L’opposition dite radicale et le pouvoir auraient posé comme condition de participation à la marche organisée hier par le Manifeste des Haratines et à son autorisation, par la mise à l’écart de Birame Dah Abeid et de son organisation, IRA.
C’est du moins ce qu’a déclaré le porte-parole, Hamady Ould Lehbouss qui précise que «la mise à l’écart d’IRA a permis l’organisation de la marche».
Ce qui est sûr, la décision de non participation prise par le Bureau Exécutif de IRA aurait mis en minorité deux de ses plus éminents cadres, Brahim Ould Bilal et Ould Sidi Moyla, partisans de la participation. Ces derniers en ont profité pour déclarer leur départ de «l’organisation antiesclavagiste la plus combattue aujourd’hui en Mauritanie» selon ses partisans.
Finalement, la marche organisée hier, mardi 29 avril 2014, par le Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Haratines, se serait déroulée dans une unanimité paradoxale entre le pouvoir et son opposition la plus radicale.
Les deux parties ennemies de la scène politique nationale se seraient entendues sur la mise à l’écart de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) et de son président, Birame Dah Abeid. C’est du moins ce que rapporte le porte-parole du mouvement, Hamady Ould Lehbouss, qui ajoute que «Birame Dah Abeid s’est réuni chez lui au P.K 10, le dimanche 27 avril dernier, avec le Coordinateur de la marche, Ould Hendaye».
> Accords
Les deux hommes seraient parvenus, selon lui, à s’entendre sur la participation d’IRA sans ses slogans et ses banderoles, mais avec une prise de parole de son président au cours du meeting clôturant la marche. Une dernière réunion de mise à niveau portant sur l’organisation de la marche était alors programmée la nuit du 27 avril à 20 heures, chez un certain Békaye, infirmier d’état et sympathisant d’IRA. Le président du Conseil du Manifeste, S.E l’ambassadeur Mohamed Saïd Homody et Samory Ould Beye devaient y participer à côté de Ould Hendaye.
Selon Hamady Ould Lehbouss, la surprise fut ainsi grande lorsqu’à quelques minutes du rendez-vous, information leur fut donnée que finalement, IRA ne pouvait plus participer à la manifestation du 29 avril.
Les raisons réelles, rapportées par certains dirigeants du Manifeste et rapportée par Hamady Ould Lehbouss, joint au téléphone, seraient que l’opposition dite radicale aussi bien que le gouvernement auraient posé comme condition, l’une pour sa participation et la mise en place de la logistique, et l’autre pour l’autorisation, la mise à l’écart de Birame et de IRA.
En effet, selon Hamady Ould Lehbouss, la Coordination de l’opposition dite radicale aurait posé comme condition pour sa participation qu’IRA ne prenne pas part à la marche. Idem pour le gouvernement qui aurait dépêché pour la cause, Mohamed Ould Boilil, le président de l’Assemblée Nationale, Fatimetou Hamady, ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Bekaye Ould Abdel Maleck, ministre de l’Enseignement Supérieur et Moctar Ould Mohamed, haut responsable à la Primature.
Reçue par Samory Ould Beye, la délégation aurait posé la non participation d’IRA et de son président, comme condition à la délivrance de l’autorisation pour la marche. Une condition entérinée en présence du Wali de Nouakchott et du préfet du Ksar.
«Suite à ce nouveau rebondissement, le Bureau exécutif d’IRA s’est réunie en session extraordinaire pour conduite à tenir» affirme Hamady Ould Lehbouss. Selon lui, Birame s’était retiré pour ne pas influer sur la décision à prendre.
«En fin de compte, le BE a décidé à l’unanimité de ses membres de ne pas participer à la marche pour ne pas créer des problèmes et en compromettre le déroulé» ajoute-t-il. Deux éminents cadres du mouvement, Brahim Ould Bilal et Ould Sidi Moyla, qui avaient voté pour la participation se seraient alors retirés, avant d’annoncer plus tard qu’ils quittent IRA.
Dans une note publiée hier, le mouvement IRA a réaffirmé sa résistance «contre les forces centrifuges face à l’offensive menée par l’union des deux bords du système contre IRA» et qui rappellerait selon le communiqué, «l’union qui eut lieu entre les deux bords du système esclavagiste lors de l’incinération symbolique des livres esclavagistes en 2012».
> Démentis
Contacté pour en savoir plus sur sa défection, le désormais vice-président d’IRA, Brahim Ould Bilal, aurait évoqué des raisons directes et des raisons indirectes. Taisant ces dernières, en attendant le communiqué qu’il déclare publier incessamment, il a affirmé n’avoir pas pu supporter davantage les décisions unilatérales de Birame qui aurait décidé par rapport à la marche, la non participation sans l’avis du Bureau exécutif, affirmant avoir essuyé des propos déplacés de la part de son président.
D’autre part, le Coordinateur de la marche, l’ex-colonel de l’armée Ould Hendaye, décrit comme un homme juste et l’un des rares officiers de l’armée à avoir démissionné pour ses principes, il a servi une autre version du feuilleton IRA-Manifeste.
Selon lui, la non participation d’IRA à la marche du 29 avril est une décision souveraine de l’organisation, face au refus par les organisateurs de lui permettre de défiler avec ses slogans et de donner la parole à son président. « Un seul discours sera prononcé à la clôture de la marche, ce sera celui du président du Conseil, SEM. Saïd Homody qui prononcera un mot consensuel et nous ne permettrons jamais que l’on invite des gens pour les insulter ; la marche concerne tous les Mauritaniens ; ce sera l’occasion de réparer le fossé intercommunautaire et non le lieu pour approfondir les dissensions» dira-t-il.
Il a par ailleurs démenti les informations relatives aux conditionnalités évoquées plus haut sur la participation de l’opposition à la marche et sur l’autorisation accordée par le gouvernement, précisant que les organisateurs n’auraient jamais accepté de telles exigences liées à la participation ou non d’une organisation membre du Manifeste.
Sur la réunion qui devait avoir lieu chez l’infirmier Bekaye la nuit du 27 avril dernier avec Birame, il a déclaré que ce dernier avait invité Samory sans lui préciser l’objet de l’invitation. Et quand ce dernier a appris, selon lui, qu’il s’agissait d’une réunion de réconciliation avec Birame, Samory aurait affirmé n’avoir pas de problème avec Birame et qu’il n’est pas prêt à participer à une réunion dont l’objectif réel lui a été caché.
Ainsi, le Manifeste aurait refusé de distribuer les antennes de parole, de peur que certains discours ne heurtent la sensibilité de certaines communautés invitées à la marche, notamment la communauté maure qui a déclaré sa mobilisation pour épauler les revendications justes des Haratines pour une meilleure revalorisation de leurs droits politiques, économiques et sociaux.
Par Cheikh Aïdara
30-04-2014