Les trois raisons principales qui sont un obstacle à l’audit de la gestion publique, sont celles tenant :
– Au microcosme politique mauritanien
– À la falsification des chiffres par les autorités publiques
– À l’inefficacité de l’audit des entités publiques en Mauritanie
1. L’inertie du microcosme politique
Depuis Ould Taya jusqu’à Aziz, tous ceux qui ont été les gestionnaires des entreprises et des projets qui ont fait scandale qui ont été dilapidés, détournés, sont toujours dans le giron du pouvoir. Le simple citoyen pourra vous les indiquer. Certains gèrent tranquillement leur bien mal acquis dans le circuit économique, d’autres ont reçu de la promotion et occupent des postes-clefs dans le système économique et financier mauritanien.
Mieux encore le ministre des finances et le Gouverneur de la Banque Centrale qui ont fourni, de 2003 à 2006, les faux chiffres au fond Monétaire international ce qui a entrainé un 86 million de dollars de pertes pour la Mauritanie, sont sur la scène politiques…plus de 10 ans déjà et ils n’ont pas rendu compte de leurs méfaits.
Mieux encore, ils sont promus à des postes juteux. Ainsi, l’un de ceux-là a même été nommé conseiller auprès de la Direction générale du FMI !
Sans compter ceux qui se targuent publiquement de s’être enrichi par ponction autorisée sur les droits de douanes, de taxes et de redevances revenant à l’Etat et qui siègent aujourd’hui au Parlement.
Ceux qui déclarent publiquement avoir participé à monnayer par des commissions des contrats pétroliers et qui se retrouvent nommés à la direction d’institutions bancaires régionales…etc. etc.
Demander un audit de la gestion publique, c’est d’abord avoir des gestionnaires publics qui n’aient rien à se reprocher, car personne n’apportera la preuve contre lui-même. Alors cet audit qui pourra le faire ? Qui en serait le commanditaire ? Et qui d’ailleurs en prendra l’initiative ? Personne.
Parce que le commanditaire (personne publique) fera tout pour que l’auditeur, soit un véritable commandité, au sens du droit des sociétés et cela ne fera que des audits de complaisance déguisés en audits sincères et objectifs. Même, comme nous allons le montrer, si ce sont des cabinet « prestigieux » et qui les ont réalisés.
Seuls le partis politiques de l’opposition, et quelques journalistes notamment, réclament cet audit. Mais les autorités pourraient leur rétorquer : « vous demandez l’audit des entreprises publiques (celles existante ou ayant existé), mais elles sont toutes auditées annuellement, allez consulter les rapports d’audit ! »
Et les autorités publiques auront raison…. Sauf que ce sera de l’hypocrisie pure et simple.
En effet, l’audit réalisé des entités publiques en Mauritanie souffrent de défaillances dues à l’influence qu’exercent les pouvoirs publics sur l’auditeur et particulièrement au niveau de l’information qui lui est fournies. Or les entités publiques mauritanienne, ont montré dans le passé qu’elles &avaient sciemment falsification les chiffres des finances publiques pour induire en erreur des institutions financières.
2. La falsification des chiffres par les autorités publiques
Les autorités publiques, bénéficie de la présomption de légalité de leurs actes. Cette présomption ne recouvre cependant pas celle de la bonne foi.
Et durant une période pas bien éloignée les autorités financières mauritaniennes ont falsifié les chiffres des finances publiques, causant de lourdes pertes financières au pays. Ce précédent montre bien que même les institutions les plus outillées, peuvent être « roulées dans la farine », du fait même de cette souveraineté dont dispose l’autorité publique dans la confection des chiffres de sa gestion financière et comptable sans que cela puisse être contredit dans sa réalité.
En voici l’exemple et celui qui a été induit en erreur n’est autre que… le FMI.
L’histoire récente de la Mauritanie nous montre que de janvier 2006 à juin de la même année la Mauritanie s’est vue refusée l’effacement de sa dette pour ces six mois, du fait que le FMI… a été induit en erreur par les chiffres falsifiés de l’économie mauritanienne fournis par les autorités mauritaniennes depuis 2003 !
Cette attitude a couté à la Mauritanie environ 86 millions de dollars de dette non épongée pour les six mois et le remboursement des montants reçus durant la falsification (soit toute l’année 2003 et la première moitié de l’année 2004.)
Des millions de dollars perdus par la Nation par la faute de personnes qui aujourd’hui, publiquement, encore se portent au mieux de leur carrière…
Voici une institution internationale pullulant d’experts, disposant des moyens statistiques les plus fournis sur tous les pays, y compris la Mauritanie et qui se laisse mener en bateau par des chiffres fournis par des institutions nationales sans possibilité de les vérifier sur le terrain, de les recouper avec des données historiques, de les analyser par référence au contexte international de l’évolution économique internationale et des données fleuve des institutions et des observatoires économiques internationaux.
Le fond monétaire international, induit en erreur ! Ce que d’ailleurs, dans une conférence restée dans les annales de l’inconscience de la gestion publique, un gouverneur de la banque centrale mauritanienne et un ministre des finances mauritanien révèleront lors d’une conférence en 2006 à Nouakchott. ET cela a coûté à la Mauritanie des Millions de dollars de dette non épongée du fait du report de l’effacement de la dette de six mois. Une poignée d’individus a faussé les données fournies au Fonds monétaire international.
Le 30 mars 2006, « Le gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie, M. Zeine Ould Zeidane, a indiqué que le Conseil d’Administration du Fonds Monétaire International(FMI) a invité son pays à rembourser des versements atteignant 8,7 millions de dollars obtenus sur la base de fausses déclarations effectuées sous l’ancien régime.
Dans un communiqué publié à Nouakchott, le gouverneur a expliqué que le FMI a, d’une part, demandé le remboursement des décaissements contrevenants effectués dans deux opérations l’année dernière et totalisant les 8,7 millions de dollars, et a examiné, d’autre part, un autre décaissement contrevenant opérée en 2003 dans le cadre de la facilité accordée à la Mauritanie pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance au titre du programme 1999/2002.
Le gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie a expliqué que le gouvernement de transition en place depuis août 2005 a établi la fausseté des déclarations fournies par l’ancien gouvernement et a exprimé ses regrets quant aux pratiques de falsification suivies de longue date par les Anciennes autorités.
Il a également souligné que les autorités actuelles ont donné les garanties nécessaires pour un arrêt définitif de ces pratiques et ont pris les mesures qui s’imposent pour fournir des données crédibles au FMI. »
En plus clair, les autorités financières publiques mauritaniennes avaient tout simplement présenté au FMI, des données dont elles ont « purgé », les grandes dépenses extrabudgétaires sur financement de la BCM pour toute l’année 2003 et le premier semestre 2004 !
On retrouve sur le site du FMI, cette pathétique « entourloupe » techniquement exprimée en ces termes :
« The issue of misreporting arose because of inaccurate information provided to the IMF relating to the implementation of one of the prior actions required for the approval of the arrangement. Revised data for 2003 and the first half of 2004, provided to the IMF in September 2004, showed large extrabudgetary spending and corresponding central bank financing in the first quarter of 2003 that were excluded from data provided to the IMF in May 2003 and on the basis of which the arrangement was approved.
Directors regretted the occurrence of misreporting under the 2003 PRGF arrangement. They stressed that the provision of inaccurate information to the IMF on the PRGF-supported program over a period of one and a half years was a very serious matter.” (Voir le site du FMI: http://www.imf.org/external/np/sec/pn/2005/pn0571.htm)
Et voilà le FMI « roulé dans la farine » par nos technocrates qui sont les mêmes qui recevaient en ce temps-là la mission annuelle du FMI en Mauritanie (Sur cette pathétique et criminelle action commise à l’égard du peuple mauritanien, consulter mon article sur ce lien :
https://haut-et-fort.blogspot.com/2008/03/declaration-de-la-mission-du-fonds_30.html )
Cette pratique de dissimulation n’a pas quitté les hautes sphères des finances publiques en Mauritanie. La dissimulation, jusqu’à ce qu’éclate le scandale. Comme le scandale du ministre des finances qui, l’année dernière demandait au parlement d’éponger 190 milliards d’ouguiyas de créances de la BCM sur l’Etat ! (voir le lien : http://cridem.org/C_Info.php?article=719670)
Voici donc un exemple, récent qui montre que l’audit est avant tout une affaire de confiance dans les chiffres fournis par l’audité et cela en finances publiques mène à tous les abus.
De cette situation découle la primordiale question de la qualité de l’audit.
3. L’inefficacité de l’audit des entités publiques
La faillite et disparition du cabinet international d’audit Arthur Andersen a réellement posé la question de la fiabilité de l’audit. Et particulièrement de la Qualité de l’audit. Si l’on sait que cabinet international d’audit Arthur Andersen était une référence mondiale, en la matière, on comprend l’ampleur du problème.
La disgrâce et la chute de ce cabinet est conséquente à l’affaire Enron. Ce cabinet fournissait l’audit « fiable et sincère » des comptes d’Enron alors que l’entreprise trafiquait artificiellement ses profits dissimulait ses déficits à travers des dizaines de sociétés-écrans et bien-sûr falsifiait ses comptes.
L’objectif de telles manipulations étaient de maintenir au plus niveau sa valeur boursière et de la pousser à la hausse. Avec la chine de gain pour les actionnaires et image de bonne santé pour les opérateurs financiers nationaux et internationaux.
Le cabinet international Arthur Andersen, référence de qualité d’audit, premier réseau mondial d’audit, par le chiffre d’affaire et la renommée, a chuté avec Enron !
La leçon à en tirer c’est que l’audit, par le simple fait qu’il existe ou que ses conclusions soient favorables à l’audité n’est pas un indicateur de la saine gestion financière (et au-delà économique) de l’entité auditée.
La qualité de l’audit n’est pas l’audit. Elle dépend de facteurs inhérents à la fois, à l’auditeur (indépendance, compétence, intégrité) et aux données comptables et financières qui lui sont fournies par l’audité (fiabilité, intégrité, sincérité). La qualité de l’auditeur (sa renommée, son réseau, son chiffre d’affaire) ne doit présumer de la qualité de l’audit.
L’auditeur est d’abord un prestataire de service en concurrence avec d’autres prestataires de service de sa catégorie (Cabinet nationaux internationaux d’audit), sur un appel à audit de l’audité.
L’audit, tout audit ne vaut que par les chiffres que fournit l’audité à l’auditeur. L’audit est fortement dépendant de la réalité des chiffres, que les services financiers et ceux de la comptabilité de l’institution auditée fournissent à l’auditeur.
Un auditeur ne vérifie jamais la fausseté des chiffres, il en vérifie la conformité aux normes et standards de comptabilisation et de présentation (IFRS -International financial reporting standards).
La réalité des chiffres est laissée à l’audité. L’audit n’est donc pas un processus de vérification et de contrôle sur pièce et sur place (contrôle de gestion/inspection vérification).
C’est la raison pour laquelle, l’auditeur se fie à la bonne foi de l’audité et établit son audit conformément aux procédures, protocoles et méthodes d’audit internationalement admises. Le pourrait-il lorsque l’audité est l’Etat ou une structure de poids dans l’appareil économique et financier de l’Etat.
On comprend donc que l’audit n’est qu’une opération par laquelle, un auditeur atteste la conformité d’une opération (financière/comptable) à des normes préétablies de production et de présentation définies.
Il portera sur des états financiers consolidés (au 31 décembre de l’année précédant l’audit,) qui comprennent :
– L’état de la situation financière consolidée au 31 décembre de l’année précédant l’audit,
– Le compte de résultat consolidé,
– L’Etat des variations des capitaux propres consolidés
– L’état des flux de trésorerie consolidé
– L’audité fournit aussi, un aperçu des méthodes comptables qu’il utilise et s’il y a lieu de notes explicatives sur les différents postes comptables ou financiers présentés.
En complément de l’audit, l’auditeur aura recours aux résultats du contrôle interne de l’entreprise mais n’ayant pas le pouvoir de se substituer au contrôleur interne de l’entreprise prendra pour réalité ce que ce dernier lui fournira comme information.
Prenons un exemple de l’audit financier de la Société Nationale des Mines tiré du rapport d’audit 2017, de (SNIM). Ce rapport d’audit est présenté conjointement par l’auditeur légal de la SNIM (CONEX) et l’auditeur indépendant (Ernst and Young).
« La Convention (renouvelée le 23 /12/1998 et reconduite pour 20 ans à partir de 1998) signée entre l’Etat Mauritanien et la SNIM, l’exonère du paiement de tous les droits de douanes et taxes assimilées, ainsi que de tous les impôts, droits, textes et redevances de toutes natures relatifs à tous les produits, équipement et services de même que sur les activités de recherche minière pour le fer et de recherche d’eau.
Elle exonère aussi du règlement de tous les droits de douanes et les taxes assimilées sur tous les matériels, matériaux, fournitures et matières consommables importés par LES ENTREPRISES ET LEURS SOUS-TRAITANTS ET DESTINES AUX TRAVAUX EFFECTUES POUR LE COMPTE DE LA SNIM. »
L’auditeur ne pouvant contrôler l’identité de ces entreprises et encore moins les sous-traitants ne peut qu’entériner cette disposition et les chiffres qui lui sont fournis sur cette base.
Or la liberté laissée à la SNIM de décider des entreprises et des sous-traitants leur ouvre une boite à pandore d’importation en exonération de tous les droits de douanes et les taxes assimilées sur tous les matériels, matériaux, fournitures et matières consommables !
Déterminer la part de ces matériels, matériaux, fournitures et matières consommables qui entrent réellement dans le service fournis à la SNIM, par les entreprises et encore plus difficile que de l’évaluer pour les sous-traitants.
L’auditeur, ne peut qu’entériner les chiffres financiers et comptables qui peuvent être aux antipodes de la réalité.
De même qu’il ne peut qu’entériner des prises de position injustifiés de l’audité pour dissimuler à l’auditeur des chiffres qui peuvent être gênants. En voici encore un exemple du même rapport d’audit de la SNIM 2017.
L’auditeur mentionne : « que les informations relatives aux rémunérations des dirigeants des filiales de la SNIM ne sont pas communiquées POUR DES RAISONS DE CONFIDENTIALITE ».
Une aberration en terme d’audit d’entreprise, car cela signifie qu’une part significative de l’information que l’auditeur doit posséder lui est interdite.
En 2017, les filiales de la SNIM, sont de 12 entreprises (AFTM, COMECA, SAMMA, SAMIA, SOMASERT, GMM, SAFA, GLP, TUM, MSMS, M2B, BMC.)
Les exemples peuvent être multipliés sur les défaillances de l’audit à fournir une appréciation de la réalité de la gestion d’une entreprise particulièrement lorsque cette entreprise, ou administration est une puissante entité publique.
D’ailleurs remarquons que de 2011 à 2016, aucun rapport d’audit de la SNIM n’existe ; soit une période de six ans au cours de laquelle il y a pas eu d’audit non audit ou ayant été fait, il n’est pas accessible. Et c’est du pareil au même car tout autant que la comptabilité l’audit est orienté « lecteur » et vaut pour les décideurs et l’information du public.
Quant au contenu, nous avions ici même présenté les défaillances de rapports d’audit. Voir, à titre d’exemple ici (http://cridem.org/C_Info.php?article=721091), notre appréciation des rapports d’audit financiers 2016 et 2017 de la Banque centrale de Mauritanie.
4. Quelles sont les propositions pour réellement auditer l’action financière des pouvoir publics
D’abord commencer par l’existant :
– Déterminer les institutions publiques cibles.
– Fixer la période couverte par les investigations.
– Créer une commission indépendante non issue de l’administration publique (comprenant des experts comptables, auditeurs, financiers, juristes…) qui aura pour mission de recenser et de collecter tous les rapports annuels d’activité, les rapports financiers, les rapports d’audit de toutes les institutions devant faire l’objet d’une appréciation de leur gestion.
Ces rapports sont souvent disponibles auprès de ces institutions soit en version archive-papier ou archive numérique (sites et portails de ces entités).
– Procéder à l’étude et à l’évaluation des documents et traiter l’information pour en ressortir des preuves tangibles permettant d’incriminer les gestionnaires de ces entités.
– Saisir les tribunaux sur toute preuve découverte et ayant une nature pénale (détournement de biens publics, malversation, concussion, corruption etc.)
– Au cas où la responsabilité de l’auditeur est prouvée, saisir les tribunaux compétents (nationaux ou internationaux) afin qu’il soit sanctionné. Sa sanction aura des répercussions importantes sur l’audité qui pourra être condamné solidairement, in solidum, pour ses méfaits.
Pour les entreprises dissoutes et les projets clôturés, requérir les archives financières, et comptables et les rapports d’audit de ces entités auprès de l’administration publiques dont elles relevaient organiquement et fonctionnellement (gestion directe, régie, tutelle etc.)
Enfin, il convient de noter qu’un tel travail ne se fera pas sans résistance pour les raisons citées plus haut. Et que s’il ne s’accompagne pas d’une réelle volonté politique du pouvoir en place, il aura beaucoup de difficultés pour aboutir.
En effet, les pouvoirs publics de nos pays en voie de développement ne se soumettent jamais (à moins d’une violence non souhaitable) à la pression d’instances nationales mais souvent à la pression d’Etat et d’organismes internationaux.
Et il est vrai que l’Etat de non contrôle réel des finances publiques mauritaniennes depuis des dizaines d’années, demande une véritable commission internationale de contrôle et de vérification, indépendante des pouvoirs publics.
Mais à cela s’oppose la souveraineté de l’Etat, à moins de requalifier les crimes financiers en crimes contre l’humanité. Et pourtant entre les premiers et les second la frontière est bien mince. Les pauvres hères qui se meurent dans nos hôpitaux, aux budgets grugés, n’est-ce pas déjà un crime contre l’humanité ?
Pr ELY Mustapha