Ce phénomène créa une douleur sans commune mesure suite aux déchirures et à l’égarement qu’il a provoqué au sein de nombreuses familles Africaines dont hommes et femmes, éloignés de force de leur milieu social et culturel, resteront à jamais en quête d’identité.
Cette journée aurait pu se limiter en une cérémonie de rappel. Nous sommes certes loin de l’époque du Marché d’esclaves de Zanzibar, des navires négriers qui traversèrent les mers pour l’Amérique et de celle du passage des nombreux esclaves par l’île de Gorée, pour ne citer que cela. Nous sommes en l’an 2017 et une nouvelle forme d’esclavage continue de résister à l’usure du temps.
Il s’agit de l’esclavage moderne ; moderne par sa particularité ainsi que par son adaptation aux changements qui naissent au fil du temps. Notre société, la société Mauritanienne, dans son ensemble, est gangrenée par l’existence de cette forme contemporaine d’esclavage. Avec toute l’énergie que cela pourrait engager, nous en faisons un sujet de réflexion.
Le sujet sur l’esclavage dans sa forme actuelle d’abord, en milieu Maure et ensuite en milieu Soninké, Halpular, Wolof et bambara est très complexe. Il demeure mal compris au sein des sociétés occidentales, ces sociétés même qui ont déjà aspiré à la liberté.
Selon l’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Hommes de 1948 « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».
La Mauritanie, dernier bastion de l’esclavage, est loin d’être un exemple dans le respect de la convention de l’ONU relative à l’esclavage.
L’état, applique lui-même l’esclavage et permet, pour des intérêts politiques, aux familles féodales de continuer de garder, de maltraiter et de réduire en esclavage des hommes et des femmes, issues, selon eux, de classes inférieures. Dans sa grande majorité, la communauté H’ratine représentant plus de 40% de la population, vit sous cette nouvelle forme d’esclavage perceptible en Mauritanie.
Considérés comme propriété privée, ses hommes et ses femmes travaillent pour des maîtres Beydane d’origine Arabe communément appelés ‘Arabo-berbères » sans être rémunérés. Ils sont privés d’éducation et de tout loisir leur permettant d’évoluer. Les enfants sont battus et séparés de leurs familles. Ils sont offerts en cadeau à d’autres familles. Les filles et les femmes sont violées par leurs maîtres.
Ces enfants nés des viols occultes que d’aucuns considèrent comme légaux perdent de fait le titre d’héritier. En milieu Négro-Mauritanien, l’esclavage est de toute autre nature. C’est un esclavage maquillé et enraciné dans les traditions.
Il est appliqué en interne des familles qui en font leur socle de vie de telle sorte que le rapport esclave-noble est entretenu afin de perdurer dans le temps. C’est l’esclavage de coutume entretenu par les nobles de coutume.
Il est plus difficile à combattre car il n’est pas visible. Selon la descendance et le nom de famille, les Hommes ne naissent pas égaux.
Ce phénomène de stratification sociale se traduit par une forte différenciation entre personnes d’un même environnement social à travers la caste qui définit l’individu dans son milieu. La liberté des personnes de descendance servile à travers leurs actes au sein de la société se trouvent restreinte de fait, parce que nées esclaves.
Aujourd’hui, ce phénomène va au-delà des limites des périmètres sociaux pour s’intéresser aux décisions politiques. L’état agissant de connivence avec l’ensemble des familles des chefferies tribales, traditionnelles et villageoises, n’affiche aucune volonté apparente d’éradiquer ce phénomène de l’esclavage héréditaire. Des simulacres de lois sont adoptés pour venir à bout du phénomène.
Sous le Président Mohamed Khouna Ould haidalla, L’ordonnance no 081-234 du 09 Novembre 1981 abolissait officiellement l’esclavage. Le 25 mars 2007, le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi démocratiquement élu fait adopter par le parlement la loi no 2007–048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes.
Un rapport de l’ONG Walk Free sorti en 2014 sur toutes les formes de l’exploitation humaine a classé la Mauritanie à la tête des pays où il y a un taux des plus élevés d’esclaves.
Encore, le 13 Août 2015, le parlement a adopté à l’unanimité une nouvelle loi incriminant davantage les pratiques esclavagistes et rendant les peines d’emprisonnement à l’encontre des coupables plus lourdes. Toutes ces lois votées, restées sans suite, ont été vaines de sens. Aucun investissement n’a a été fait par le Gouvernement pour permettre une applicabilité stricte de leurs textes.
A ce jour, le président Mohamed Ould Abdel Aziz ignore à tout bout de champs, lors de ses sorties médiatiques, l’existence de l’esclavage en Mauritanie. Ceci se confirme par l’expulsion du territoire mauritanien avant le 2 Mai 2017, sur ordre du Directeur Général de la Sureté Nationale, Le Général Mohamed Ould Meguett, de Marie OFRAY, activiste Française partie enquêter sur l’esclavage.
Il lui a été signifié que l’esclavage n’existait pas en Mauritanie. Le président Biram Dah Abeid de l’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste, ainsi que d’autres mouvements, militants et sympathisants de la cause anti- esclavagistes sont sans cessent persécutés de la façon la plus sauvage par les autorités Mauritaniennes.
Nous, Collectif des Mauritaniens de France,
-Exigeons de l’état Mauritanien une nouvelle révision des lois incriminant l’esclavage ainsi que la mise en place d’une politique de suivi impliquant l’ensemble des représentants des forces de la société civile, des partis politiques et des mouvements des droits de l’homme ;
-Dénonçons fermement avec la plus grande énergie les répressions aveugles contre les militants de la cause anti-esclavagiste en Mauritanie.
-Protestons contre les agissements anti-démocratiques du Président Mohamed Ould Abdel Aziz dans sa volonté de restreindre, depuis le 07 Mai 2017, la liberté au militant abolitionniste, Biram Dah Abeid, qui souhaitait effectuer une tournée dans la région du Guidimakha pour s’adresser librement aux ressortissants de la région.
-Alertons l’opinion nationale et internationale sur le danger de la persistance du phénomène de l’esclavage en Mauritanie et sur le manque de volonté des autorités de l’éradiquer ;
-Demandons aux institutions internationales des Droits de l’Hommes d’imposer les sanctions adéquates au gouvernement mauritanien qui continue de permettre sciemment la restriction de liberté, la maltraitance, les viols, le trafic des personnes d’extraction servile.
-Mettons en garde les autorités politiques contre les violations des Droits de l’Homme qui s’accentue de jour en jour en Mauritanie.
Le Collectif des Mauritaniens de France
Paris, le 13 Mai 2017
Avec Cridem, comme si vous y étiez…
Source : Collectif des Mauritaniens de France