A.H.M.E. ET LE COUP D’ETAT 10 août 2005

La réaction de A.H.M.E au Coup d’Etat  militaire
du 3 Août 2005 en Mauritanie

A.H .M.E salue l’éviction de Ould Taya du pouvoir. Cette donnée constitue une avancée. Cependant, cette action, en soi, ne règle pas la question nationale, à savoir l’esclavage et le racisme.

En Mauritanie, il y a une communauté, dénommée les Haratine, victime de l’esclavage arabo-berbère qui est, à la fois, objet de l’esclavage et du racisme .

1.l’Esclavage

La communauté haratine compte au minimum 45% de la population mauritanienne d’après les dernières statistiques fiables des institutions françaises de 1964-65. Cette communauté se répartit en deux groupes :

– Les Abid (esclaves) :

Ce groupe constitue l’écrasante majorité. Ses membres sont asservies par les Maures ou Arabo-berbéres . Ils sont bergers, devant les tentes maures, aux champs, dans les Oasis, dans les caravanes, sur les puits etc. Ils sont au services, à la fois, du Ministre, de l’Ambassadeur, du Magistrat, du cadi…, mais aussi du chef de tribu, du fil de l’Emir et de tout Maure détenteur d’esclaves.

Ils travaillent sans être payés. Ils sont vendus, loués, donnés, échangés, hérités, partagés, prêtés, utilisés comme dot. Ils sont mal nourris, mal habillés, mal logés, lynchés, battus, castrés, tués au besoin..

– Les Haratine (affranchis)

Cette catégorie est constituée par les esclaves maures affranchis. En réalité, il s’agit d’un affranchissement théorique dont se servent les Maures pour exploiter leurs esclaves. Ces derniers continuent à travailler pour leurs anciens maîtres, mais à distance. Ainsi, cette forme d’esclavage coûte moins chère aux maîtres,
puisqu’ils ne sont plus responsables de leur nourriture, de leurs soins et leur surveillance.

Il faut ajouter à cela le fait que la Zëkatt (impôt religieux annuel) des Haratine revient automatiquement aux anciens maîtres. Cela prouve deux réalités.

a) Les Haratine demeurent dans le statut d’esclave parce que leur Zëkatt, au lieu d’être donnée à la mosquée ou octroyée par les intéressés, eux-mêmes, aux nécessiteux (ce qui est le cas pour les musulmans libres), profite aux anciens maîtres.

b) Les liens de clientélisme demeurent  entre  l’ancien esclave et l’ancien maître, puisque le premier
n’est l’interlocuteur ni du pouvoir politique traditionnel ( Emirs, chefs de tribu, chefs de fraction etc.), ni du pouvoir traditionnel religieux ( Imam, chef de confrérie etc.). Toutes les relations de l’ancien esclave avec la société maure, dans son ensemble, passe par  l’ancien maître.

2 Le Racisme

Deux communautés en Mauritanie sont victimes du racisme d’Etat.

a) Les Haratine ( esclaves et affranchis)

Le lecteur aura compris qu’il n’existe aucune différence entre  un esclave maure ( Abd) et un affranchi
( hartani) puisque  qu’ils sont tous deux victimes de l’exploitation du Maure esclavagiste. Le racisme
d’Etat affecte la communauté haratine car celle-ci est exclue du jeu politique du fait de son statut
d’esclave. Il s’agit d’un double racisme subi, car les haratine sont victimes de l’esclavage racial parce que tous issus de la communauté noire et du racisme d’Etat du fait de leur exclusion politique.

Au sujet du racisme d’Etat, il suffit de rappeler qu’avec 45% de la population mauritanienne, leur représentation politique au sein du parlement et du sénat, du gouvernement, des mairies est quasi nulle. (cf, www. Haratine.com\temoin8.htm)

L’esclavage est une tare sociale, en Mauritanie, dont l’éradication relève de la responsabilité politique de l’Etat. L’esclavage ne peut continuer à subsister, de  nos jours, en Mauritanie, sans la complicité de
l’Etat.

b) La communauté négro-mauritanienne

Cette communauté a été d’abord victime de la domination des berbères bien avant l’arrivée des Arabes. Cette domination s’est traduite par la chasse aux Noirs au double objectif.

– Chasser les populations noires du Nord et du centre des terres qu’elles occupaient. On sait que les villes d’Atar  Wadane, Chinguetti, Walata etc étaient à l’origine des villes noires. Cette chasse a conduit à ce que les populations noires se retrouvent dans le Sud du pays (Vallée du Fleuve Sénégal)

– L’arrivée des Arabes au XIème siècle n’a fait que renforcer et amplifier un mouvement déjà entamé  auquel les Berbères ont pris part. Cette domination a secrété l’esclavage et par conséquent les Haratine.  Les populations capturées étaient systématiquement réduites à l’esclavage.

Depuis l’indépendance, en 1960, les Maures sont détenteurs du pouvoir politique. Les négro-mauritaniens y sont associés mais de manière très marginale. Tant que cette communauté accepte cette association-domination, l’entente entre les deux communautés pourrait fonctionner. Le cheminement de
l’histoire prendrait une autre tournure lorsque cette communauté conteste la domination politique, économique, culturelle, etc. des Maures.

Les Evénements de 1966, 1979, 1987,  1989 et 1991 sont là pour le prouver.

AHME adresse les requêtes suivantes au Comité militaire pour la Justice et la Démocratie ( CMJD)

1) La future constitution doit comporter des articles interdisant l’esclavage et le racisme. La constitution étant la loi suprême d’un pays, elle doit servir à définir un cadre de vie commun au sein duquel les principaux problèmes doivent être réglés. L’esclave (mise en pratique de d’une idéologie de supériorité) et le racisme (conception d’une idéologie de supériorité) sont les deux principaux problèmes en Mauritanie.

AHME ne voit pas comment il pourrait y avoir de Justice et de Démocratie sans que ne soit mis fin à
l’esclavage et au racisme. A moins d’avoir comme inspiration les constitutions anciennes  grecques et romaines où  les esclaves n’étaient pas considérés comme des citoyens.

Ou alors comme inspiration, la démocratie américaine jusqu’en 1865 (année de  l’abolition de
l’esclavage aux USA). _Notons que de 1865 à 1965, l’esclavage était aboli dans ce pays mais le racisme demeurait.

Ou alors l’apartheid en Afrique du Sud. Stephen Smith s’est demandé, à ce sujet : « l’apartheid est-il maure »?

2) La communauté haratine doit être reconnue par la constitution comme entité. En effet, les Arabes les Wolof, les Haaalpular, les Soninké, y figurent en tant qu’entité ethnique et culturelle ( langues officielles et langues nationales).

Dans la tribu, les esclaves ne sont pas reconnus en tant membre de celle-ci. Ils sont reconnus à travers leur maître. Ils ne peuvent pas se structurer en tribu. Est -ce que l’Etat mauritanien va reproduire le même schéma au sein des institutions publiques ?

 Une communauté aussi importante ne peut être exclue de la constitution, à moins de les considérer comme des Arabes. Or les haratine ne sont pas des Arabes. Ils sont d’origne négro-africaçine et de culture arabo-berbère. C’est cet aspect de la question, ajoutée à leur statut d’esclave, qui fait leur spécificité.

3) Dans cette constitution, il doit y avoir des articles relatifs à la discrimination positive en faveur des Haratine. AHME ne voit pas comment, dans le cadre d’une libération des esclaves, ceux-ci peuvent rattraper leur retard par rapport au reste de la société sans une politique volontariste qui s’inscrirait dans la durée. Des exemples en la matière existent aux Etats Unies et en Inde. Au Etats Unis, on a eu recours à des dispositions en faveur des Afro-américains  (Africains américains) et en Inde, on a institué des mesures en faveur des Intouchables (caste victime de l’esclavage)

4) Cette constitution doit créer un Observatoire National de l’esclavage ayant pour compétence de proposer et de juger l’action du gouvernement en la matière. Son rapport annuel engagerait la responsabilité du pouvoir. Cet observatoire doit être aussi chargé de mener des études sur l’esclavage en Mauritanie.

AHME est favorable à tout ce qui fait avancer la cause Haratine. Ainsi elle prendra position en fonction de ce qui sera fait dans le sens de ses différentes propositions