à des sociétés étrangères appartenant au crime organisé et versées dans l’arnaque à grande échelle, la fuite des capitaux et le blanchissement d’argent.
Ils sont reconnaissables à leurs véhicules de prestige : Hammer, Range Rover, V8 full options. Un genre new look qui a jeté aux oubliettes nos respectables vieux hommes d’affaires Abdallahi ould Noueighedh, Adou ould Maham, Abdallahi ould Abdallahi, Ould Ebdebe, les Sakaly Abdel Haye et Sakaly Melainine, Veten ould Rgueiby, Bamba ould Sidi Bady.
Ils se sont imposés et peuvent réaliser, en une seule journée, une transaction aussi douteuse que susceptible de leur rapporter le bénéfice annuel d’un de nos hommes d’affaires de l’époque.
Ceux-ci devaient jouaient, autrefois, au chat et à la souris avec les douanes mauritaniennes pour faire entrer à taxes réduites des marchandises du Mali ou du Sénégal, ces jeunes soit disant modernes et intellectuels sortis des grandes écoles de l’arnaque passent entre les mailles du gendarme du Monde pour traiter avec les mafias russe, chinoise, hongkongaise, taïwanaise, turque, indienne, espagnole…
Alors que nos vieux hommes d’affaires détenaient leurs quelques millions en de petites banques comme la BMDC, BMCI et Chinguity Bank, pratiquement les seules existant à leur époque, ces « startup du new business » tiennent des comptes libellés en devises, à Monaco, Madrid, Singapour et autres paradis fiscaux.
Réputation ternie
Depuis le temps de feu Mokhtar Ould Daddah, cette généalogie d’hommes d’affaires donne l’impression de ne pouvoir vivre et évoluer qu’en environnement malsain et addiction à l’arnaque, pourrissant l’atmosphère du patronat mauritanien et détruisant ainsi l’image de notre pays.
Le patronat mauritanien, cette honorable institution, fut dirigée, ces dernières décennies, par des responsables respectables, crédibles et honnêtes : feu Sidi Mohamed Ould Abass, Mohamed ould Bouamatou et Ahmed Baba ould Azizi ould El Mamy.
Qui ont passé le témoin à Zeine El Abidine, un homme d’affaires émergeant, réputé lui aussi pour son sérieux et son honnêteté dans les affaires même si certains pensent le contraire, à cause de sa proximité avec le président Ould Abdel Aziz. Sa dernière virée en Arabie Saoudite lui a rappelé la triste réalité.
L’image du monde des affaires en Mauritanie est polluée par les agissements irresponsables « des arnaqueurs à la sauvette ». Sa très forte délégation n’a obtenu que la signature d’un seul accord. Un échec indéniablement consécutif aux agissements des « arnaqueurs trouble-fête ».
La liste des opérateurs économiques mauritaniens est ternie. Un célèbre homme d’affaires sous mandat d’arrêt s’est réfugié au Sénégal depuis plus de quinze ans. Il a élu résidence dans la région du Fleuve d’où il opère à quelque soixante-dix kilomètres seulement de notre frontière. Il a bâti sa fortune sur une rocambolesque arnaque dont fut victime un riche homme d’affaires arabe.
Dans un article traduit de l’arabe par CRIDEM, le crédible journal Al-Akhbar nous apprend qu’un homme d’affaires saoudien, Mohsen Abdullah Al Turki, s’est dit surpris d’avoir vu assis, à côté du président Ghazwani, un mauritanien recherché par Interpol, sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par la justice de notre pays.
L’homme d’affaires saoudien court derrière la bagatelle de 620.000 dollars déviés de leur trajectoire d’investissement par ledit mauritanien qui lui avait émis, en garantie, un chèque sans provision. L’arnaqueur qui a terni l’image des affaires de son pays vit en Grande-Bretagne.
Mais en s’affichant auprès du nouveau chef de l’État mauritanien, il va bien au-delà de sa grave faute, suscitant l’amalgame en l’esprit de sa victime saoudienne qui le croit désormais en relations particulières avec notre président.
Concluons : nous savions déjà que l’escroquerie de certains soi-disant hommes d’affaires avait dépassé nos frontières. Nous savions aussi que nombre d’entre eux n’ont pas froid aux yeux. Nous savions également que notre justice n’est parfois pas très regardante sur les délits ou crimes opposant des mauritaniens à des étrangers. Nous savions encore qu’elle penchait naguère un chouïa du mauvais côté, en fermant l’œil sur la libre circulation de citoyens recherchés, ici ou ailleurs, pour abus de confiance.
Mais ce à quoi l’on ne s’attendait pas et pas du tout, c’est qu’un escroc de compétence internationale élargie, recherché par Interpol, s’affiche sans vergogne aux côtés d’un président qui lutte de toutes ses forces à vendre la puante pacotille des relations d’affaires héritée des anciens systèmes.
Il est temps que les mauritaniens qui évoluent dans l’escroquerie, l’arnaque, le banditisme transfrontalier et l’abus de confiance organisé cessent de porter préjudice à la crédibilité des relations d’affaires que des investisseurs établissent avec des citoyens de notre pays.
La justice mauritanienne doit contribuer à rechercher, arrêter et punir ceux qui mettent en avant leur intérêt et loin derrière eux ceux du pays. S’il s’avère qu’ils sont moulés dans un système d’arnaques multidimensionnel et multisectoriel qui les protège, il est bon qu’ils sachent au moins que la Mauritanie a beaucoup souffert de la vente en détail de sa crédibilité sur le marché noir de l’escroquerie organisée et que sa justice prendra désormais le dessus.
Mohamed Chighali