Un domaine où la Mauritanie, quatre millions d’habitants, se distingue tristement. Le dernier Index d’esclavage mondial publié par la Walk Free Foundation indique que 4% de sa population, soit environ 155 000 personnes, vit en état d’asservissement. Et les indicateurs ne sont pas bons.
Car avec un taux de vulnérabilité de 46,77/100, ce vaste pays désertique d’Afrique de l’Ouest se classe au 1er rang, sur les 167 pays que compte le classement, pour la prévalence de l’esclavage. Système antédiluvien et héréditaire Nourri par un système endémique d’appartenance ethnique et de castes qui prédispose certains groupes à la servitude héréditaire, le fléau s’abat presque exclusivement sur les Haratines, également appelés Maures Noirs, qui subissent de longue date la domination politico-sociale des Bidhans, la population minoritaire arabo-berbère.
Mais le travail forcé, dont sont victimes des Mauritaniens mais aussi des travailleurs étrangers, ouest-africains pour la plupart, pèse également dans les statistiques.
Dans des secteurs comme le travail domestique, le bâtiment, la pêche ou l’agriculture, de nombreuses organisations dénoncent les conditions de travail dégradantes que le gouvernement laisse s’exercer en dépit des traités internationaux qu’il a ratifiés et de sa propre législation sur la question.
Trente-six ans après avoir été l’un des derniers pays au monde à abolir officiellement la traite d’êtres humains, en 1981, la Mauritanie se trouve donc plus que jamais confronté à ses vieux démons malgré les dénégations du président Mohamed Ould Abdel Aziz qui fait comme si le problème n’existait plus.
Mais c’est son inaction qui interpelle. Dans l’index de la Walk Free Foundation, le gouvernement de Nouakchott se retrouve seulement en 121ème position pour la lutte contre l’esclavage moderne. Ce grand écart entre les intentions affichées et la réalité irritent au plus haut point les défenseurs des droits de l’homme.
Ces dernières accusent les autorités de donner le change en signant des accords internationaux qui restent lettres mortes et en adoptant des lois anti-esclavage incomplètes, même si le très faible investissement en matière de lutte contre l’esclavage moderne de Nouakchott, la capitale du pays, ne trompe plus grand monde.
Le président mauritanien, entre attentisme et impuissance Déjà, en juin dernier, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a mis en garde contre la résilience de l’esclavage en Mauritanie qui continue « de manière généralisée, malgré de nombreuses discussions ».
Récemment, les syndicats américains ont demandé à l’administration Trump d’exclure le pays des avantages commerciaux – une exonération de franchises sur les marchés américains – accordés par les Etats-Unis aux gouvernements qui respectent les droits de l’homme. Une décision aux répercussions potentiellement dramatiques pour la Mauritanie, en proie à une pauvreté extrême et dont tous les voyants sont au rouge.
Classée au niveau 2 pour le trafic de personnes par le Département d’Etat américain en 2008, elle a été rétrogradée au niveau 3 en 2015, soit avec les pays « dont les gouvernements ne se conforment pas pleinement aux normes minimales concernant le travail forcé et la prostitution et ne font pas d’efforts significatifs à cet effet »…
L’impuissance, ou le manque de volonté, du gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz à régler le problème de l’esclavage et de la traite est donc lourd de conséquences économiques et sociales. Il pourrait également avoir des conséquences démographiques puisque, selon l’agence des Nations unies, les flux de réfugiés s’accroissent le long de la côte ouest de l’Afrique et traversent désormais la Mauritanie pour rejoindre le Maroc jusqu’au détroit de Gibraltar.
Pour de nombreux Mauritaniens, la tentation est grande de s’exiler pour échapper à l’asservissement. Une planche de salut pour le meilleur et souvent pour le pire : d’une part, elle charrie son lot de drames humains et, d’autre part, elle aggrave une crise migratoire déjà explosive en Europe…
Source : JOL Press