Sur la route du Mali, à 600 km de Nouakchott, Kiffa ne connaît pas la pluie. À l’entrée de cette ville encaissée de plus de 50 000 habitants, une dizaine de camionnettes stationnent en contrebas de la route. C’est ici, sur cette terre aride, que des revendeurs d’eau attendent leur tour pour accéder à l’un des seuls puits de la localité.
Sous la khaïma, tente traditionnelle bédouine, une femme prépare le thé. Les autres occupants, des hommes, consomment son breuvage. Mohamed assure être là depuis trois heures : « L’eau est salée ici. Il y a très peu de puits d’eau potable. L’État était censé résoudre ce problème en acheminant de l’eau à 40 km, mais les robinets n’ont jamais fonctionné… »
Première élection ouverte depuis le coup d’État de 2008
Flairant le filon, Mohamed a acheté une camionnette et s’est mis à distribuer de l’eau aux particuliers de la ville. La tonne, dans une région où le taux de pauvreté atteint 40 %, il l’achète 40 ouguiyas (1 euro) et la revend cinq fois le prix. Mohamed a ses clients réguliers. Comme cet homme, qui vit dans une concession avec plusieurs femmes et une dizaine d’enfants.
« J’achète deux tonnes d’eau par jour pour ma famille, explique-t-il. Je ne sais pas si les élections vont résoudre ce problème ici. Mais on est fatigués, on a soif, on ne peut faire paître nos troupeaux. » Il votera pour le candidat du pouvoir, Mohamed ould Ghazouani, originaire de la région. Comme la majorité des citoyens de ce département de 150 000 habitants où, lorsque les chefs donnent une consigne de vote, le reste de la tribu a tendance à suivre.
À quelques jours du premier tour, samedi 22 juin, de cette première élection présidentielle ouverte depuis le coup d’État de Mohamed ould Abdel Aziz, en 2008, et son élection régulière deux ans plus tard, les six candidats se sont emparés du sujet de l’eau.
Leurs programmes rivalisent de promesse : « Trouver des solutions pérennes pour alimenter en eau potable les grandes villes situées sur un biseau sec » annonce Mohamed ould Ghazouani ; « garantir l’accès à tous à l’eau potable grâce à un plan accéléré en faveur de la généralisation des raccordements aux réseaux d’eau », s’engage son challenger principal, Sidi ould Boubacar, soutenu par les islamistes de Tawassoul ; « point n° 13 : accès universel à l’eau » fait valoir l’opposant historique de gauche, Mohamed ould Maouloud.
30 % des Mauritaniens n’ont pas accès à une eau potable
En dix ans de pouvoir, Mohamed ould Abdel Aziz, qui ne se représente pas, a amélioré certaines infrastructures. Mais selon Moustapha Harouna, responsable eau et assainissement à l’Unicef, ce sont 30 % des Mauritaniens, dont près de 50 % en zone rurale, qui n’ont toujours pas accès à une eau potable. « L’objectif de développement durable à l’horizon 2030 est que 100 % des Mauritaniens aient accès à l’eau potable, explique-t-il. Pour le moment, même si des réalisations ont été faites, cet accès n’existe pas dans certains quartiers récents des grandes villes ou dans les zones rurales. »
À Kiffa, à une centaine de mètres de la maison de Mohamed, les bidons jaunes s’accumulent. Ceux des particuliers qui n’ont pas les moyens de se payer les services d’un transporteur. Idriss vient ici tous les jours : « L’an dernier on a eu un peu d’eau au robinet, parce que le président Aziz était venu quelques heures. Mais sinon, rien ! », déplore-t-il.
Le maire de la ville, soutien affiché de Mohamed ould Ghazouani, cherche des solutions. « Nous sommes dans un biseau sec, explique le docteur Jamal. Il n’y a pas d’eau dans cette grande ville. Nous avons commencé des études pour l’acheminer depuis le fleuve Sénégal. J’ai déjà reçu une mission technique pour faire les études, je crois que c’est la seule solution. »
Édouard Dropsy notre correspondant à Kiffa (Mauritanie)
Source : La Croix (France)