Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz va-t-il tenter un forcing dans les tout prochains mois pour se présenter devant les électeurs pour briguer un troisième mandat, violant du coup la constitution ? La question est sur toutes les lèvres et agite de nouveau le microcosme politico-médiatique Nouakchottois.
En effet des centaines de cadres de la région du Trarza dont de grosses pointures de la haute administration, des élus et des milliers de sympathisants sont à nouveau montés au créneau ce jeudi au Palais des Congrès de Nouakchott où à l’occasion d’un méga meeting, ils ont demandé au Président Aziz de se représenter pour un troisième mandat.
Il s’agit là en effet d’un appel à peine voilé à une violation de la constitution qui fixe le nombre de mandats Présidentiels à deux.
Si du côté du principal concerné on a choisi jusque là de jouer au caméléon, brouillant du coup toutes les pistes, du côté de ses principaux soutiens (gouvernement, Parti au pouvoir, haute hiérarchie militaire), on n’y va pas de main morte et les initiatives appelant à un amendement de la constitution reprennent ainsi de plus belle.
Un bilan mitigé après dix ans de règne
Après10 ans de règne sans partage, le bilan du Président Mohamed Ould Abdel Aziz est mitigé. Certes des pas ont été franchis dans le bon sens avec notamment sur le plan sécuritaire la mise sur pied d’une armée relativement performante qui a réussi à sécuriser les frontières du pays, dans une région minée par le terrorisme, le trafic transfrontalier et le crime organisé.
Cette prouesse Mauritanienne est devenu un cas d’école et ce n’est pas un hasard si cette expertise est reconnu par les pays de la région sahélienne qui ont fait confiance à la Mauritanie qui mène la danse au niveau de cette organisation du G5 Sahel qui suscite aujourd’hui l’intérêt du monde entier ;Donc voilà à mon avis la principale réalisation du Président Aziz.
Pour le reste, les choses sont beaucoup moins reluisantes. Et pourtant au cours de ces deux mandats, la situation économique était très favorable avec la hausse très importante des cours du fer qui a généré des bénéfices énormes pour la Mauritanie. Seulement la gestion de cette manne ne semble pas avoir été aussi efficace qu’on veut nous le faire croire.
Certes des infrastructures ont été érigées ça et là, des ouvrages importants ont été construits tels que l’aéroport Oumtounsi, le démarrage des mégaprojets pour l’alimentation en eau de la capitale et de l’Est du pays -l’Afout Essahli et l’Aftout Echergui-, le nouveau palais des congrès pour ne citer que ceux là ; il s’agit en effets là d’importants projets structurants qui ont eu un impact incontestable sur la vie des populations ; mais là où le bas blesse c’est la façon dont ont été octroyés et gérés tous ces projets et les centaines d’autres qui ont été passés sous le régime du gré à gré qui comme on le sait est en porte à faux avec les règles les plus élémentaires de la transparence.
D’autres anomalies sont à mettre sur le compte du bilan économique du Président Aziz tel que par exemple la domestication des hommes d’affaires qui se devaient de s’aligner sur le pouvoir ou disparaître. Cette situation a eu des effets néfastes sur l’économie et sur la crédibilité de la justice, et elle a agit de manière négative sur les investisseurs nationaux et étrangers.
Ce n’est donc pas un hasard si le dernier rapport du World Economic Forum, publié récemment la Mauritanie est classée à la 137ème place sur 138 pays sélectionnés, en termes de compétitivité économique. Ce classement peu reluisant en dit long sur le retard accumulé.
Et d’ailleurs il suffit de jeter un coup d’œil sur la situation peu enviable du consommateur Mauritanien pour s’en convaincre. En effet, au cours des deux mandats écoulés, les prix n’ont cessé de flamber et le pouvoir d’achat des Mauritaniens, en général s’est réduit comme une peau de chagrin. Aujourd’hui, même les Mauritaniens de la classe moyenne tirent le diable par la queue et pour les autres, c’est-à-dire la majorité du peuple la situation devient de plus en plus intenable.
Un rapport de l’ONU présenté à la 35e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (6-23 juin), le fameux rapport Alston, a indiqué que les trois quarts de la population Mauritanienne vivent, je cite : « dans un état de pauvreté multidimensionnelle ou dans un état proche ».
Donc l’homme étant la fin de tout développement, on peut considérer vu la situation économique extrêmement difficile que le bilan du Président Aziz sur ce plan est en dessous de la moyenne.
Autre échec non moins patent, c’est celui enregistré dans le domaine de l’éducation où malgré les importants investissements effectués et la volonté de façade de remettre l’école mauritanienne sur les rails, la situation est allé de mal en pis.
Les prestations des services chargés de l’éducation ne sont pas à la hauteur et l’école publique continue à se débattre dans ce coma profond qui n’a que trop duré, en attendant un hypothétique sauveur.
Quoiqu’il en soi, la question du troisième mandat demeure toujours à l’ordre du jour. La polémique avait été relancée avec force au lendemain d’une récente prestation télévisée du Président Ould Abdel Aziz dont les réponses évasives et frisant parfois la contradiction à ce sujet, laissaient planer le doute sur ses véritables intentions.
L’homme assure qu’il va respecter la constitution qui ne lui donne droit qu’à deux mandats, dont le dernier qui touche à sa fin ; mais il soutient en même temps qu’il dispose d’une majorité confortable et que la constitution pourrait si le besoin se faisait ressentir être modifiée, et aucun article, ne pourrait soutient-il, être à l’abri de cette modification.
Et le Président Aziz d’enfoncer encore un peu plus le clou, au grand dam de ses détracteurs en affirmant qu’il n’est pas prêt à baliser le chemin pour ceux qu’il a qualifié de « gabégistes » et leur livrer tous les acquis réalisés.
Cette curieuse assurance de rester seule maître à bord est renforcée par le fait que le président Aziz a catégoriquement refusé de dévoiler ses intentions après son départ du pouvoir. C’est là une attitude curieuse voire suspecte de celui qui est censée aller cultiver son jardin dans les tout prochains mois.
Après la manifestation de soutien de ce jeudi, les voiles commencent à tomber et les Mauritaniens seront sans doute édifiés dans les toutes prochaines semaines.
Nouakchott par Bakari Guèye
Source : Lakoom-info (France)