Le Comité contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains et dégradants des Nations Unies a procédé dans sa 64ème session, organisée entre le 24 et le 25 juillet 2018 à Genève, à l’examen du deuxième rapport périodique de la Mauritanie. Avant cela, sept associations nationales des droits humains (SOS Esclaves, Association Mauritanienne Pour les Droits de l’homme, Association des Femmes Chefs de Famille, Action Pour la Protection des Droits de l’Homme en Mauritanie, Réseau Unité Pour le Développement de la Mauritanie, Comité de Solidarité Avec les Victimes des Violations Des Droits Humains, Forum des Associations Nationales des Droits de l’Homme) et IRA- Mauritanie qui a aussi contribué à la collecte d’informations contenues dans ce Rapport ont documenté avec l’appui d’un cabinet d’expertise ND Consultance, mandaté par une association française, une quinzaine d’allégations de torture et de mauvais traitements et visité à plusieurs reprises l’ensemble des établissements pénitentiaires de Nouakchott afin de s’enquérir des conditions de détention et de traitement des détenus. En mars 2018, un rapport confidentiel a été remis au ministère de la justice avant que ce document contenant 43 recommandations ne soit rendu public dans le cadre de l’examen périodique sus cité au cours de la dernière session. Dans sa séance du 6 août 2018, le comité a noté avec satisfaction certaines mesures positives mises en œuvre par la Mauritanie en vue de donner effet à la convention internationale relative à la torture dont la Mauritanie est signataire. Parmi ces mesures, le comité cite entre autres : la loi 025- 033 de lutte contre la torture qui contient une définition conforme aux dispositions de la convention. Puis la loi 034- 2015 instituant un mécanisme national de lutte et de prévention de la torture ou encore la loi 031- 2015 criminalisant l’esclavage. Mais aussi la loi 016- 2017 régissant la formation, l’organisation et le fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l’Homme. Le comité cite aussi l’adoption d’un plan national d’action en 2014 sur les violences basées sur le genre et d’une feuille de route déclinée en 29 points pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Le comité regrette cependant que certaines observations et recommandations déjà formulées au cours des examens précédents n’aient pas été mises en œuvre. Cette fois le comité revient à la charge en demandant à l’Etat partie objet de ce dernier examen de prendre des mesures nécessaires y compris législatives afin de:
° Réviser les dispositions du code de procédures pénales et des lois relatives à la lutte contre le terrorisme, la corruption et les stupéfiants
° S’assurer que la durée de la garde à vue maximale ne dépasse pas les quarante huit heures
° Mettre fin à la pratique de la mise au secret
Le comité engage aussi l’Etat à :
° Publier une déclaration émanant du plus haut niveau d’autorité affirmant le caractère absolu d’interdiction de la torture
° Installer et garantir l’utilisation de dispositifs des vidéosurveillances dans tous les lieux de garde à vue
° Améliorer davantage les méthodes d’enquête pénale
° Augmenter les visites des lieux de privation de liberté par des procureurs et des magistrats instructeurs
L’Etat partie doit aussi prendre des dispositions pour que :
° Toutes les allégations de torture et de mauvais traitements donnent rapidement lieu à une enquête impartiale menée par une instance indépendante
° Veiller à ce que les auteurs présumés d’actes de torture ou de mauvais traitements soient immédiatement suspendus pendant la durée de l’enquête.
° Mettre en place un mécanisme indépendant, efficace, confidentiel et accessible pour faciliter le dépôt de la plainte.
° L’amendement de la loi d’amnistie de 92/93 et la suppression de toute amnistie pour acte de torture ou de mauvais traitements
° Assurer la protection des victimes, de leurs familles ou de personnes agissant en leur nom
Sur la Commission nationale des Droits de l’Homme, le comité a recommandé à l’Etat partie :
° L’établissement d’un processus clair, transparent et participatif de sélection des membres de la CNDH
° Encourager la CNDH de se prononcer de manière à assurer le respect dans tous les droits humains
Sur le Mécanisme national de Lutte et de prévention de la torture le comité a recommandé :
° Que ses membres soient désignés à l’issue d’un processus transparent, inclusif et participatif
° Que le MNP puisse recruter ses propres personnels y compris son Secrétaire Général
° Que le MNP soit doté d’une véritable autonomie budgétaire et des ressources nécessaires qui lui permettent de s’acquitter convenablement de sa mission
° Qu’il veuille à ce que les enquêtes impartiales et approfondies soient menées sans délai sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements.
Le Comité regrette enfin que l’Etat partie
continue à nier que la détention du sénateur Mohamed Ould Ghadde ait été arbitraire, malgré l’avis du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (art. 2, 11 et 12).
« 11. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires, y compris législatives, afin:
b) D’enquêter d’office sur l’existence de lieux de détention non officiels et sur les allégations de détention au secret, d’identifier les responsables et de les traduire en justice, et d’accorder une réparation aux victimes, notamment au sénateur Mohamed Ould Ghadde », écrit le rapport.