Aveuglement ? Un dîner caritatif est organisé à Saint-Denis au profit d’un Centre de formation des Oulémas soupçonné d’entretenir de troubles liens avec les dhijadistes anti-occidentaux.
Vendredi 24 mai 2019, à Saint-Denis, se tiendra un dîner caritatif au profit du Centre de Formation des Oulémas. Cette initiative soulève certaines interrogations.
Atlantico : Vendredi 24 mai 2019, à Saint-Denis, se tiendrait un dîner caritatif au profit du Centre de Formation des Oulémas avec la présence de Mohamed Bajrafil, imam de la mosquée d’Ivry S/ Seine, de Iquioussen conférencier et membre de l’UOIF, branche française des Frères musulmans, avec en visioconférence le Cheikh Dedew. En quoi l’organisation de cet événement en France pose-t-il problème ?
Guylain Chevrier : On ne peut qu’être soucieux sinon inquiet qu’une telle initiative puisse voir le jour. Tout d’abord au regard de la nature même de cette manifestation. Une initiative, dîner caritatif, faisant appel aux dons pour un Centre de formation des Oulémas en Mauritanie, qui a été fermé par le gouvernement, mis en cause pour son extrémisme. Et donc, bien au-delà des règles propres à cette République islamique. Selon RFI : « Les autorités mauritaniennes soutiennent que le centre de formation des oulémas (ou savants en sciences islamiques) enseigne un islam radical tendant à inculquer dans l’esprit des étudiants des idéologies extrémistes. » (1)
Rappelons que la Mauritanie est un pays touché de plein fouet par le terrorisme depuis 2005. Le Cheikh Dedew était l’un des principaux animateurs de ce Centre de formation des Oulémas.
On a du mal à comprendre qu’un centre de formation à la charia, fermé pour son extrémisme dans un pays étranger, soit soutenu publiquement en France, par une initiative ayant pour but une aide financière par des dons en sa faveur. Une initiative qui va se dérouler à Saint-Denis, à l’adresse de l’Institut européen des sciences humaines, un institut très islamique derrière une présentation très lisse (lié à l’ex-UOIF). Une manifestation organisée dans un département, la Seine-Saint-Denis, où le communautarisme islamique et le salafisme font recette, ce qui constitue sans doute une autre dimension du problème, alors que l’on sait combien la radicalisation religieuse est galopante aujourd’hui.
Que sait-on des individus identifiés et qui vont participer à cet événement ?
Le Cheikh Dedew, censé intervenir en visioconférence lors du dîner caritatif, explique dans des vidéos postées sur Youtube, qu’il y a beaucoup de groupes islamistes qui se fondent sur le dogme ou sur l’aspect militaire ou les principes et valeurs, mais qu’il faut suivre la voie du prophète en étant patient, discret, indiquant qu’il a su ainsi attendre d’être assez fort en gagnant des fervents, pour s’attaquer « aux symboles de l’idolâtrie » et affirmer son pouvoir par les armes, faisant écho à la technique de la taqya (2). Tout un programme, bien qu’il se défende de n’avoir rien à voir avec la politique. On peut aussi l’y entendre défendre que « – Les juifs sont les ennemis de Dieu, responsables de la corruption, détiennent les casinos, banques, assurances. – Les chrétiens sont arrogants et impérialistes, les États-Unis, l’Union Européenne et la France en sont la preuve. »
Dans une vidéo publiée et traduite par le compte Youtube du @HavreDeSavoir, association inscrite dans ce réseau, le prédicateur déclare que Al-Qaradawi est le plus grand savant musulman de notre époque. Un prédicateur islamiste connu pour ses prêches radicaux, vivant au Qatar, et recherché par Interpol : Il condamne la séparation de l’Etat de la religion, il est président de la Union of Good (« UG »), une coalition d’organisations caritatives islamiques soutenant les activités du Hamas, et notamment les actions violentes contre les autorités et le peuple israéliens. En janvier 2009, il déclare sur Al Jazeera :« Tout au long de l’histoire, Allah a imposé [aux juifs] des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. […] C’était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par la main des croyants. » Il défend l’usage de la violence d’un mari envers sa femme, comme la sourate IV du coran y invite (verset 34), il banalise l’excision sachant pertinemment que 97 % des femmes égyptiennes sont excisées.
Comment un imam qui tient des propos dont l’idéologie verse dans l’islamisme le plus dangereux, dont l’institution a été fermé pour cause de radicalisme, et explicitement s’inspire d’une figure les plus radicales et même effroyables dans ce domaine, peut-il ainsi s’exprimer par visioconférence en France, dans l’une de nos banlieues ?
En mars 2012, Nicolas Sarkozy alors président de la République, a déclaré son intention de renforcer les mesures d’interdiction du territoire envers les imams extrémistes, consécutivement aux attentats de Toulouse, dont Al-Qaradawi a fait partie. Ceci, alors qu’il était invité à l’occasion du rassemblement annuel de l’Union des organisation islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans, en 2012. Une organisation rebaptisée depuis « Musulmans de France », mais qui n’a rien changé à sa filiation et à son discours en faveur d’un islam intégral.
C’est précisément l’une des figures symboliques de l’organisation, qui est l’un des animateurs de cette initiative, le très controversé Hassan Iquioussen, surnommé « le prêcheur des cités. » En 2004, le journal l’Humanité révélait qu’il avait qualifié les juifs dans l’un de ses prêches d’ »avares et usuriers » et d’être « le top de la trahison et de la félonie ». Il s’affiche en 2011 et 2012 avec l’idéologue d’extrême droite Alain Soral. Dans une vidéo postée en décembre 2013, il déclare: « Alain Soral dit des choses très intéressantes, très intelligentes, pertinentes, et parfois, on peut très bien ne pas être d’accord avec lui. » (3)
Selon l’essayiste Fiammetta Venner, Musulmans de France a « une stratégie de conquête », qu’elle illustre par une déclaration des années 1990, d’Ahmed Jaballah, cofondateur de l’UOIF : « L’UOIF est une fusée à deux étages. Le premier étage est démocratique, le second mettra en orbite une société islamique » (4)
Mohamed Bajrafil est docteur en linguistique à l’Université Paris 7 Diderot, Professeur de théologie musulmane à l’Institut Alkhayria (Bruxelles) et imam de la mosquée d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). C’est un admirateur de Tariq Ramadan. Il est membre du Conseil Théologique Musulman de France qui a été créé le 29 mai 2015. Dans cette instance qui a pour but d’édicter des Fatwas, on trouve à ses côtés Mohammed Najah, professeur de théologie musulmane à l’Institut Tabari à Corbeil-Essonnes (Essonne), imam-khatib à la mosquée de Vigneux-sur-Seine (Essonne), qui met en exergue Al-Qaradawi comme l’une de ses grandes sources d’inspiration (5).
Mohamed Bajrafil, invité le 15 septembre sur le plateau de « L’émission politique » sur France 2, a affirmé cette fable selon laquelle les terroristes n’ont jamais fréquenté les mosquées, pour dédouaner de toute responsabilité le moindre religieux musulman. Pourtant, entre autres, Rachid Kassim qui dirigeait alors les opérations d’attentats en France depuis la Syrie, fréquentait régulièrement la mosquée de sa ville. Ce qui est vrai de la plupart des terroristes comme ceux de Lunel, cette petite ville dans l’Hérault (34) qui a eu un nombre record de djihadistes.
Mohamed Bajrafil a accordé à la rédaction de Zaman France un entretien vidéo exclusif en octobre 2015, dont le titre était tiré de ses propos « J’appelle à un retour au salafisme véritable » (6) La réponse à la dernière question en disait long sur sa vision de l’avenir : « Alors Mohamed Bajrafil, comment doit-on entrer dans le XXIe siècle ? Mohamed Bajrafil : « Un des défis du XXIe siècle est de ne pas reproduire des modèles qui ont échoué. La politique est en train d’être dépassée. Les élections n’intéressent plus personne. II y a peut-être une autre façon de faire société à laquelle réfléchir »… On comprend vite ce qui peur unir ces personnes autour de cette initiative.
On apprend par un article (7) que de multiples médiations de « personnalités importantes » sont en cours pour tenter de faire rouvrir ce centre en faisant pression sur le président mauritanien Ould Aziz, comme avec l’ex-mufti d’Al Qaïda et numéro 3 de Ben Laden, revenu au bercail depuis quelques années ainsi que d’autres Cheikhs. Laisser faire cela, n’est-ce pas banaliser cette idéologie et les structures qui s’en font l’écho de façon décomplexée, alors qu’il s’agit d’un signal d’alerte ? N’est-ce pas aussi laisser, par cette initiative se déroulant en France, faire pression à partir d’elle pour la réouverture de ce centre, que demandent à cor et à cri une série d’imams tous aussi rétrogrades et dangereux les uns que les autres, pour un islam conservateur dont la traduction la plus simple est l’islamisme, voire le djihadisme ?
D’où vient cette association du Centre de formation des Oulémas, qui organise des cagnottes afin de dispenser un enseignement ? Le centre de formation des Oulémas en Mauritanie avait été dissous. Quel est son objectif ?
L’association Sciences et Education, organisatrice, située à Asnières-sur-Seine (92600), à but non lucratif se présente comme une ONG qui œuvre à « assister les étudiants, en Mauritanie, qui rencontrent des difficultés financières afin de leur permettre de poursuivre leur scolarité dans les meilleurs conditions et de réussir ; l’association pourra apporter librement son soutien aux projets présentés par des organisations œuvrant à des missions d’intérêt général liées à l’action humanitaire » Dans le cadre de la présentation de cette initiative, les choses deviennent plus précise, on parle d’une association qui œuvre « pour la prise en charge des élèves du Centre de formation des Oulémas présidé par son éminence Ch. Mohamed Al Hassan Dedew. » C’est clair, il s’agit de financer des études à teneur islamiste à des « étudiants ».
L’imam du centre islamique rappelle, face à la fermeture et aux accusations qui l’ont motivées, que « l’établissement est une institution scientifique de prédication qui œuvre pour la diffusion du savoir de la charia islamique et ses applications. » Voilà sans doute à quelle « Science » et à quel « savoir » se réfère l’association organisatrice. On est en droit d’attendre des explications sur le genre d’éducation qui peut en ressortir, ne serait-ce déjà au regard du trouble à l’ordre public que cela peut représenter. De plus, on met en avant sur l’affiche de l’événement, pour solliciter les donateurs, que les dons sont déductibles d’impôts. Mais dans quelles conditions cela est-il possible au vu des motifs d’interdiction de ce centre de formation d’Oulémas et de ce qui en ressort après cet examen ? Cette association serait-elle reconnue d’utilité publique, d’intérêt général ?
Des questions posées aux pouvoirs publics qu’ils ne doivent pas pouvoir éluder.
1-RFI Afrique. Mauritanie: le centre de formation des oulémas fermé par les autorités
http://www.rfi.fr/afrique/20180926-mauritanie-centre-formation-oulemas-ferme-autorites
2- Informations rassemblées par des internautes sur cette initiative et les associations qui gravitent autour d’elle.
https://twitter.com/imamette/status/1127621904041488391
3- Echirolles. La venue du prédicateur musulman Hassan Iquioussen suscite la polémique, France 3, 12/02/2019.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/grenoble/echirolles-venue-du-predicateur-musulman-hassan-iquioussen-suscite-polemique-1622305.html
4-Islam : la France profonde des mosquées UOIF, Sud-Ouest.fr, publié le 08/04/2012.
https://www.sudouest.fr/2012/04/08/la-france-profonde-des-mosquees-uoif-682314-2780.php
5-Institut Najah, Mohammed Najah. https://institut-najah.com/qui-sommes-nous/biographie/
6-« J’appelle à un retour au salafisme véritable » http://comores-infos.com/mohamed-bajrafil-jappelle-a-un-retour-au-salafisme-veritable/
7-Mauritanie : savants et Imams font pression sur Ould Aziz pour la réouverture du Centre de formation des Oulémas. 13 décembre 2018. Source www.kassataya.comhttps://alakhbar.info/
Source : Atlantico (France)