Le bilan de la Banque centrale de Mauritanie aura été en dessous des espoirs attendus tant on a pu lui reprocher une absence remarquable dans la gestion quotidienne et stratégique de ses fonctions régaliennes.
Tout d’abord par rapport à la démonétisation réalisée 2018 aux forceps sans aucune préparation amenant les banques primaires à s’adapter dans la dispersion aux nouvelles règles édictées par les autorités publiques. Jusqu’à présent, les conséquences techniques et financières sont amplement ressenties sur la scène économique. D’aucuns ont estimé que les prévaricateurs ont utilisé pour leurs comptes le contexte mal géré de la démonétisation pour mettre leurs établissements en banqueroute organisée. Les cas les plus patents sont ceux de la Nouvelle Banque de Mauritanie (NBM) et de la Banque Mouamalat Sahiha (BMS) entre 2017 et 2018 sans oublier le cas encore tout frais de la Maurisbank qui date de 2015.
Près de cent milliards MRO de dépôt sont ainsi partis en fumée. Ce ne sont pas les subsides prévus par le fonds de garantie géré par la BCM (3% maximum des dépôts) qui vont désintéresser les agents économiques qui ont pris le risque de faire confiance aux banques primaires.
Les experts et non des moindres estiment que les déséquilibres structurels latents menacent à très courts termes d’autres établissements bancaires de la place au risque de créer un effet domino dans l’ensemble du système financier.
Les doutes sur la bonne conduite de la politique financière par la BCM ne s’arrêtent pas là. Des personnes parmi les plus autorisées soulèvent la problématique posée par la création et la circulation fudiciaire de la nouvelle monnaie (MRU) lancée au tout début de l’année 2018 du fait de la mauvaise qualité des billets de banque mis sur le marché pourtant valorisés par l’institut d’émission pendant la campagne de lancement.
Comment en est-on arrivés là ?
L’observation conduit à conclure que ce sont là les résultats d’une fuite en avant sur plusieurs années ; époque où la place centrale et stratégique pour la politique économique de la BCM ayant été banalisée par les dirigeants laissant la place à l’improvisation, la négligence voire au laisser-faire. C’est à cet égard que l’on peut estimer que les fonctions de régulation ont été simplement abandonnées laissant la porte ouverte à tous les abus vécus.
Sur un plan plus général, certains cadres avisés de la BCM, qui regrettent cet état de fait dommageable pour le maintien des grands équilibres macro-économiques et financiers du pays, estiment que la BCM a depuis quelques années ignoré ses fonctions régaliennes et de supervision bancaire, en particulier, à l’avantage des sphères administratives et politiques.
A qui incombe finalement la responsabilité directe de cet effondrement ? On peut estimer que la responsabilité est largement partagée à l’échelle de l’administration impliquée. Toujours est-il qu’il est grand temps de voir de plus près comment peut-on donner sa véritable place à la BCM au sein de l’échiquier économique et financier de notre pays. Une nouvelle organisation s’impose, une clarification des missions et responsabilités est à implanter ; une plus grande implication de l’Etat, au sens large, dans la supervision de la conduite financière et économique de la BCM est à instaurer…
Jusqu’à présent, la BCM a tenté de s’adapter aux mutations nationales et internationales sans disposer des instruments institutionnels idoines (statuts, instruments de politique monétaire et place dans le financement de l’économie…). Il est grand temps pour les pouvoirs publics de se donner du temps pour mieux asseoir une nouvelle BCM conforme aux exigences et aux ambitions de notre politique économique.