L’« impunité » a régné en 2018 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord où les gouvernements ont multiplié les violations des droits humains, a déploré hier Amnesty International en dénonçant « l’effrayante complaisance » de la communauté internationale.
« La répression des acteurs de la société civile et des opposants politiques a augmenté de manière significative en Égypte, Iran et Arabie saoudite », a souligné l’ONG dans son rapport régional annuel dévoilé depuis Beyrouth.
« Est-il acceptable que des activistes subissent détentions arbitraires, tortures, harcèlements sexuels (…) et même disparitions forcées simplement pour avoir exprimé leurs opinions de manière pacifique ? » a déploré la directrice régionale d’Amnesty pour le Moyen-Orient, Heba Morayef, lors d’une conférence de presse organisée dans la capitale libanaise.
Dans un communiqué accompagnant son rapport, l’organisation a déploré « l’indifférence du monde à l’égard des violations des droits humains commises dans la région » qui « favorise les atrocités et l’impunité ».
Amnesty International a notamment pointé du doigt l’assassinat en octobre du journaliste Jamal Khashoggi, perpétré dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul par un commando venu de Riyad. L’affaire Khashoggi a poussé des pays comme le Danemark ou l’Allemagne à suspendre leur vente d’armes à Riyad, mais « les principaux alliés du royaume, au nombre desquels figurent les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, n’ont rien entrepris de tel », a dénoncé Amnesty, déplorant, par ailleurs, l’intervention militaire de Riyad dans la guerre au Yémen.
« Ventes d’armes »
L’ONG a aussi dénoncé la répression par Israël de manifestations hebdomadaires à Gaza et en Cisjordanie, ayant tué « au moins 195 Palestiniens, dont 41 enfants », selon l’ONG.
L’Iran, secoué par des manifestations pour dénoncer des conditions socio-économiques difficiles, est aussi fustigé dans le rapport. « Les forces de sécurité ont violemment dispersé les rassemblements, passant à tabac des manifestants non armés et utilisant contre eux balles réelles, gaz lacrymogènes et canons à eau », affirme l’ONG, qui déplore « des morts et des blessés ».
Amnesty a également évoqué l’Algérie, où des manifestations ont lieu depuis quelques jours contre un éventuel 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika. « Les autorités maintiennent une interdiction de facto sur les manifestations dans la capitale, et ont recours parfois à la force excessive pour disperser les rassemblements pacifiques », a souligné le rapport.
Amnesty a enfin dénoncé les « crimes de guerre » commis en Syrie, en Libye et au Yémen, ravagés par des conflits meurtriers complexes et de graves crises humanitaires. Mais aussi les « frappes aériennes sans distinction » entre objectifs militaires et civils ainsi que « les attaques directes sur les habitations, les hôpitaux et les installations médicales ».
« Les alliés des gouvernements dans la région ont toujours placé les accords commerciaux lucratifs, la coopération sécuritaire ou les ventes d’armes de plusieurs milliards de dollars au-dessus des droits humains », a déploré lors de la conférence de presse Rasha Mohammad, chercheuse sur le Yémen pour Amnesty. Pour Mme Morayef, la répression actuelle est liée au souvenir des soulèvements populaires inédits dans plusieurs pays arabes en 2011. « Les gouvernements autoritaires tentent aujourd’hui de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’espace politique susceptible de reproduire de tels soulèvements », a-t-elle souligné.
Dans ce contexte, quelques avancées toutefois font office de « lueurs d’espoir » comme l’entrée en vigueur dans les pays du Maghreb de législations « visant à combattre la violence contre les femmes ». Amnesty s’est également félicité de la levée de l’interdiction de conduire pour les femmes en Arabie saoudite. Mais la monarchie conservatrice n’a pas hésité la même année à emprisonner « des défenseurs des droits humains qui avaient mené campagne pour ce droit », a rappelé Amnesty.
Source : AFP