Mauritanie : la double peine des victimes de viol

Mauritanie : la double peine des victimes de viol En Mauritanie, les femmes qui portent plainte et ne peuvent prouver l’absence de consentement sont poursuivies pour « relations sexuelles hors mariage ».

En Mauritanie, les relations sexuelles hors mariage sont un crime : la « zina ». Les femmes qui portent plainte pour viol peuvent être poursuivies et condamnées. En Mauritanie, les relations sexuelles hors mariage sont un crime : la « zina ». Les femmes qui portent plainte pour viol peuvent être poursuivies et condamnées.

On oscille entre l’effroi et la colère à la lecture des 101 pages d’un rapport rendu public ce mercredi par Human Rights Watch. L’ONG y fait part de la situation révoltante des femmes et filles victimes de viol en Mauritanie. Dans un pays où les relations sexuelles hors mariage, la « zina », sont hors la loi, elles peuvent être « poursuivies si elles ne parviennent pas à prouver l’absence de consentement ».

HRW exhorte les autorités mauritaniennes à instaurer un « moratoire immédiat sur les poursuites et la détention des personnes pour zina » et à « libérer sans tarder » celles détenues dans ce cadre.

« Les femmes et filles victimes de viol appréhendent le fait de porter plainte et d’intenter des poursuites judiciaires, car, si elles ne parviennent pas à prouver leur absence de consentement, elles peuvent être pénalement poursuivies et détenues », souligne HRW. Celles qui portent plainte « malgré ce risque font souvent face à des policiers et autorités judiciaires qui ne respectent pas leurs droits fondamentaux », déplore l’organisation, qui s’appuie notamment sur une trentaine d’entretiens avec des femmes et filles réalisés à Nouakchott et à Rosso (Sud).

HRW a rencontré cinq femmes et filles « qui ont dénoncé un viol, mais ont pourtant été elles-mêmes poursuivies pour zina après avoir signalé leur agression à la police ». Celles auxquelles le tribunal avait accordé la liberté provisoire avant le procès « ont été obligées de pointer chaque semaine dans un commissariat », fustige HRW. « Alors que selon la loi mauritanienne, le crime de zina ne s’applique qu’aux musulmans majeurs, certains procureurs vont jusqu’à inculper des filles mineures de zina, surtout si elles sont enceintes, même si elles expliquent que leur grossesse est due à un viol », dénonce encore HRW.

Témoignage

« Peu de survivantes d’agressions sexuelles osent s’exprimer » en Mauritanie, rappelle HRW, qui a notamment recueilli le témoignage de Mariama. Cette femme a rapporté avoir été « violée par un chauffeur de taxi à l’âge de 20 ans » et n’en a pas parlé à ses parents par peur. « Alors que j’étais enceinte de huit mois, ma mère s’en est rendu compte et m’a demandé comment c’était arrivé. C’est à ce moment-là que je lui ai raconté le viol. » Pris d’une « rage folle », son père l’a alors « amenée au commissariat et dit aux policiers » que sa fille « devait être enfermée parce qu’elle avait couché avec un homme, et qu’il ne la voulait plus chez lui », rapporte HRW.

HRW pointe du doigt les « obstacles institutionnels, juridiques et sociaux que rencontrent les survivantes lorsqu’elles veulent rapporter à la police des incidents d’agressions sexuelles, amener les coupables devant la justice et obtenir un soutien médical et psychosocial ». L’ONG relève des « avancées » ces dernières années concernant la protection juridique des femmes. Mais cela ne suffit pas, car la loi mauritanienne « ne définit et ne pénalise pas convenablement les violences sexuelles ».

Par AFP

Source : Le Point (France)