En Mauritanie, l’esclavage est défini comme un crime contre l’humanité dans la Constitution. Pourtant, ce problème existe toujours dans le pays qui pratique aussi la traite des femmes et des hommes. Aminetou el Moktar, activiste contre l’esclavage moderne, dénonce ces pratiques et l’inaction de la justice.
En ce début de XXème siècle, l’esclavage et la traite des hommes et femmes continuent en Mauritanie dans un silence complice et assourdissant.
Une justice impuissante
Notre pays est l’Etat qui compte le plus fort taux d’esclaves au monde. Rien n’y fait, ni les protestations, ni les lois. Cette pratique scandaleuse, inhumaine et barbare continue. Officiellement, tout est en règle. La Mauritanie a adhéré à la Convention de 1926 qui interdit l’esclavage. En 1981, elle a adopté une ordonnance qui interdit l’esclavage et en 2003 un autre ordonnance (048/2007) a criminalisé les pratiques esclavagistes. En 2012, l’esclavage a même été inscrit dans la Constitution comme un crime contre l’humanité.
Mais, malgré tout cet arsenal juridique est mis en place pour éradiquer l’esclavage, celui-ci se poursuit dans les différentes régions du pays et même jusqu’à Nouakchott, la capitale, ternissant l’image de notre pays, l’un dernier pays au monde à tolérer la traite des hommes et des femmes.
Les esclavagistes ne sont jamais inquiétés
Le paradoxe est là : en Mauritanie, ce ne sont pas les esclavagistes qui vont en prison mais ceux qui les dénoncent !
Chaque fois que des militants des droits de l’homme s’attaquent à cet abominable crime contre l’humanité, ils sont arrêtés, jugés, enfermés. C’est le cas à ce jour pour Biram Ould Dah Abeid et son codétenu Brahim Bilal Abeid, de l’Initiative pour la résurgence de mouvement abolitionniste (IRA), condamnés pour « rébellion ».
Leur cas est une parfaite illustration du gouffre qui sépare les discours officiels d’une pratique où les esclavagistes bénéficient de l’impunité et de protections. En cette année 2015, de nombreux cas d’esclavage ont encore été dénoncés, notamment par l’association SOS-esclaves. Sans effet.
Ainsi, dans certains régions de notre pays, comme Tiris Zemmour et le Trarza, les autorités ont même reconnu la véracité des cas dénoncés. Mais les esclavagistes ne sont jamais arrêtés ou interrogés sur ce crime réprimé par la législation en vigueur. Officiellement, les autorités prétendent que ces criminels n’ont pas été retrouvés par une justice qui a en fait toujours fait preuve de complaisance avec les esclavagistes.
Les femmes deviennent des objets sexuels
Dans la réalité, les esclavagistes exercent une emprise sur la société qui leur permet de monopoliser tous les leviers du pouvoir et d’imposer leur choix. L’arsenal juridique reste une chimère qui ne trompe que ceux qui veulent ignorer ces pratiques esclavagistes, abominables crimes qui sont, de facto, protégés.
À l’esclavagisme s’ajoute la traite des hommes et particulièrement des femmes, qui deviennent des objets sexuels, bons à vendre. Ainsi, plus de 200 jeunes femmes mauritaniennes harratines – de la caste des esclaves ou anciens esclaves de Mauritanie- viennent d’être envoyées en Arabie Saoudite, où elles sont séquestrées pour servir d’esclaves domestiques et sexuelles, en violation de toutes les normes internationales.
Ces pratiques odieuses et dégradantes doivent cesser. Les pays qui, comme la France, soutiennent le gouvernement mauritanien, doivent faire pression pour y mettre un terme et pour que la dignité humaine triomphe.
Par Aminetou el Moktar
Présidente de l’ONG AFCF