Mais cette fois ci ma concentration était focalisée sur l’état du danseur. Un vieil homme, habillé d’un vieux boubou de percale, immaculé par derrière d’une tache jaunâtre. Peut-être des traces de boue sur laquelle il était assis, ou d’une diarrhée pernicieuse qu’il traine depuis toujours, a cause de la malnutrition et du manque de connaissance des règles d’hygiène.
La tête enveloppée de ce qui fut jadis un turban de guinée, décoloré par la succession implacable des nuits et des jours. Un turban couleur de misère et de dénuement total.
Ce septuagénaire, mauritanien, dansait sur des trésors enfouis dans les entrailles de sa terre. Des mannes confiées par la générosité du ciel a l’utérus insondable de la terre. Des ressources qui lui passent sous le nez, chatouillent ses yeux et encensent ses espoirs, sans que jamais il n’en profite d’une miette. Il se trémoussait devant une assemblée de femmes cocasses et d’hommes curieux. Une danse presque douloureuse et triste. L’accouchement immoral d’une situation de déséquilibre provoqué et mesquin.
Voila ce que la société mauritanienne fait de ses vieux hommes, anciens esclaves des « Adwabas ».
Depuis son plus jeune âge, on le dresse et le redresse pour ne rien savoir. Ne rien comprendre, ne rien vivre. Il mourra sans savoir pourquoi il a vécu. C’est son destin, ou plutôt ce a quoi on l’a destiné.
C’est lâche. C’est un crime. Ce n’est pas islamique. Ce n’est pas venu d’Allah, bien que beaucoup dans le passé récent et lointain ont édifié cette discrimination et l’ont empreinte de spiritualité et de suprématie mensongère. C’EST TRISTE.
Si c’est pour être « noble » par rapport a quelqu’un. Triste noblesse, que celle qui est mesurée par rapport a un homme réduit à zéro. Qui ne peut donc être qu’une noblesse supérieure ou égale a zéro.
Pourquoi ne pas essayer sa noblesse par rapport aux autres peuples? Ou bien nous suivrons éternellement la vieille logique : « Les hommes me cassent la gueule, mais je peux casser la frimousse a ma femme. » C’est la Mauritanie qui perd.
Elle perd ses fils. Des fils braves et intègres qui ont gardé le reste restant des valeurs de ce pays. Dans leurs simplicité leur naïveté et dans leur danse gauche et douloureuse pour distraire les autres, ils chantent une bonté qui ne cache pas de pièges.
Non, je ne suis pas Birame ould Dah, ni Messoud ould Boulkheir, ni Mohamed ould Abd Al Aziz. Je ne suis pas prêt a jouer leur rôle, ni épouser leurs idées. Ni exploiter ces malheurs, pour porter des lauriers ou construire des villas a Tevraq Zeyne. Je suis de père maure, de mère peule, j’ai quelques parents Harratins, j’ai tété le lait des forgerons et des griots et j’en suis fier. Intensément fier.
Ce qui me révolte, c’est que je suis témoin d’un calvaire horrible. Un drame. Un crime contre l’humanité, réduit a un sujet de discussions, de débats, de manœuvres et de magouilles. Un théâtre national, sous lequel croupissent des êtres, des frères, des citoyens. Les fils les plus valeureux, les plus honnêtes et les plus pieux de ce pays. Les vrais nobles. Une noblesse pas falsifiée du tout, et qui n’est nourrie sur le compte de personne.
Je ne parle pas en théorie. Pendant plusieurs années j’ai essayé de changer le petit secteur de la Chamama, ou vivait ma mère. Ceci m’a permis de réaliser d’évaluer dans toute son horreur, le système tenace et criminel, qui consiste a confiner ces paisibles citoyens dans leurs misère et leur ignorance.
J’ai été consultant pour Oxfam, je ne sais plus exactement en quelle année, et j’ai été expédié par son directeur Bill Feallen, dans l’Affolé, a l’est de Kiffa, pour la mission de l’alphabétisation. J’ai constaté le même système exploitant-exploité.
Des citoyens qui n’ont même pas le droit de posséder légalement le lopin de terre qu’ils ont cultivé depuis des générations. Pourtant le prophète Mohamed (psl), duquel les hommes semblent ne se souvenir que pour créer des problèmes, a dit: « La terre appartient a celui qui la fait vivre. »
La terre ici ne s’hérite pas. Elle est exploitée par des « énergies » humaines, créées a l’origine pour servir d’autres hommes. Des êtres supérieurs pour qui, la nature qui ne fait pas toujours bien les choses, a assujetti d’autres créatures supposées inferieures, dépendantes et abêties a l’extrême, qui ne pouvaient que produire par la force de leurs bras et procréer pour assurer la nourriture du maitre et augmenter le nombre de ceux qui le suivent pieds et poings liés, en toute confiance. Son « cheptel » humain. Ceux qui n’ont pas eu la chance de bien assimiler que seul Allah mérite adoration et allégeance.
J’ai eu la chance pendant que j’étais coordinateur de Trickle-up de New-york, en Mauritanie de faire un grand petit mouvement économique dans la région, avec mon Ami Kyhl Amosson. 44 projets, anéantis par la force des « choses ». Les autorités étaient présentes. Et j’ai gardé la documentation de cet épisode. Pendant 25 ans, nous avons investi des sommes énormes, pour que ces parents puissent respirer l’air de la dignité humaine. En vain, « par la force des choses »
Même la mosquée d’Allah que j’ai construite, et dont chaque pierre a été lourdement transportée de Nouakchott vers la région, a été ciblée, pour en faire un facteur de division. Un séisme tellement bien orchestré, qu’il a divisé un village séculaire en deux parties distinctes, presque ennemies. Le savoir ici doit garder ses limites et rester dans les limites. Même si c’est le savoir qui mène à Dieu.
Aujourd’hui encore je garde de vieux et douloureux souvenirs de personnes sur vidéo ou enregistrement sonore. Des personnes qui sont mortes depuis très longtemps en essayant d’émerger la tête sans jamais y arriver. Elles sont toutes parties raconter au Dieu des hommes, les mauvais comportements de ces méchantes créatures qu’on appelle « humains ».
Ce n’est ni la faute du maure, ni la gloire des défenseurs des droits de l’homme, ni la négligence des gouvernements successifs. Inutile de charger quiconque. Ce n’est pas ma façon d’aborder les choses et ce sont des méthodes négatives.
Tout ce beau monde ne fait que se débattre dans les vapeurs de cette arène incestueuse, pour les comptes de son propre compte.
La triste réalité est que rien de substantiel, n’est jamais fait. Tout le monde trouve son compte dans la perduration de ce triste phénomène. De temps en temps on jette un amuse-gueule a l’opinion nationale et/ou internationale, pour faire vrai, tout en veillant a ce que la force des choses, reste la force des choses.
Les seuls mauritaniens, qui n’ont pas vendu leur pays. Les seuls mauritaniens, qui ne sont pas allés par monts et par vaux exhiber la nudité de la patrie pour collectionner les dons empoisonnés d’une communauté internationale, déjà bien empêtrée dans ses propres problèmes et carences.
Les seuls mauritaniens, qui n’ont pas endetté le pays par des milliards de dollars et d’euros, qui entrent a grand bruit et dont on ne sait jamais ou ils sont allés, ni a quelles fins.
Les seuls mauritaniens qui arrosent cette terre de leur sueur et de leur sang. Les seules hommes desquels cette terre des hommes peut s’enorgueillir, et dont la vie n’a pas été souillée par la corruption, les mensonges, les traitrises, les hontes.
Ces hommes vestiges de notre orgueil national flétri, et de nos valeurs dévaluées a l’extrême, continuent a croupir dans leur état de sous-hommes, en attendant que la Mauritanie sache que la crème de ses citoyens les plus utiles, les plus braves, les plus honnêtes est restée très loin, sur les traces de la caravane nationale.
Délaissés a la marge du chemin. De braves hommes et de braves femmes, immolés sur l’autel de la bêtise, de l’égoïsme, de l’hypocrisie, de la méchanceté de la vanité, de l’arrogance et du déshonneur de l’humanité.
Une société tellement abêtie par ses préjugés, qu’elle ne réalise pas qu’elle a commencé a se faire Harakiri, devant un monde déjà habitué à ce genre de suicide stupide.
Ce n’est ni Aziz, ni Biram, ni Messoud, ni Boidjel, ni cet arsenal de formations de droits de l’homme et dont la plupart des actions se limitent aux exercices de la langue, qui peuvent changer la condition des anciens serviteurs. Tous ces hommes ne représentent qu’un projet de division ou de guerre civile, qui d’ailleurs commence a envoyer ses signes précurseurs.
C’est dans l’esprit et la conscience de chaque mauritanien en général et dans l’âme de chaque intellectuel en particulier, que le changement doit se faire. Prendre conscience de la futilité des théories qui nous tirent à l’arrière et les combattre par les dents et les ongles jusqu’à la fin.
Arroser les racines des déséquilibres immoraux sur lesquels a été bâtie notre société, équivaut a destiner vos enfants aux pogroms que vous observez partout dans le monde en Afrique centrale, en Syrie, en Irak, au Yémen, en Birmanie; partout ou le tort a fleurie et ou Allah a décidé de donner aux hommes quelque avance du salaire de leur comportement.
Rappelez-vous les paroles d’Allah : « Tout ce qui vous atteint comme malheurs, n’est que le fruit de ce que vos mains ont fait. »Coran Al Oumrane.
Mohamed Hanefi.
Koweit
Source: mushahide.com