Le scrutin doit marquer la première transition entre un président sortant et son successeur élu mais les cinq adversaires du candidat du pouvoir dénoncent des risques de fraude.
Au pouvoir depuis plus de dix ans, Mohamed Ould Abdel Aziz a assuré la stabilité de ce pays de 4,5 millions d’habitants durement frappé par des attentats jihadistes dans les années 2000.
Pour lui succéder au terme de ses deux mandats autorisés par la Constitution, le parti au pouvoir a choisi comme candidat un autre ex-général, Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, dit Ould Ghazouani, son compagnon de toujours, qui a été chef d’état-major pendant dix ans, puis quelques mois ministre de la Défense.
Face à celui qui apparaît comme le favori, y compris dans des sondages parcellaires, c’est l’ancien chef de gouvernement de transition (2005-2007) Sidi Mohamed Ould Boubacar qui semble avoir le plus de chances de le contraindre à un second tour, le 6 juillet.
M. Ould Boubacar, qui se présente comme un « candidat indépendant », bénéficie du soutien d’une large coalition comprenant le parti islamiste Tewassoul, principale formation d’opposition, ainsi que du puissant et richissime homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou.
Les candidats de l’opposition ont renouvelé tout au long de leurs meetings leur volonté de se soutenir en cas de second tour et de « travailler pour exiger le changement civil », selon les termes de M. Ould Boubacar.
Le pays a été secoué par de nombreux coups d’Etat de 1978 à 2008, date de l’accession au pouvoir de M. Ould Abdel Aziz, qui était alors général. Il s’est ensuite fait élire en 2009, puis réélire en 2014 lors d’un scrutin boycotté par les principaux partis d’opposition.
M. Ould Ghazouani a promis s’il est élu de « ne laisser personne au bord de la route » et son équipe de campagne considère l’affluence à ses meetings comme « un plébiscite ».
– Inégalités sociales –
Mais pour l’opposition, qui a réclamé en vain la présence d’observateurs électoraux étrangers, les « risques de fraude sont grands », selon la déclaration mardi d’un de ses principaux dirigeants, Ahmed Ould Daddah, qui soutient le candidat Mohamed Ould Moloud, chef de l’Union des forces du progrès (UFP, gauche).
En cas de fraude manifeste, « le peuple est suffisamment mûr pour choisir les moyens de rejeter les résultats du vote », a estimé M. Ould Daddah, évoquant « l’occupation de façon spontanée de la rue ».
De nouveau candidat comme en 2014, le militant antiesclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid se targue dans ses réunions électorales d’être le seul candidat à avoir connu la prison « au service de son peuple ».
Durement frappée par les attentats jihadistes et les enlèvements d’étrangers dans les années 2000, la Mauritanie a engagé une politique volontariste: remise sur pied de l’armée, surveillance accrue du territoire et développement des zones les plus reculées, en particulier près des frontières avec le Mali.
Avant de terminer leur campagne jeudi à Nouakchott, les candidats ont sillonné le pays, en commençant par les régions pastorales de l’Est et agricole du Sud-Ouest, viviers convoités d’électeurs.
Les critiques du pouvoir se focalisent sur les droits de l’homme, dans une société marquée par des inégalités ainsi que des disparités entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d’esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d’ethnies subsahariennes.
Amnesty International et une trentaine d’ONG ont ainsi appelé le 3 juin les six candidats à signer un manifeste contenant 12 engagements, notamment de lutter contre l’esclavage et les violences faites aux femmes.
Les prétendants ont promis une amélioration des conditions de vie, alors que la croissance économique, de 3,6% en 2018, continue sa reprise progressive tout en restant insuffisante par rapport à la croissance démographique, selon un rapport de la Banque mondiale (BM) publié en mai.
La BM salue le rétablissement de la « stabilité macroéconomique », avec des projections de croissance annuelle de 6,2% en moyenne sur la période 2019-2021. Mais elle appelle à maintenant « éliminer les obstacles structurels qui entravent le développement du secteur privé », citant en premier lieu les difficultés d' »accès au crédit » et « la corruption ».
AFP
Source : Slate Afrique