13 July, 2017 – Cheikhna DAH
La constitution institue les règles fondamentales de l’Etat en fonction de sa situation politique, sociale et économique au moment de son adoption. L’Etat commence l’établissement d’un système démocratique sur cette base. Le rôle de la constitution est ainsi d’organiser les relations et les responsabilités entre les Institutions (c’est-à-dire les trois pouvoirs) de sorte que nul d’entre eux ne puisse dominer ou outrepasser les autres. Le terme démocratie est utilisé pour décrire le système de pouvoir dans l’Etat démocratique, ou, dans un autre sens, pour décrire la culture d’une société. Dans ce sens, la démocratie est un système social distingué régissant la vie de la société et faisant référence à une culture politique et morale donnée contenant des notions comme la nécessite de l’alternance pacifique du pouvoir d’une façon périodique et la primauté du principe de la souveraineté du Peuple. Or, l’une des questions les plus importantes pour nous en Mauritanie est de voir et savoir dans quelle mesure l’histoire de notre jeune Etat a-t-il concrétisé ces notions de la constitution et de la démocratie.
Depuis la proclamation de la République islamique de Mauritanie en 1958 et son indépendance politique annoncée le 28 novembre 1960, le pays a vu l’adoption de deux constitutions, la première celle du 12 Mai 1960 et la deuxième adoptée en date du 20 Juillet 1991.
Dans le préambule et le premier chapitre de chacun de ces deux constitutions, il est stipulé que la Mauritanie est une République islamique indivisible, que le peuple est la source de tous les pouvoirs, que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce à travers ses représentants élus. Ces dispositions ont été malheureusement vidées de l’essentiel de leur contenu depuis l’indépendance car les régimes et pouvoirs qui se sont succédé ont renforcé leur position par l’écriture de constitutions qui sont restées lettre morte en étagère pour rassembler et monopoliser le pouvoir au détriment de la souveraineté prétendue du peuple. Il est devenu évident que ces constitutions ont été mises en place à ces époques pour affermir et renforcer les pouvoirs en place civils et militaires. C’est ainsi qu’on a assisté au phénomène de la manipulation abusive des constitutions par les régimes successifs. Dans ce cadre, il est apparu que ce fléau politique était le plus grave, faisant preuve d’une tendance alarmante chez les détenteurs du pouvoir en Mauritanie à utiliser la constitution comme moyen pour évincer leurs adversaires politiques et pour se maintenir au pouvoir. Il est clair que cette habitude ou pratique tend à rendre l’instrumentalisation et la manipulation de la constitution une chose ordinaire ou tout à fait normale en Mauritanie, transformant la constitution ainsi en un simple outil juridique dans la main du pouvoir en place. Car elle n’avait été initialement créée que pour faire croire au citoyen qu’il a une constitution, et non pour son application faisant du peuple la source de pouvoir et instaurant l’égalité de tous devant la loi. Au contraire, ces «constitutions» ont été rédigées pour distribuer une illusion commune entre les gens : d’être égaux en droits et obligations, alors qu’il ne s’agit que d’une tromperie de la part des pouvoirs en place.
En effet, les parlements et les gouvernements, qui se sont formés depuis l’indépendance, devaient être constitués sur la base du consentement des gouvernés, car en réalité, c’est dans ceci que réside la légitimité des systèmes politiques. Le système politique légitime est celui qui jouit du consentement et de la satisfaction de la majorité des citoyens. Or, les gouvernements successifs en Mauritanie ont continué de pratiquer la politique d’élimination du détenteur de la souveraineté, à savoir le PEUPLE, à cause du taux élevé d’analphabétisme avec 70% des populations ignorant complètement les notions de l’Etat, de la Constitution et leur fin et utilité. Les élites au pouvoir ont exploité cette lacune pour raffermir leur contrôle et domination du paysage politique en Mauritanie.
Depuis l’indépendance, des appels timides sont apparus exigeant la récupération par la Constitution Mauritanienne de son rôle essentiel constitutif. Ces appels visent à redonner à la constitution son caractère sacré et sa fonction essentielle à savoir de limiter et de contrôler le pouvoir par la loi et de protéger les libertés individuelles et collectives. En effet, la mise en place d’un pouvoir sans contrôle comme nous l’avons vécu depuis l’indépendance démolit et annule la Norme de base Universelle, Essentielle et Permanente à savoir la limitation et le contrôle volontaire et constitutionnel du pouvoir du gouvernant. Par conséquent, la légitimité de tout pouvoir dépend de l’existence d’une constitution qui institue et met en place des mécanismes et moyens variés et efficaces pour le contrôle et la limitation des différents pouvoirs.
Aujourd’hui, en envisageant la révision de la constitution du 20 Juillet 1991, je pense que nous devons plutôt opter unanimement pour la suppression totale de cette constitution et l’écriture d’une nouvelle constitution qui jette les bases d’un nouvel Etat et une troisième république formant ainsi un nouveau Contrat Social entre les citoyens, mettant fin aux amertumes du passé, donnant la souveraineté à son détenteur légitime dans les démocraties à savoir le PEUPLE et mettant fin une fois pour tous aux conspirations et manipulations tant perpétrées contre ce souverain enchaîné par l’analphabétisme …
Cheikhna DAH
Conseiller Juridique – SONADER