Entretien avec Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre des affaires étrangères de la Mauritanie – Il n’y a jamais eu autant de flux entre Le Maroc et la Mauritanie au niveau commercial et je me demande si on n’assistera pas bientôt à la mise en place d’une autoroute et au renforcement du commerce par voie maritime.
ALM : Selon vous, qu’est-ce qui bloque au niveau de la coopération entre les pays du Maghreb ?
Ahmedou Ould Abdallah: Au niveau de l’Afrique, une récente étude de la Commission économique des Nations Unies pour le continent et d’autres commissions ont remarqué que le blocage de la frontière entre le Maroc et l’Algérie affaiblit le commerce inter-africain. Le fait qu’il n’y ait pas d’échanges formels constitue une grande perte pour l’Afrique.
Ces blocages sont dus à des raisons politiques qui datent de plus de 40 ans. Maintenant il faut espérer un dénouement positif. Il y a des obstacles à l’ouverture des frontières et surtout des échanges. Il faut également espérer une sortie de crise pour la Libye. Cette crise s’ajoute aux difficultés que connaît le Maghreb pour retrouver le chemin du progrès et de la prospérité.
Des propositions ont été faites par Sa Majesté le Roi Mohammed VI afin de renouer les relations bilatérales. Une table ronde s’est récemment tenue à Genève. Est-ce que ces initiatives pourraient être le chemin vers une solution à la problématique que vous venez de citer ?
Toutes les initiatives qui vont dans le sens du rapprochement sont les bienvenues. Nous savons tous que les deux poids lourds du Maghreb sont le Maroc et l’Algérie. Les Mauritaniens sont aussi désireux de cette ouverture mais tant qu’il y a ce blocage entre le Maroc et l’Algérie, quelles qu’en soient les causes, il y aura une souffrance économique et une fragilité sociale au niveau d’abord des frontières entre les deux pays. Les populations sont les premières à en souffrir. Elles le disent de plus en plus haut et la balle est dans le camp des gouvernements.
Comment aborder la zone sahélo-saharienne sachant que cette partie du monde est décrite comme étant une zone difficile et comment trouver des solutions concrètes et immédiates pour les populations qui y vivent ?
Effectivement depuis quelques années, je situe ça un peu près à 2005 avec le début du terrorisme et les prises d’otages. La zone du Sahel et du Sahara est devenue très fragile à tel point que face à la menace en 2012, il y a eu la présence militaire française qui a été appuyée par d’autres présences, notamment celle des Nations Unies et des pays voisins du Sud comme le Togo ou encore la Guinée.
Mais à mon avis, le déficit du Sahel est intimement lié au Maghreb, c’est-à-dire au Maroc et l’Algérie. Tant que les relations entre le Maroc et l’Algérie ne sont pas ouvertes, ne sont pas opérationnelles, il sera très difficile de combattre le terrorisme et l’insécurité dans le Sahel.
Où en sont les relations entre la Mauritanie et le Maroc ?
Les relations entre le Maroc et la Mauritanie sont anciennes. Elles sont bonnes sur le plan humain. Elles sont très bonnes sur le plan commercial et la route qui lie par voie terrestre le Maroc à la Mauritanie a renforcé cette relation séculaire sur le plan humain. Il n’y a jamais eu autant de flux entre les deux pays au niveau commercial et je me demande si on n’assistera pas bientôt à la mise en place d’une autoroute et au renforcement du commerce par voie maritime.
On parle récemment d’un éventuel retour de l’Union du Maghreb Arabe (UMA). Pensez-vous que cette organisation pourrait renaître de ses cendres ?
L’idée de relancer l’UMA est une très bonne chose mais il y a des fondamentaux, c’est-à-dire des préalables, qui ne sont pas encore réglés. Il n’y a pas d’UMA sans le Maroc et l’Algérie, avec des frontières ouvertes et de bonnes relations bilatérales. A cet égard je dis toujours que je suis très content d’être au Maghreb et de voir que le Maroc et l’Algérie, malgré leurs divergences que tout le monde connaît autour du Sahara, ne se sont pas engagés dans une guerre. Ils ont maintenu les relations aériennes et les relations diplomatiques.
Cela montre une maturité qu’on doit saluer et un sens de responsabilité qui n’existe pas dans d’autres parties du monde où dès qu’il y a une crise tout est verrouillé et les armées sont mobilisées. Chose qu’on a vue malheureusement au Moyen-Orient et ailleurs.
Par Ouchagour Leila
Source : Aujourd’hui Le Maroc (Maroc)