La première transition présidentielle qui ait eu lieu depuis dix ans laisse espérer que le nouveau chef d’État de la Mauritanie, Mohamed Ould Ghazouani, garantira la protection des droits humains de tous les Mauritaniens, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, à l’occasion de la publication de son Rapport mondial 2020.
Le président Ould Ghazouani devrait inscrire dans ses priorités l’abrogation des lois répressives qui limitent la liberté d’expression, garantir les droits des femmes et ordonner aux forces de sécurité de respecter le droit à manifester pacifiquement.
Quand l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz était encore au pouvoir, les autorités se servaient de lois criminalisant la diffamation et de la loi antiterrorisme afin de poursuivre et d’emprisonner des défenseurs des droits humains, des activistes, dont certains actifs sur les médias sociaux, et des opposants politiques.
Deux blogueurs, Abderrahmane Weddady et Cheikh Ould Jiddou, ont été détenus pendant trois mois pour des publications sur les médias sociaux critiquant la corruption en Mauritanie, avant que les poursuites contre eux ne soient abandonnées.
« Le président Ould Ghazouani devrait inscrire dans ses priorités une réforme qui n’a que trop tardé, celle d’un code pénal extrêmement dur, qui prévoit la peine de mort pour les affaires de blasphème et qui est de fait utilisé pour museler l’expression », a déclaré Eric Goldstein, directeur par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
« Le nouveau président devrait également prendre des mesures décisives pour veiller à ce que les femmes et les filles survivantes de violences reçoivent le soutien dont elles ont besoin pour aller de l’avant. »
Dans l’édition 2020 de son Rapport mondial, la 30ème, qui compte 652 pages (version abrégée en français 153 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans près de 100 pays.
Dans son essai introductif, le Directeur exécutif Kenneth Roth affirme que le gouvernement chinois, qui s’appuie sur la répression pour se maintenir au pouvoir, se livre à l’offensive la plus intense depuis des décennies contre le système mondial de protection des droits humains.
Il explique que l’attitude de Pékin encourage les autocrates populistes à travers le monde et gagne leur soutien, et que les autorités chinoises utilisent leur puissance économique pour dissuader les autres gouvernements de les critiquer. Il est urgent de résister à cet assaut, qui menace plusieurs décennies de progrès en matière de droits humains, ainsi que notre avenir.
Le code pénal stipule la peine capitale pour le blasphème. Le 29 juillet 2019 – soit quatre jours avant l’investiture d’Ould Ghazouani –, les autorités ont libéré Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, un blogueur qui était emprisonné dans une affaire de blasphème depuis cinq ans et demi ; au départ un tribunal l’avait condamné à mort.
Bien qu’une cour d’appel ait réduit sa peine à deux ans de prison, les autorités l’avaient arbitrairement maintenu en détention à l’isolement pendant 21 mois supplémentaires, officiellement pour le protéger. Une fois libéré, Ould Mkhaitir a immédiatement demandé asile à la France.
La Mauritanie devrait abroger les lois criminalisant la diffamation et le blasphème, a déclaré Human Rights Watch, et œuvrer pour abolir la peine de mort dans tous les cas. Human Rights Watch s’oppose à la peine capitale en toutes circonstances en raison de sa cruauté inhérente.
En octobre 2019, la police a violemment dispersé des manifestations d’étudiants qui avaient lieu à Nouakchott contre une loi interdisant aux étudiants ayant 25 ans révolus d’effectuer une première inscription dans une université publique. En novembre, le gouvernement a suspendu cette règle discriminatoire.
Dans la législation actuelle, toutes les relations sexuelles hors mariage sont pénalisées, et il n’existe aucune loi contre la violence liée au genre, alors que ce type de violences est très fréquent en Mauritanie.
Les femmes et les filles rencontrent de nombreux obstacles lorsqu’elles veulent accéder à la justice. Par exemple, celles qui dénoncent un viol risquent d’être poursuivies pour relations sexuelles hors mariage (ce qu’on appelle zina) si elles ne peuvent pas prouver que l’acte n’était pas consensuel.
L’État devrait cesser de poursuivre en justice, voire placer en détention les personnes pour les affaires dites de zina, dépénaliser cette infraction et adopter une loi contre la violence liée au genre qui soit conforme aux normes internationales, a déclaré Human Rights Watch.
Les autorités devraient également mettre en place des unités spéciales, au sein du parquet, chargées d’assister les victimes de violence liée au genre, garantir qu’elles aient plus facilement accès aux soins médicaux et apporter des services direct d’appui aux survivantes.
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Source : Human Rights Watch