Toute la semaine, RFI donne la parole aux candidats à la présidentielle mauritanienne.
Biram dah Abeid, le candidat anti-esclavagiste, se présente pour la deuxième fois aux élections présidentielles mauritanienne. Avec son franc-parler, il accuse d’ores et déjà l’État de fraudes lors du scrutin de samedi prochain. Il répond aux questions d’Edouard Dropsy.
Quelles seront vos priorités si vous êtes élu président de la Mauritanie ?
Mes priorités seront d’abord des assises nationales pour poser les fondements du règlement des grandes questions comme le génocide qui a endeuillé les Noirs de Mauritanie, mais aussi l’esclavage qui continue à broyer 20 % des populations mauritaniennes et de la communauté haratine. La deuxième priorité, c’est l’audit de l’État.
Un État qui a été volé, pillé depuis plusieurs décennies et dont la gouvernance est une gouvernance qui a tendance à instituer le vol systématique, la corruption, le détournement de deniers publics et le bradage des richesses nationales. Il faut un remède de cheval, il faut prendre des mesures pour la moralisation de la gestion de l’État. Il faut prendre des mesures coercitives, de répression.
Sous le mandat du président Mohamed Ould Abdel Aziz, la Mauritanie a été épargnée par le terrorisme qui sévit dans le Sahel. Pour vous, la sécurité c’est une question importante ?
La Mauritanie n’a pas été épargnée par le terrorisme sous le président Aziz. Je me félicite que les étrangers ne soient plus terrorisés ou attaqués par le terrorisme à l’intérieur de nos frontières. Mais en contrepartie, Aziz a fait un pacte avec les idéologues du terrorisme à l’intérieur du pays. Ils ont terrorisé et ils continuent à terroriser les Mauritaniens. Ce sont maintenant les lois des terroristes qui sont appliquées dans notre Constitution contre la liberté de conscience, la liberté de parole, la liberté de culte.
Traditionnellement, le candidat qui gagne aux élections est soutenu par le pouvoir sortant, c’est le cas Mohamed ould Ghazouani, soutenu par le président Aziz. N’avez-vous pas peur que les jeux soient déjà faits ?
Nous pensons que tout le dispositif est mis en place pour que ce soit seulement une nomination entre un mentor et son dauphin. Les populations ne se sont jamais autant mobilisées sur une candidature que la mienne cette année, mais nous pensons que tous les pouvoirs de fraude sont entre les mains du chef de l’État et de son dauphin.
Le candidat du pouvoir est notamment soutenu par plusieurs ministres. Estimez-vous que c’est une campagne à deux vitesses ?
C’est bien sûr une campagne à deux vitesses. Tous les ministres, tous les généraux, tous les officiers, tous les hommes d’affaires, tous les hommes de tribu, tous les chefs religieux sont obligés de le soutenir, par la coercition de l’État, sous peine d’être sanctionnés. C’est ça la mentalité du pouvoir du régime mauritanien. C’est pourquoi l’argent de l’État est totalement mis à disposition de cette candidature, du candidat et des soutiens à ce candidat. C’est pourquoi ils ont la possibilité d’inonder le pays, les villes, les rues, de portraits qui coûtent très cher et que nous ne pouvons pas nous payer le luxe de payer parce que nous sommes des candidats normaux.
L’opposition dont vous faites partie a contesté depuis plusieurs mois la composition de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Quelles sont vos inquiétudes ?
C’est très clair : la Céni est composée de membres de la mouvance qui soutient le pouvoir.
Les engagements de transparence du président de la Céni, Mohamed Vall Ould Bellal, ne vous suffisent pas ?
Ce n’est pas lui qui a nommé les membres de la Céni. Il n’a pas de pouvoir sur les bureaux de la Céni, sur les informaticiens de la Céni, sur l’Office national des statistiques. Tous ces techniciens du ministère de l’Intérieur qui sont très rodés à la fraude.
Donc vous pensez que les jeux sont déjà faits ?
Je ne dis pas que les jeux sont déjà faits parce que le peuple n’a pas encore dit son mot. Ghazouani et Aziz ont pris tous les dispositifs avec la Céni, avec l’Intérieur, avec les services informatiques pour faire ce coup d’État électoral, mais je dis que le peuple n’a pas dit son mot parce que le peuple mauritanien est très mobilisé. S’ils volent les élections, ils ne pourront pas gouverner sereinement si je ne suis pas mort ou en prison.
Qu’est-ce que vous direz à vos militants ?
C’est la résistance totale dans les rues ! Face aux édifices de l’État. Une résistance qui va sûrement handicaper toute marche de l’État, de la société, tant que le peuple n’a pas eu son droit, tant que le peuple n’a pas été écrasé à travers moi et les autres qui incarnent le peuple.
Source : RFI Afrique