Devant les caméras, après sa rencontre avec le président Mohamed Cheikh ould Ghazouani, Biram Dah ould Abeid, leader anti-esclavagiste, a débuté sa conférence en français, et non en arabe. Une entorse aux usages officiels, qu’il a tenu à justifier, mais qui a déclenché une polémique. Explications.
En conférence de presse à Nouakchott mardi dernier, le 1er octobre en début d’après-midi, Biram Dah Abeid, député, leader de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) et candidat malheureux à l’élection présidentielle du 22 juin 2019, classé second de ce scrutin avec plus de 18% des suffrages, a fait une entorse à un usage bien établi.
Le leader anti-esclavagiste a en effet choisi de parler d’abord en français, avant l’arabe, et a justifié ce choix par des propos qui ont ensuite fait polémique. Dans la salle, les journalistes de la presse arabophone en ont d’ailleurs eu les oreilles qui sifflaient.
En effet, selon un usage solidement établi début des années quatre-vingt-dix, les hommes politiques mauritaniens, qu’ils soient issus des communautés arabo-berbères ou haratine, entament toujours leur sortie devant la presse par un exposé préliminaire, en langue arabe.
Utilisé dans une grande partie de l’administration, le français, langue de l’ancien colonisateur, est cependant parlé par une importante partie des Mauritaniens, alors que l’arabe est proclamée langue officielle du pays par la constitution.
Lors de cette rencontre avec des médias mauritaniens, mais aussi internationaux, pour évoquer les sujets abordés au cours de cette audience de plusieurs heures qu’il a eue, la veille, lundi 30 septembre, avec le président Mohamed ould Cheikh El Ghazouani, le leader abolitionniste a lancé, sur un ton délibérément provocateur: «je commence mon exposé préliminaire en français. Les ar
abophones ont l’habitude de vider les lieux à travers un mouvement créant une véritable bataille qui gênent leurs collègues francophones à chacune de mes sorties devant les médias, dès la fin du discours dans cette langue».
Ces propos surviennent quelques semaines à peine après une déclaration d’une association qui entend promouvoir la langue arabe en Mauritanie, et qui exige que le français ne soit plus utilisé dans les courriers officiels de l’administration publique.
Cette requête, qui avait entraîné d
e nombreuses réactions, ainsi qu’un débat passionné et très polémique, risque fort d’être ravivée par la déclaration de Biram Dah Abeid.
Député, il a été élu à l’assemblée nationale à la suite des législatives de septembre 2018, sur la base d’une alliance entre son mouvement et le parti Sawab, issu de la mouvance nationaliste arabe. Ses alliés apprécieront-ils son usage du français face aux médias?
Par notre correspondant à Nouakchott
Cheikh Sidya
Source : Le360 Afrique (Maroc)