Les Mauritaniens attendent toujours la démission de l’actuel gouvernement et la formation d’un nouveau, conformément à la tradition post-électorale. Dans tous les pays démocratiques, le gouvernement démissionne, en effet, après toute élection représentative, comme les municipales, régionales et/ou législatives.
La Mauritanie ne peut donc pas faire exception, à moins de s’avouer non-démocratique. Les Mauritaniens s’interrogent d’autant plus sur le retard apporté à la démission du gouvernement Hademine et la formation d’un nouveau que la nouvelle Assemblée nationale est en place. L’installation de conseils régionaux invoqué, un moment, par certains, ne peut, à elle seule, justifier cette situation.
Le président Mohamed Ould Abdel Aziz, maître des horloges, ne serait pas pressé ? Connaîtrait-il quelques difficultés, dans la préparation de sa succession ? Les spéculations vont, en tout cas, bon train. Certains malins esprits évoquent des divergences, sur la stratégie à adopter pour assurer un passage de témoin en douce, avec un dauphin loyal et fidèle.
Au sein de la Grande Muette, des rumeurs faisant état, on s’en souvient, de l’opposition de certains hauts gradés à la succession d’Ould Abdel Aziz par Cheikh ould Baya, ont circulé, il y a quelques mois, ce qui aurait, semble-t-il, poussé celui-là à caser celui-ci à l’Assemblée nationale.
Cette « élection » aurait-elle chamboulé les plans du Rais pour qui Ould Ghazwani demeure le « dauphin naturel ». Un général non seulement, de consensus, pour l’élite armée mais bénéficiant, aussi, d’un réel respect, au sein de l’opposition.
Autre facette de l’équation, l’élection d’Ould Baya semble également poser problème dans le respect de la représentativité des différentes composantes du pays. Pour certains observateurs, l’élection d’un beïdane au perchoir devrait entraîner, de facto, la propulsion d’un noir à la Primature.
Un Hartani, même considéré comme arabe, par certains beidanes et haratines, ou un négro-africain. Une manière de ne pas prêter le flanc aux « extrémistes » prêts à crier à la marginalisation des Noirs voire traiter le gouvernement de « raciste ». Un casse-tête pour Ould Abdel Aziz qui préfèrerait certainement éviter de quitter le Palais avec ces casseroles.
Boydiel dans le jeu
Cela dit, l’hypothèse d’un kowri à la Primature semble s’éloigner avec l’entrée en jeu de Boydiel Ould Houmeid dont l’élection, au poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale, a surpris plus d’un. Le président d’El Wiam aurait accepté ce strapontin, après avoir décidé, selon des rumeurs, de rejoindre, lui et son parti, l’UPR. Pour seulement ça ? Peu probable.
Le pachyderme ne s’est pas encore prononcé et il ne semble guère prêt à se contenter de si peu. Il peut prétendre, pourquoi pas, présider l’Assemblée nationale puisqu’Ould Abdel Aziz pourrait confier une autre mission à son alter ego, Ould Baya, actuel titulaire du poste et député de Zouérate.
C’est peut-être en cette perspective que le président de la République retarde la démission de l’actuelle équipe gouvernementale, pourtant fortement décriée par l’opinion mais, également, au sein de la majorité présidentielle. Se donner le temps de réfléchir, pour coopter une équipe appelée à garantir la victoire à son dauphin en 2019 ?
L’élection de Boydiel, au poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale, reflète, selon certains observateurs, l’état des relations entre le Président et son parti. Le moins qu’on puisse dire est que les deux ne filent pas un parfait amour, même si Ould Abdel Aziz a demandé, aux Mauritaniens, d’accorder, à l’UPR, une majorité écrasante à l’Assemblée nationale.
La non-reconduction, en député, du président dudit parti, maître Maham ; la prééminence du gouvernement, dans la redynamisation du parti et la campagne électorale ; l’arrivée, inattendue, de Cheikh Ould Baya au perchoir et de Boydiel, en second, témoignent, une fois de plus, des rapports peu cordiales que le président Aziz entretient avec son parti. Un parti qui n’existerait pas sans lui.
On n’a pas oublié l’implication du Président, dans la campagne du referendum et, tout récemment, des municipales, régionales et législatives… II aurait même dit, à certains qui s’interrogeaient sur cette implication, que s’il ne s’y employait, personne ne le ferait à sa place. Un véritable désaveu que l’UPR ne semble pas comprendre.
D’ailleurs et selon diverses sources concordantes, même si quelques partis, comme Choura, ont décidé de rejoindre l’UPR, le flou que son mentor entretient, jusqu’ici, sur ses plans et son éventuel dauphin, sème la confusion quant à l’avenir des uns et des autres. Des opportunistes aux yeux de crocodile, comme le dit si bien Mamane, dans sa chronique sur RFI, toujours dans l’expectative d’un argument suffisant pour rester ou … détaler.
DL
Source : Le Calame (Mauritanie)