« La question centrale de ce procès est la qualité d’intermédiaire. Et d’après moi, mon client n’a pas agi comme tel au sens de la loi ». Les avocats de Jacques Monsieur ont soutenu, vendredi, devant la cour d’appel de Bruxelles, que ce dernier ne pouvait pas être considéré comme ayant servi d’intermédiaire dans la vente d’armes à destination du Tchad, de l’Iran, de l’Indonésie ou encore de la Mauritanie, entre 2006 et 2009.
Ils ont demandé l’acquittement de leur client pour l’ensemble des préventions. L’arrêt sera rendu le 19 octobre à 9h00.
« Pour être considéré comme un intermédiaire, il faut être celui qui crée les conditions en vue de la conclusion d’un contrat ou qui tente de créer ces conditions », a exposé Me Daniel Spreutels. « La question centrale de ce procès est la qualité d’intermédiaire. Et d’après moi, mon client n’a pas agi comme tel au sens de la loi ».
« Sa collaboration était occasionnelle et il n’a pas perçu un centime de commission », a insisté ensuite Me Bernard Maingain, après avoir sollicité que la cour pose plusieurs questions préjudicielles à la cour constitutionnelle concernant un conflit de compétence.
Les conseils de la défense ont également plaidé l’acquittement de Jacques Monsieur pour les préventions d’organisation criminelle et pour blanchiment d’argent, que le premier juge n’avait pas retenues.
En appel, la procureure fédérale a demandé que celles-ci soient déclarées établies, tout comme celles relatives à la participation à des ventes d’armes en qualité d’intermédiaire. Elle a requis, au terme de son réquisitoire vendredi, la confirmation de la peine de 3 ans de prison ferme et une confiscation de quelque 8 millions d’euros.
Si, comme le premier juge, la cour ne fait pas droit à cette confiscation, elle requiert une amende pénale plus élevée que celle prononcée en première instance, ainsi non plus 300.000 euros mais 1,2 million d’euros. « C’est une sanction financière qu’il faut », a-t-elle commenté.
Dans ce dossier, Jacques Monsieur, un Belge de 64 ans, fils de notaire du Brabant flamand, est prévenu pour avoir vendu des armes à destination de pays comme le Tchad, l’Iran, l’Indonésie, la Mauritanie, le Pakistan et la Guinée-Bissau, sans en avoir l’autorisation. Il est question de la vente de milliers de fusils d’assaut, de millions de cartouches mais aussi d’avions de chasse, de chars d’assaut et d’hélicoptères.
Jacques Monsieur a contesté et affirmé qu’il ne vendait plus d’armes depuis le début des années 2000, mais qu’il avait ensuite encore régulièrement été contacté par d’anciennes connaissances du milieu qu’il aidait occasionnellement.
Surnommé « the fox » ou « le maréchal », il avait déjà été condamné aux Etats-Unis en 2010 dans un dossier lié à l’affaire Iran-Contra, qui concernait la vente illicite d’armes iraniennes à des groupes rebelles.
Son nom avait aussi été cité dans l’affaire Elf-Aquitaine. Il avait été soupçonné d’avoir livré, au nom de la compagnie pétrolière française Elf, des armes à Pascal Lissouba, alors président du Congo-Brazzaville, fin des années 1990, lors de la guerre civile congolaise.
Selon ses avocats, son activité de marchand d’armes était une couverture pour ses missions au bénéfice des services de renseignements américains. «Après avoir fait son service militaire, il est devenu officier temporaire et c’est ainsi qu’il a commencé à militer dans ce qu’on appelle « les renseignements » pendant près de 20 ans. Ses missions l’ont notamment conduit à devenir conseiller du président Lissouba au Congo-Brazzaville. Le renseignement est indissociable de ce dossier », a exposé Me Spreutels.
« Il a néanmoins fait des erreurs. Il ne s’est pas contenté d’être un espion. Il y a eu des ventes qui ont été opérées par lui. Mais après avoir passé deux années horribles dans les geôles iraniennes, puis condamné à nouveau en 2009 par les Etats-Unis, il est revenu en Belgique depuis 2011 pour avoir une vie calme. La vie pleine d’aventures, c’est terminé », a assuré l’avocat à la cour. Ce dernier a par ailleurs rappelé que le délai raisonnable à être jugé était largement dépassé, 9 ans après les faits.
Par Belga
Source : Sud Info (Belgique)