L’accumulation des carences et lacunes structurelles ainsi que les nombreuses déficiences des politiques éducatives des différents régimes qui se sont succédés, (surtout militaires), n’ont fait que confiner dans la médiocrité notre institution scolaire, malgré une succession de reformes, non seulement sans réalisation probante mais au contraire, ont rendu notre institution pédagogique plus agonisante encore.
Les organismes internationaux, dont le forum économique mondial, l’UNESCO, n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme, classant la Mauritanie, parmi les pays qui ont accusés le plus de retard dans la région et où l’éducation est la moins développée.
C’est sur ce thème de l’école en perpétuelle déperdition, que la présente réflexion, s’est formée et présente aujourd’hui analyse et propositions. Elle n’a pas l’espoir d’épuiser le sujet tant s’en faut. Elle a laissé de côté, car ce n’était pas son objet, des thèmes aussi importants que par exemple la formation professionnelle, le phénomène des classes surpeuplées, la lutte contre l’absentéisme des enseignants et l’abandon scolaire ainsi que le manque de débouchés et bien d’autres encore. Elle ne s’est posée que quelques questions :
– Quelles sont les principaux traits qui caractérisent notre système éducatif ?
– Quelles sont les causes de la crise profonde dans laquelle s’est empêtrée notre institution éducative ?
– Comment sortir notre institution scolaire du cercle vicieux de la médiocrité ?
Depuis 40 ans, un véritable cercle vicieux, de pratiques néfastes, s’est refermé sur notre système d’éducation, en dépit du rôle essentiel de l’éducation pour le développement.
Les clignotants d’alertes restaient allumés sur l’état de l’école Mauritanienne malgré les efforts louables qui ont été déployés et les sommes colossales qui ont été englouties ces dernières années.
Victime donc d’une crise multiforme, notre enseignement, ce géant aux pieds d’argiles, classé en queue de peloton par les organismes internationaux dont notamment (la banque mondiale et le PNUD) pour ces résultats jugés parmi les plus nuls en Afrique, est resté très nettement à la traine, loin derrière les pays environnants, eux même à la traine par rapport au reste du monde.
C’est la carence des reformes entreprises et des politiques qui se sont succédées qu’il convient de pointer du doigt.
Il n’est peut être pas inutile de rappeler que depuis l’arrivée des militaires au pouvoir en 1978 au gré des vicissitudes de l’histoire et sous la pression de groupuscules nationalistes, rétrogrades, étroits et chauvins de tous bords et de tous horizons, notre enseignement avait à peine survécu aux avatars des reformes calamiteuses dont la plus catastrophique est celle , dite des militaires en 1979 qui instaura au lieu d’un système unifié, un dualisme à rebours du bon sens et de la logique entre 2 écoles opposées (une en arabe et l’autre en français).
A l’inverse donc, des autres pays où tout le monde fréquente l’école publique dans une éducation de masse offerte à tous, dans les mêmes conditions, cette reforme a accentué d’avantage les antagonismes et les inégalités sociales. Et il n’est pas exagéré de dire que des générations entières de petits mauritaniens ont été sacrifiés en matière d’éducation et cela, comme avait dit quelqu’un « ça ne pardonne pas ».
Quand on pense à une telle dégradation du niveau scolaire et aux résultats catastrophiques depuis toutes ces décennies, on s’étonne de ce que l’erreur humaine puisse défavoriser les circonstances.
Cette reforme fut suivie par une autre dite bilingue, en 1999 sous l’ex-, ex-régime déchu, mais qui n’en fut pas moins catastrophique. Les élèves en fin de cycle bilingue au fondamental et au secondaire ne savaient ni lire ni écrire en français de l’avis même du « célèbre et brillant » ministre de l’éducation de l’époque.
A cela, s’est ajouté cette mascarade de politique de l’alphabétisation des adultes dite « KITABOU ». Des prétendues maisons du livre ont été inaugurées dans chaque région et département.
Le tout mené tambour battant avec des menaces, à pêne voilées « EHEH WA HEH MELI », sans compter le gouffre financier que cela a couté. Mais avant d’enseigner les grandes personnes, il faudrait d’abord enseigner les enfants.
Car les grandes personnes sont un achèvement sur lequel on ne peut plus rien. Ils passent après les enfants qui eux sont un commencement sur lequel on peut tout. Victime donc de la carence de ces reformes et politiques éducatives inopportunes qui se sont soldées par un véritable fiasco, notre système éducatif a toujours été un grand malade, marqué par l’absence de crédibilité, de compétence et caractérisé par un laxisme dont les résultats sont catastrophiques.
La dernière en date, de ces politiques éducatives qui ont encaissés des échecs cuisants ou presque et celle dite de l’année 2015. L’actuel Président l’avait déclarée officiellement et solennellement : année de l’enseignement.
Mais comme les reformes précédentes et ce, malgré la grande part du budget qui lui a été allouée, la décision présidentielle est restée sans réalisation probante. Au contraire les scores étaient absolument effarants, à peine plus de 5% de réussite au bac, malgré les fuites et une tricherie généralisée (portables, I phones).
Ces reformes et politiques de formation n’ont fait qu’aggraver la déperdition de l’école mauritanienne devenue plus idéologique et moins tournée vers l’extérieur, en négligeant l’enseignement des langues étrangères et où bon nombre d’enseignants ne maitrisent ni l’arabe ni le français.
Certes des efforts, à travers des mesures concrètes ont été entrepris par les autorités actuelles dont notamment le lancement du programme d’amélioration de l’accès et de la qualité de l’enseignement (PAQ). Des centaines d’infrastructures ont été construites, des bases de données permettant la maitrise et l’organisation de l’enseignement publique et privé ont été mises en place. Mais ces mesures ne constituent qu’une politique de gestion de crise.
Il ne s’agit pas seulement de gérer la crise. Il nous faudrait beaucoup plus. Ce qu’il nous faudrait c’est une reforme en profondeur, un véritable Plan d’Urgence érigeant l’éducation en première priorité.
Car ce secteur vital,risque s’il n’est pas restauré de compromettre l’avenir du pays en pénalisant notre développement et à la longue de faire coucher notre barque sur son flanc alourdi par les problèmes qui continuent de peser négativement sur notre enseignement.
En effet, il nous reste encore du chemin à faire avant de rattraper tout le retard enregistré durant toutes ces décennies.
Par cette analyse, l’auteur que je suis, tient à souligner d’emblée, qu’au-delà des défaillances de ce secteur, l’éducation en Mauritanie pose un problème très particulier. D’où un point fondamental sur lequel, je tiens à insister : le responsable de ce poste doit être un homme exceptionnel, un véritable visionnaire, car il est celui qui façonne la nation de demain.
En effet, le rôle de l’école et de former les hommes et les chefs de demain, aptes à prendre les décisions qui les concernent, car le développement est en définitive une affaire de mentalité. Encore faut-il que notre éducation soit tournée vers l’avenir que vers le passé. Nous vivons dans une société passéiste.
Le passé, les traditions ne doivent certes pas être rejetés mais si le présent appartient à ceux qui ont la plus forte économie, le futur lui appartiendra à ceux qui dans les meilleures écoles forment les meilleurs hommes de demain. Le Japon et la Suède, qui n’ont ni superficies, ni matières premières en sont des exemples irréfutables et réels.
L’école est certainement le meilleur levier pour lancer un projet de société dans la préfiguration de la Mauritanie de demain, en tant que nation et communauté mais aussi en tant qu’identité.
Alors expliquez-moi, s’il vous plaît pourquoi les autorités n’avaient pas mis en place,à l’instar de tout pays qui se respecte une charte nationale de l’éducation ? Avons-nous trop de scientifiques, d’ingénieurs, des techniciens, d’architectes, de manageurs ? Certainement pas.
Alors, pourquoi avons-nous négligé d’élaboration d’une charte nationale de l’éducation qui sera une structure d’expertise, un véritable laboratoire de réflexion pour rattraper tout le retard enregistré durant les décennies écoulées, en mobilisant toutes les énergies afin de mettre en place la grande reforme de notre système éducatif,surtout sur le plan qualitatif ?
L’objectif visé est de pointer du doigt les tares dans le domaine afin d’y palier et impulser une nouvelle vision. Celle d’une école réhabilitée, revalorisée, et réconciliée avec elle-même et avec la société.
Dites moi encore s’il vous plaît, pourquoi il n’existe pas chez nous un Conseil Supérieur de l’enseignement pour la bonne gouvernance comme partout ailleurs, dans ce secteur.
Pourtant, les conseils ne manquent pas chez nous, surtout ceux qui ne jouent aucun rôle ou presque, comme par exemple le Conseil Supérieur de la Jeunesse, le Conseil Economique et Social (qui ne s’est jamais réuni) ou le conseil de la magistrature (qui ne joint d’aucune indépendance), ou le Conseil National du patronat (qui ne s’occupe que de ses propres intérêts
Ce conseil supérieur de l’enseignement doit jouer un rôle consultatif et de veille institutionnelle des mécanismes d’un système éducatif performant, fiable, solide et sérieux.
Cette structure pourra réussir l’école mauritanienne en devenir, qui est un impératif national, en réalisant le chantier de la reforme suivant un Plan d’Urgence qui sera un véritable levier de modernisation de la société. Les membres de ce Conseil doivent être soumis à une obligation d’efficience et appeler à une remise à niveau des mécanismes de l’éducation nationale.
Une mobilisation nationale pour la réhabilitation et la rénovation de notre école Enfin, le renouveau de notre système éducatif ne peut reposer sur la seule énergie d’un groupe d’hommes ou même d’un département.
C’est à l’ensemble des partenaires : pouvoirs publics, bailleurs de fonds, syndicats, enseignants, pédagogues, parents d’élèves de s’atteler à la tâche. En somme il faut un concours harmonieux et par conséquent libre et volontaire du corps social tout entier.
Il s’agit à coup sûr d’une œuvre de longue halène au même titre que la lutte contre la pauvreté, la bonne gouvernance ou l’alternance politique.
Bien sûr ces trois deniers thèmes ont dans l’opinion un degré d’urgence beaucoup plus grand que celui dont j’ai souhaité me saisir. Et c’est normal. Mais aucun des grands problèmes de la société et de l’économie Mauritanienne ne pourrait recevoir de solution durable, si était négligée ou mal comprise l’absolue nécessité d’une réhabilitation totale de notre éducation.
J’en appelle à toutes les bonnes volontés pour y contribuer dans l’intérêt général. Déjà, des voix (les syndicats) ont commencé à s’élever pour arrêter cette course insensée vers l’abime où nous mèneraient de pareilles politiques.
Et dans ce cas, en avant Messieurs, ne nous effrayons pas par l’ampleur du problème. Ce défi est plus exaltant qu’accablant.
Lehbib Ould Berdid
Professeur Chercheur et analyste Stratégiste.
Diplômé de l’ITB du Conservatoire National des Arts et Métiers Français