Lancée depuis le 7 juin dernier, la campagne présidentielle se poursuit non sans une certaine morosité. L’argent toujours attendu en pareille circonstance n’a pas coulé à flot.
Du moins pour la majorité des engagés. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les négro-africains de la majorité se retrouvent dans une position inconfortable au niveau des régions où vit cette composante. En privé, les élus et cadres n’hésitent pas à exprimer les difficultés qu’ils éprouvent à battre campagne sur le terrain, ce qui les empêche jusqu’ici de délier les cordons de la bourse.
Et pour cause, les populations négro-africaines dans leur majorité penchent ouvertement pour le candidat de la Coalition Vivre Ensemble (CVE) soutenant Kane Hamidou Baba. Ici, la majorité des citoyens, en particulier les jeunes affichent clairement leur intention d’opérer un « vote identitaire » ou un vote de protestation.
C’est selon. La coalition réclame plus de représentativité dans les institutions, la répartition équitable des dividendes tirées des ressources du pays, l’emploi des jeunes et la promotion des cadres noirs, plus d’accès à l’état civil, une administration proche des populations, parlant leur langue, l’enseignement des langues nationales Pulaar, Soninke et Ouolof…
Un discours qui fait mouche dans les régions du sud mais dénoncé par les cadres de la majorité en campagne dont certains restent assez prudents par rapport au mécontentement des populations ; ils redoutent un retournement de bâton du pouvoir et une exploitation par des chauvins d’un tel positionnement.
En effet, les élus et cadres de la majorité peinent donc à convaincre les citoyens sensibles au discours des candidats de l’opposition, en particulier celui de Kane Hamidou Baba dans la vallée. La corruption habituelle et les intimidations ne semblent pas préoccuper, outre mesure, les citoyens de ces contrées. On ne peut pas endurer plus que ce que nous avons enduré, lâche -t- on au sein de cette population. Des populations qui se sentent marginalisées par le pouvoir en place depuis une dizaine d‘années.
« Le gouvernement ne nous a pas facilité la tâche dans la mesure où les cadres noirs de ce pays sont très mal représentés dans les institutions administratives, civile et militaire et de sécurité », nous avoue un élu de la majorité ayant requis l’anonymat.
Et d’ajouter, après une large victoire de l’UPR, lors des dernières élections locales, nos cadres n’ont pas été récompensés, on a plutôt promu les battus. Et aujorud’hui, la désignation de Niang Djibril comme directeur national de campagne du candidat Ghazwani n’a pas produit un effet d’entrainement.
Les cadres négro-africains venus apporter leurs doléances au candidat Ghazwani, peu avant la mise en place de son directoire de campagne, déplorent l’absence de concertation pour le choix des membres de celui-ci et l’implication d’autres dans les démembrements.
En outre, ils estiment que celui-ci étant flanqué d’un directeur national adjoint, d’une part et de deux ministres fidèles du président Aziz, à la tête des plus importantes commissions de la campagne, d’autre part n’a pas les mains libres. Les cadres de la majorité regrettent également le départ de Bâ Coumba et de Diallo Mamadou Bathia du gouvernement, soulignant que la promotion de Djinda Bal n’a pas apporté d’enthousiasme dans les rangs des partisans du pouvoir.
La réaction hostile des jeunes dans certaines villes du sud, au cours de la visite de précampagne du candidat Ghazwani était un signe précurseur de protestation que les hauts responsables du pouvoir n’ont pas su anticiper ou décrypter. Même si d’aucuns considèrent que ces protestations isolées sont destinées au président Aziz, elles sont néanmoins un message fort au candidat Ghazwani qui n’ignore pas la situation que vivent les populations de cette partie du territoire depuis 1989. Le candidat de la majorité a été, entre autre, le directeur général de la sureté nationale (DGSN), chef d’état major général des armées.
Face à l’attitude du gouvernement d’Ould Abdel Aziz en place depuis une décennie et la campagne agressive de la CVE, les cadres noirs de la majorité se retrouvent donc dans une position délicate. Un cadre de l’UPR joint ce 15 juin à Rosso avoue que la campagne n’est pas facile.
Répliquant à la coalition vivre ensemble, certains cadres de la majorité disent ne pas comprendre que ses responsables jouent la carte communautariste alors qu’on est dans une République unie. En démocratie, chacun est libre d’assumer ses choix, rappelle un cadre de la vallée. Ils leur contestent par la même occasion la « légitimité » de parler seuls, au nom de toute la communauté négro-africaine.
Aussi, même s’ils disent comprendre la légitimité de ses revendications, ils auraient souhaité une concertation sur la démarche à prendre. « Aucun d’entre nous, en particulier les élus locaux n’a été invité ou associé aux négociations menées par les partis de la coalition, au nom de la communauté, on est concerné par tout ce qui touche celle-ci, proteste un élu avant d’ajouter, le candidat de la coalition ne pourra pas dépasser 8% des suffrages parce que toute la communauté ne va pas voter pour lui.
Dans tous les cas, le fossé ne cesse s’élargir entre les cadres négro-africains de la majorité et de l’opposition, en particulier ceux de la CVE au fur et à mesure que le scrutin du 22 juin s’approche. Pourvu tout simplement qu’il n’impactera pas davantage négativement sur la situation difficile la composante pour laquelle ils se battent, disent-ils.