Par rapport aux objectifs, cet atelier s’inscrit dans le cadre de l’option et de la politique de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) visant à contribuer positivement surtout à l’éradication de l’esclavage en pratiques et en formes également idéologiques.
Nous avons par le passé organisé plusieurs activités, aujourd’hui nous poursuivons ces même activités.
Cela dit, l’atelier qui s’est déroulé à l’Hotêl Chinguity Palace est la troisième activité du genre après ces deux activités qui ont eu lieu ces deux derniers mois.
En collaboration de la Coopération espagnole, nous avons travaillé aussi pour sensibiliser les militants et cadres sur les méthodes et formes de lutte contre l’esclavage, mais également pour former nos cadres en ce qui concerne la dénonciation et le plaidoyer face aux cas qui relèvent de l’esclavage.
C’était cela le thème spécifique de cet atelier qui a réuni les représentants de laCLTM, venus de l’intérieur, les responsables des différents secteurs socio-professionnels et des éminents intervenants comme le président de S.O.S Esclaves monsieur Boubacer Messaoud ainsi que la présidente de l’AFCFmadame Aminetou Mint Ely Mokhtar qui ont contribué à animer cet atelier.
Nous estimons que les résultats de nos activités vont contribuer à créer un environnement propice au changement des mentalités mais aussi propice à un travail de proximité efficace contre l’asservissement, lequel travail permettra à ceux qui n’ont pas la facilité d’appréhender les choses, d’être pris en charge , d’être encadrés de près pour qu’ils puissent avoir une prise de conscience leur permettant de savoir réellement que l’esclavage – ce fléau odieux – est un mal à combattre ; à bannir de nos pratiques et de notre société.
Nous avons beaucoup travaillé d’ailleurs en ce sens ces derniers temps et nous pensons que cela va renforcer et améliorer le travail déjà entamé aussi bien par la CLTM que par les autres acteurs de la société civile. Dans les mois à venir, nous allons poursuivre le travail en question à travers des campagnes de sensibilisation et de mobilisation de proximité. Voilà grosso modo les objectifs visés par cet atelier organisé avec la Coopération espagnole.
Cridem : Récemment El Hor, un mouvement dont vous faites partie, a signalé un présumé cas d’esclavage à Nouadhibou. Où en est ledit cas?
S.O.B : Le cas de Nouadhibou est un cas emblématique qui vient prouver notre thèse comme quoi en Mauritanie l’esclavage est une réalité, que ses pratiques sont encore vivantes quotidiennement et visibles à travers du concret. C’est un cas pertinent.
De quoi s’agit-il ? En clair c’est l’histoire d’une maitresse-esclavagiste qui avait l’intention d’amener une dame réduite à l’asservissement à Dakar pour qu’elle garde l’enfant, en bas âge, de ladite maitresse-esclavagiste.
Informés par le mari de l’esclave, nos militants sont intervenus. Mais le commissaire de la police, qui a été saisi, a cherché à trainer les pieds et à minimiser la gravité du cas et à travailler pour étouffer l’affaire. Nos militants sont restés intransigeants et ont continué à maintenir le pressing sur l’autorité jusqu’à la transcription du procès verbal et la transmission du dossier au procureur de la République au niveau régional.
Maintenant nous attendons à ce niveau l’évolution du dossier, mais nous ne nous faisons guère d’illusions, car l’expérience a montré qu’ici en République Islamique de Mauritanie, les cas d’esclavages sont toujours classés sans suite. Mais cela n’entamera en rien notre engagement et notre détermination à combattre ce mal (l’esclavage) ; à combattre le système, tout le système qui crée un environnement propice aux pratiques esclavagistes, lequel garantit l’impunité aux esclavagistes.
Pour preuve, l’atelier que nous venons de clôturer ce jeudi matin a été déstabilisé par la présence de la police qui m’a convoqué au Commissariat du 4e arrondissement. Des questions vulgaires du genre «pourquoi n’avez-vous informé les autorités sur la tenue de votre atelier ?», «pourquoi l’Hôtel Chinguity Palace a permis la tenue de cet atelier? »…m’ont été posées.
J’ai répliqué en disant que je ne comprend ni le sens de ma convocation ni le sens de ces questions. Car, j’ai toujours pris part à des activités politiques, mais aussi à des activités qui rentrent dans le cadre de la société civile sans jamais être interpellé. Car j’ai toujours moi-même organisé des activités sans jamais être interpellé.
Après le commissariat c’est fut le tour du Hakem de me poser les mêmes questions vulgaires. Et puisque qu’il m’a posé la question de savoir s’il y a un Etat qui doit être informé sur la tenue de notre atelier ou non, j’ai répliqué que c’est vrai qu’il y a un Etat mais aussi qu’il y a une constitution qui garantit les libertés, qui garantit les droits de s’organiser, de mener librement des activités et que je veux qu’il éclaire ma lanterne au cas où il y aurait eu un élément nouveau qui est venu remettre en question le droit de s’organiser librement.
Il a laissé entendre qu’aucun élément nouveau n’est venu restreindre les libertés et m’a dit de l’attendre dehors. Une minute plus tard, il m’a dit que je pouvais m’en aller.
Mon interpellation ainsi que les questions qui m’ont été posées révèlent de la provocation, de l’ intimidation et nous déplorons ce genre des choses. Nous déplorons cette volonté de vouloir restreindre les libertés, de vouloir torpiller le droit des organisations à mener de manière libre leurs activités normales.
Cridem : Certaines organisations dites anti-esclavagistes comme IRA, APP n’étaient pas présentes à votre atelier. Alors n’y-a-t-il pas lieu de dire que les segments qualifiés d’abolitionnistes sont en proie à des divisions ? N’y-a-t-il pas lieu de dire que ces divisions constituent une entrave à leur action dans la lutte contre l’asservissement ?
S.O.B : Il y a des entités, il y a des groupes, il y a des institutions dont chacun, chacune, a sa stratégie de lutte ; ses formes de lutte ; sa vision ; sa manière de travailler contre l’esclavage. Donc l’activité qui vient d’avoir lieu s’est déroulée dans le cadre de la CLTM, mais nous avons agi de manière à y associer ceux qui pouvaient y participer activement notamment S.O.S Esclaves, AFCF ainsi que d’autres organisations.
Pour tout dire, il n’y a pas chez nous une volonté de dresser des barrières contre X ou Y pour l’empêcher à ce que nous travaillons ensemble main dans la main en ce qui concerne la lutte contre l’esclavage. Il y a certes des visions diverses mais pour autant on ne peut parler des divisions entre les différentes organisations engagées dans la lutte contre le fléau, le mal qu’est l’esclavage.
Propos recueillis par SC