«On ne peut pas espérer la capture du dividende démographique, si on continue à faire cinq, six, sept enfants » a prévenu M.Mabingue NGom, Directeur régional de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
En marge de la 4ème édition du «Rebranding Africa Forum » qui s’est déroulée du 6 au 7 octobre 2017 à Bruxelles pour mobiliser le secteur privé autour du dividende démographique, le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a organisé une session satellite sur «investir dans la jeunesse pour tirer pleinement profit du dividende démographique».
Cette rencontre organisée en collaboration avec la Banque Mondiale, le Global Business Coalition Health (GBH) et le Réseau des Jeunes Leaders Africains (AfriYan) a mobilisé communicateurs, journalistes et hommes des médias, mais également décideurs, secteur privés et experts du développement.
La rencontre s’était déroulée en présence de la nouvelle Directrice Exécutive de l’UNFPA, Mme Natalia Kanem, qui signait sa première sortie officielle, du ministre de l’Economie et de la Planification du développement du Tchad et président en exercice du Comité régional de pilotage du projet SWEDD, M.Nguéto Tiraïna Yambaye, du Directeur régional de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, M.Mabingué Ngom, du Directeur fondateur du Rebranding Africa Forum, M.Thierry Hot, des parlementaires dont la présidente du Forum des parlementaires africains sur les questions de population et développement, Mme Marie-Rose Nguini Effa, de la directrice du GBH, Mme Nancy Wildfeir-Field ainsi que l’artiste musicienne sénégalaise et «Ambassadrice de bonne volonté des Nations Unies», Coumba Gawlo Seck.
La session modérée par Ibrahima Cheikh Diong, PDG Africa Consulting and Trade, a ciblé en particulier les hommes des médias et les jeunes.
Apprends-moi le dividende démographie
Sur la sensibilisation et la dissémination en langage clair et concret de la notion du dividende démographique, les médias semblent en faire peu. C’est le reproche que les experts à Bruxelles ont fait à la presse, invitée plus que jamais à s’investir davantage dans le défi qui se cache derrière un concept en apparence compliquée mais qui touche en réalité toute la problématique du développement en Afrique.
Mabingué NGom part de faits réels et de chiffres concrets pour donner un aperçu de la situation. «Il existe un quartier à Abidjan où l’on enregistre 300 naissances par jour. Ce qui suppose qu’il faut construire chaque jour six classes de cinquante élèves. Donc autant de collèges, de lycées, d’amphithéâtres, de centre de santé et d’hôpitaux à construire pour prendre en charge cette poussée démographique. Des charges que nul pays ne peut supporter. Tant qu’on continuera à faire cinq, six, sept enfants par femme, l’Afrique ne s’en sortira jamais » a-t-il conclu.
D’une manière plus générale, l’objectif visé dans la réalisation du dividende démographique est de réduire la population dépendante (les moins de 15 ans et les plus de 64 ans) et d’augmenter la population active, tout en investissant dans la jeunesse (éducation et formation) et dans la santé (santé de la reproduction, planning familial), lutter contre les mariages précoces, assurer l’autonomisation des femmes et des filles et promouvoir la bonne gouvernance.
C’est autour de cette problématique qu’ont tourné toutes les interventions, notamment celle du Dr.Justin Koffi, Cordonnateur SWEDD-UNFPA, qui est revenu sur la position commune africaine de 2014, l’Agenda 2030 des Nations Unies et l’Agenda 2063 de l’Union Africaine ainsi que sa Feuille de route et les quatre piliers qui la sous-tendent, à savoir, l’emploi et l’entreprenariat, l’éducation et le développement complémentaire, enfin la santé et le bien-être. Il a également évoqué la contribution de l’UNFPA dans le dialogue et le plaidoyer, le renforcement de capacité des acteurs, l’offre de services et le partage des connaissances, un package qui vise depuis des années à activer les différents leviers susceptibles d’accélérer la transition démographique en Afrique.
La directrice du GBH, Mme Nancy Wildfeir-Field a quant à elle insisté sur le rôle des partenaires financiers, notamment le secteur privé et les partenaires dans l’investissement dans la jeunesse, surtout la jeune fille, pour son implication en tant qu’actrice du développement.
Pour sa part, le ministre tchadien de l’économie, M.Yambaye, a affirmé que «la forte croissance démographique en Afrique est un frein à la croissance économique» si elle n’est pas maîtrisée et transformée en opportunités. Pour cela, il a insisté sur la nécessité d’investir dans le capital humain et de contrôler les naissances.
«Plus de la moitié de la population africaine a moins de 15 ans et cette forte fécondité en Afrique représente une forte pression sur les ressources et les infrastructures de base » a-t-il fait remarquer. Pour lui, les consciences commencent à s’éveiller et le dividende démographique imprègne de plus en plus les esprits, notamment ceux des décideurs politiques, mais aussi des acteurs du changement que sont les jeunes, les religieux et les autres segments de la société civile. Il a évoqué dans ce cadre la réussite du forum sur «Islam, dividende démographique et bien-être » organisé fin juillet 2017 à Ndjamena au Tchad.
Les jeunes d’abord
Fortement impliqués dans tous les problématiques du développement, en particulier dans la question du dividende démographique grâce à la volonté du directeur régional de l’UNFPA, Mabingué NGom, la jeunesse africaine s’est fortement exprimée à Bruxelles, à travers la présence de plusieurs de leurs représentants et par la voix de Pape Arouna Traoré, Secrétaire Exécutif du réseau des jeunes leaders africain ou AfriYan. Leur mouvement, rappelle-t-il, est né dans la décennie de la Charte africaine de la jeunesse célébrée en Gambie, puis formalisée suite à l’appel du Directeur régional de l’UNFPA Mabingué NGom, dans son slogan «Young people first » ou la jeunesse africaine d’abord.
Leur réseau, selon lui, est le résultat de telles circonstances, soulignant que depuis sa constitution, les jeunes ont entrepris plusieurs actions, dont la vulgarisation de la Feuille de route de l’UA pour le dividende démographique, une rencontre avec les parlementaires africains et le secteur privé. Pape Arouna Traoré déclare que les jeunes africains sont cependant déçus du manque de suivi des engagements pris par les décideurs et les acteurs africains.
D’autres intervenants ont réclamé carrément un Plan Marshall pour l’Afrique à l’image de celui qui avait permis à l’Europe, dévastée par la seconde guerre mondiale, de se reconstruire. « Il faut une ambition et une audace politique pour changer la donne. Nous devons avoir l’ambition d’une expansion à l’échelle des actions projetées. L’engagement politique doit se traduire par une action sur le terrain », a déclaré Mabingué NGom à la fin des travaux.
Cela se fera, selon lui, par les startup qui permettent de valoriser le talent et l’innovation en Afrique, le passage à l’échelle des expériences concluantes, l’accélération de la politique fiscale, l’expérience du projet SWEDD vers le modèle 2.0 et sa mise en œuvre partout en Afrique, soulignant que beaucoup de pays ont émis le souhait de profiter de l’expérience de ce projet sous-régional qui dans sa phase expérimentale ne concernait que six pays, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger, Mali, Mauritanie et Tchad. En 2017-2018, le projet SWEDD entamera une autre dimension de ses activités, a annoncé Mabingué NGom, citant l’amplification de ses messages par la presse et les médias ainsi que la réalisation d’un guide des réalisations démographiques.
Ces deux sessions ont été marquées par l’intervention phare de la nouvelle directrice exécutive de l’UNFPA, Natalia Kanem, pionnière de la «Santé de la reproduction». Elle a plaidé pour la réduction du taux synthétique de naissance qu’elle trouve trop élevé en Afrique, empêchant son décollage, tout en plaidant pour la cause de la femme africaine qui doit selon elle pouvoir exprimer sa pleine potentialité et participer efficacement au développement du continent. Déjà à Londres où elle avait participé en 2016 au sommet sur la planification familiale, elle avait annoncé, au nom de l’UNFPA, l’objectif de 2 millions d’utilisatrices supplémentaires à l’horizon 2020.
Cheikh Aïdara
Source : Le Courrier du Nord (Mauritanie)