C’est la première fois dans l’histoire de l’organisation d’une élection présidentielle en Mauritanie, épisode toujours suivi de la contestation des résultats pour fraude depuis le début d’un processus démocratique chaotique, à l’exception notable du scrutin de mars 2007, que le marché de la confection des bulletins de vote est confiée à une entreprise locale.
Faut-il s’en réjouir par patriotisme économique ou avoir peur pour les risquées liés à la proximité entre le propriétaire de l’entreprise et le président Mohamed Ould Abdel Aziz? Le chef de l’Etat en exercice, non candidat à sa succession, aurait d’ailleurs tenu des propos très engagés au cours d’un dîner auquel étaient conviés les élus de la majorité.
Dans ce discours, sous forme d’argument électoral, Mohamed Ould Abdel Aziz déclare que la défaite de son dauphin désigné, Ghazouani, plongerait la Mauritanie dans une situation de chaos.
Des propos qui renseignent sur les véritables enjeux du vote à venir pour le pouvoir encore en place, qui cherche à pérenniser l’emprise des militaires sur l’échiquier politique mauritanien.
Les craintes suscitées par cette attribution de ce marché sont ainsi légitimes.
«Al Mazaya» dont «l’expertise» dans le domaine de l’imprimerie suscite de nombreuses interrogations, est une propriété de Zeine El Abidine Ould Cheikh Ahmed, président de l’Union Nationale du Patronat de Mauritanie (UNPM), qui remporte de nombreux marchés publics dans de larges secteurs de l’économie depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Une réalité qui suscite une vive inquiétude dans les rangs de l’opposition, dont les quatre candidats rejettent le choix porté sur cet opérateur.
En effet, Sidi Mohamed ould Boubacar (indépendant/ancien Premier ministre), Biram Ould Dah ould Abdel Abeid (SAWAB/RAG), Mohamed Ould Maouloud, leader de l’Union des Forces de Progrès (UFP)-Coalition des Forces du Changement Démocratique-CFCD Changeons d’Ere) et Kane Hamidou Baba (Coalition Vivre Ensemble-CVE), rejettent unanimement la thèse défendue par la CENI.
«Ce choix pose un problème de conflit d’intérêt dans la mesure où le propriétaire de l’entreprise chargée de la confection des bulletins mène une campagne de collecte de fonds au profit d’un candidat», soutient Kane Hamidou Baba, candidat de la Coalition Vivre Ensemble (CVE).
Ce candidat n’est autre que Mohamed Cheikh Ahmed Mohamed, dit Ghazouani, ex-chef d’état-major général des armées (CEMGA), ancien ministre de la Défense, candidat de la majorité et compagnon du président Mohamed Ould Abdel Aziz depuis une quarantaine d’années.
En conséquence, l’opposition soutient que le choix de l’entreprise du président de l’UNPM entre dans une logique de putsch électoral. Car la confection des bulletins de vote est une étape importante, et parfois décisive, dans les processus électoraux, surtout en Afrique.
Cette confection comporte «des enjeux qui se présentent en termes de comptabilisation des unités confectionnées, distribuées, ayant fait objet d’usage de la part des électeurs, la livraison dans les bureaux de vote, la clôture après dépouillement, pour éviter les risques de bulletins manquants ou frauduleux», explique cet expert des questions électorales.
Par notre correspondant à Nouakchott
Cheikh Sidya
Source : Le360 Afrique (Maroc)