Le colloque du Ministère de l’Orientation Islamique et l’Enseignement Originel sur les dites séquelles de l’esclavage : la montagne a accouché d’une souris ! (Partie 1)

 

Ethmane O. Bidiel – Les rideaux sont tombés sur le colloque organisé par le Ministère de l’Orientation Islamique et de l’Enseignement Originel depuis un peu plus d’un mois. L’absence de résolutions ou de recommandations, ayant l’habitude de sanctionner de tels événements, est naturellement criante.

Elle en constitue un cinglant aveu d’échec et de désaveu. Bien que longtemps souhaité par certains, l’organisation de ce conclave, qui s’était fixé l’objectif de contribuer à l’élaboration d’une stratégie sectorielle, devant contribuer à la synergie d’efforts entrepris dans le cadre de l’éradication des dites « séquelles » de l’esclavage, n’aura pas contre toute attente participé à déstructurer les prétextes religieux encore utilisés comme prétexte pour la justification et l’entretien de insidieux et criminels de l’esclavage.

N’ayant su venir à bout des résistances des pesanteurs de la tradition atavique, lesquelles constituent un véritable obstacle face au renversement des théories abrutissantes d’asservissement et d’inféodation, nos éminents théologiens (érudits, imams, exégètes et autres éminents penseurs) ratent, pour l’énième fois une précieuse occasion de renouer avec l’histoire et rompre à jamais avec un passé peu glorieux.

Il semblerait hélas que nous aurons encore à prendre notre mal en patience ! Le réveil spectaculaire tant attendu des consciences des hommes de religion ne sera pas pour demain.

Sur cette terre, d’où, on prétend, que l’Islam est parti pour se propager partout en Afrique de l’Ouest, osons dire que les enseignements du Saint Coran et de la Sunna, principales sources des valeurs de vérité et de droits humains, ne sont toujours pas suffisamment appréhendés par nos fameuses sommités théologiques de l’heure.

Et pour preuve, leur détermination à s’inscrire en faux avec la volonté du changement et de réactualisation des exégèses et poursuivre dans la logique des manœuvres suivistes, s’inspirant, d’œuvres aux interprétations anachroniques.

L’organisation à l’emporte-pièce du colloque, le choix clientéliste de ses conférenciers aux communications médiocres tout comme ses résultats vaseux ont participé à vouloir faire noyer le poisson et réduire la chance de voir émerger toute nouvelle exégèse contemporaine on ne peut plus conformes au contexte sociétal.

Ceci étant, le colloque s’est vu reprocher, outre ces constats susdits, l’incapacité des autorités publiques, des conférenciers et autres personnes ressources à amener les théologiens à sortir de ce conclave avec une fatwa sans appel, attestant l’illégitimité des pratiques de l’esclavage en Mauritanie, lesquelles sont en parfaite contradiction avec l’esprit et la lettre de l’Islam originel.

Il s’est vu aussi reprocher le silence coupable sur les prescriptions obsolètes de pensées tirées du code obscur de l’oligarchie théocratique, dont Khalil, Ibn Acher, Dessouqi font office de référentiel et auquel recouraient et recourent encore les esclavagistes pour justifier leur pratiques criminelles.

Ces livres multiséculaires, rédigés entre le Xème siècle et le XIVème, appartiennent à d’autres époques. Ce sont des interprétations, des visions et des prises de positions évidemment subjectives et caduques, n’ayant jadis tout comme aujourd’hui d’autres motivations que l’intérêt de la logique du palais, c’est-à-dire la raison d’Etat.

Les musulmans contemporains, mis à part quelques groupuscules théocratiques, obscurantistes ou fascistes, soit les ignorent, soit les réinterprètent dans un sens favorable à la justification et au maintien des pratiques de l’esclavage.

D’ailleurs, l’ignominieux sermon, du vendredi 25 Octobre 2014, de l’imam de la mosquée saoudienne Lemrabott Ould Habibourahmane, où il affirmait, au vu et au su des fidèles, que l’esclavage est l’un des piliers de l’Islam et sa protectrice par les autorités prouvent que ce sont les interprétations fanatiques et intéressées de la religion bénies par le système en place qui participent à sacrifier l’esprit de la loi pour n’en garder malheureusement que la forme.

L’heure est venue de soumettre à la raison critique l’ensemble des manuscrits du code de l’esclavage. Pour cela il revient de lever le voile hermétiquement dressé autour de la réalité, qui n’a de cesse de leurrer et fourvoyer les incultes. En effet, nombreux ceux qui s’évertuent à tort pour faire croire que ces livres font partie du sacrosaint, au point de reléguer au second rang les deux principales de l’Islam, en l’occurrence le Coran et la Sunna.

Les conférenciers tout comme les autorités ont fait montre d’une grande incapacité d’anticipation, par ce temps où les défis de radicalisme, d’extrémisme, d’intégrisme et de blasphèmes (écrit blasphématoire) fusent de partout.

La détermination des uns et des autres à maintenir les privilèges des segments dominants, les empêchent d’accepter qu’à l’heure de la parabole, l’« Idjmaâ » (consensus) peut être réalisé aujourd’hui sur la question de l’esclavage et la remise en cause de certains aspects de certaines règles consécutives à l’instrumentalisation des textes d’interprétation.

Professeur Ethmane Ould Bidiel
Email : ebidiel@yahoo.fr
Source : CRIDEM, le 05/11/2014