En d’ autres termes, le peuple choisit lui même ses élus, sans intermédiaires, dans le cas du suffrage direct, alors qu’il choisit des électeurs qui éliront à sa place lorsque le suffrage est indirect.
Dans les deux hypothèses de suffrage direct ou indirect, il est universel, en ce sens que tous les citoyens concernés par un vote particulier y participent à égalité. Il n y va pas discrimination parmi les électeurs du vote concerné.
En Mauritanie, sur ces questions basiques, élémentaires, le pouvoir a réussi le tour de force de mettre tout, sens dessus dessous, en transformant un scrutin direct en scrutin indirect et en transformant un suffrage universel en suffrage restreint, en toute inconstitutionnalité.
L’ élection des députés, à l’opposé de celui des sénateurs, se fait au suffrage direct. Aucune ambiguïté possible puisque l’article 47 de la constitution (non modifié par les amendements successifs) dit que » Les députés à l’ Assemblée Nationale sont élus…au suffrage direct. »
Étant précisé par l’ article suivant qu’ une loi organique fixe les conditions de l’ élection des membres du Parlement…. » dans le respect de la précédente disposition, bien entendu. Tout est clair. Et cela n’ a jamais fait l’objet de la moindre interprétation ambiguë au sein de la classe politique ou par le conseil constitutionnel.
Et voilà que, suite à l’ » Accord politique du 20 octobre 2016 entre la majorité présidentielle et certains (c’est bien écrit » certains »!) Partis d’opposition » (exposé des motifs de la loi), la loi organique déclare en son art 2 » Les députés représentants les Mauritaniens établis à l’ étranger sont élus par un collège électoral composé de députés ».
Autrement dit : l’ article 47 de la constitution dit » suffrage direct » pour l’élection des députés. Mais l’ article 2 d’une loi organique dit » non, non, ce sera un suffrage indirect. »! Autrement dit encore, la constitution est violée par les participants au » dialogue » et cette violation est consacrée par une loi organique.
Autant dire avec la complicité active du conseil constitutionnel auquel toute loi organique doit obligatoirement être soumise avant sa promulgation (c’est à dire sans même besoin que quiconque la lui soumette pour en apprécier la validité constitutionnelle ( art 86 de la constitution).
Autrement dit, tout le monde dans cette histoire a participé à la violation de la constitution : les participants au » dialogue », le parlement qui a voté la loi organique et le conseil constitutionnel qui a sûrement préféré regarder ailleurs ou fermer les yeux.
Le caractère non universel, c’ est à dire non égalitaire de cette élection des députés est qu’ elle fonde deux catégories de citoyens mauritaniens pour une même élection: les mauritaniens de l’ intérieur qui ont le droit de choisir leurs députés et les Mauritaniens de l’ étranger qui eux ne participeront pas à cette élection et ne choisiront pas leurs représentants à l’ Assemblée Nationale.
Il y a lieu de souligner que le scrutin pour l’ élection des députés de l’ étranger n’est en fait ni direct ni indirect. Car le scrutin indirect permet à l’ électeur de choisir ceux qui choisiront à sa place.
Par exemple c’est le cas des sénateurs qui sont élus par les conseillers municipaux, qui eux mêmes sont choisis par les électeurs des territoires municipaux concernés. Pour le cas des députés qui choisissent d’ autres députés supposés représenter les populations de mauritaniens établis à l’ étranger, il n’en est évidemment pas de même.
Les mauritaniens de Paris ou de Djeddah, de Dakar ou de Cincinnati n’ont jamais élu qui que ce soit pour choisir à leur place. Il s’agît de leur imposer purement et simplement des représentants qu’ ils n’ ont en aucun cas choisis. Il y a donc grave violation de la constitution sur l’égalité de suffrage et sur le droit de vote citoyen ( art 2 de la constitution: le suffrage est » toujours universel, égal et secret »).
Cette inégalité se manifeste d’ ailleurs pour ainsi dire, sans fard: pour les centaines de milliers de mauritaniens : 4 députés cooptés par leurs pairs, après les élections législatives.
En définitive, l’ exclusion des mauritaniens de l’ étranger des prochaines élections législatives invalide ces dernières et prouve s’il en était besoin, le mépris dans lequel sont tenues les populations de ce pays de la part des gouvernants qui se comportent comme en territoire conquis…
Il faut dans tous les cas, exiger l’abrogation pure et simple de la loi sur l’élection des députés soi-disant représentants des Mauritaniens établis à l’étranger. Et rétablir leur droit de participation égale conformément à la constitution.
Gourmo Abdoul LO
Facebook – Le 11 mai 2018
Source : Kassataya (France)