NOTE D’INFORMATION-Journée Internationale contre la Torture : la torture tue encore en Mauritanie

 

  1. Le contexte

Apres les atrocités de la deuxième guerre mondiale, les gouvernements du monde entier se sont convenus à créer un cadre juridique pour lutter conte la torture. C’est ainsi qu’ils ont adoptés la déclaration universelle des droits de l’homme, qui a consacré un droit fondamental : le droit de chacun d’entre nous, quel que soit l’endroit où il se trouve, de ne pas subir de torture et le droit d’échapper à la cruauté.

La Mauritanie à l’instar de beaucoup de pays est partie à plusieurs instruments régionaux et internationaux prohibant le recours à la torture, notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, Charte africaine des droits de l’hommeet des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Constitution mauritanienne condamne « toute forme de violence morale ou physique ».

Cependant, la Mauritanie n’a pas tenu ses engagements et n’a pas respecté ses obligations en ce sens que la torture est non seulement pratiquée, mais elle a même prospéré. L’ampleur inacceptable de cette pratique révèle le fossé qui existe entre ce que le gouvernement mauritanien a promis et ce qu’elle fait aujourd’hui. Les tortionnaires sont hors la loi et protégés par le pouvoir en place. Ce qui accentue la pratique de la torture et empêche la protection des victimes.

En effet, la prise de pouvoir en Mauritanie par les militaires en 1978 n’a fait qu’empirer la situation des Droits humains dans le pays faisant recourir largement à la torture les forces militaires et de sécurité dans leurs campagnes répétées de répression contre les porteurs de voix discordantes.

Suite au renversement du Colonel président Maouya Ould Taya par un coup d’État militaire et à l’issue d’une transition concertée et consensuelle qui s’est achevée par l’élection en mars 2007 de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi comme président de la République, à l’issue d’un scrutin qualifié de libre et transparent par les observateurs internationaux. Mais, en août 2008, à la suite de dissensions entre le chef de l’État et certains responsables militaires, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est chassé de son poste par le Général Mohamed Ould Abdel Aziz. Après une longue période d’instabilité constitutionnelle, ce dernier démissionne de l’armée en avril 2009 pour se présenter à l’élection présidentielle de juillet 2009. Les résultats du vote, contestés par les principaux partis d’opposition et aussi par la Commission électorale nationale indépendante, ont donné l’ancien Général vainqueur.

Depuis sa nomination à la magistrature suprême, Mohamed O. Abdel Aziz et son régime ne cessent de mener une politique de répression, d’emprisonnement et la pratique de la torture à l’encontre des manifestants des partis politiques et d’autres mouvements qui organisent des rassemblements pour réclamer des réformes économiques, sociales et politiques.

C’est dans ce contexte bien difficile qu’IRA-Mauritanie – organisation non gouvernement qui milite dans le domaine des Droits de l’Homme – entend continuer la lutte contre la torture en Mauritanie parmi d’autres formes graves de violations de Droits humains et à cet effet, rend publique, à l’occasion du 26 juin – la Journée Internationale de solidarité avec les victimes de Torture, la présente note d’information sur la torture en Mauritanie.

  1. La pratique de la torture

L’esclavage, bien qu’ayant officiellement été aboli, persiste en Mauritanie. Les autorités mauritaniennes, en accordant l’impunité totale aux esclavagistes, exposent les nombreuses victimes d’esclavage (environ 600 000 personnes) aux pires formes de torture. Les esclaves subissent des sévices corporels atroces. Les filles, souvent très jeunes, subissent des viols en règle, les enfants garçons et filles, dès l’âge de cinq (5) ans sont soumis à la corvée inévitable quelques soient les conditions (travaux domestiques et champêtres ainsi que la surveillance et le traitement du bétail).

 

Aux côtés des formes de torture liées aux pratiques esclavagistes, il a été héritée des gouvernements dictatoriaux successifs, la torture qui est largement utilisée autant à l’encontre des détenus de droit commun que des personnes arrêtées pour des raisons politiques ou de Droits de l’Homme. Elle est particulièrement utilisée comme méthode d’enquête et de pression sur les défenseurs des droits de l’homme : des cas de tortures et de mauvais traitements sont régulièrement signalés pendant les périodes de gardes à vue, qui peuvent durer quinze jours « en cas de crime ou délit contre la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l’État ».

 

  1. Cas de torture et de traitement inhumain

Quelques cas de torture sont ici présentés afin de démontrer la volonté du système tortionnaire en vigueur en Mauritanie de continuer à couvrir les crimes de torture accordant l’impunité totale aux tortionnaires.

  1. Le cas de Biram DAH ABEID et Brahim BILAL RAMDHANE

Arrêtés, dit-on, pour avoir participé à une caravane dénonçant l’esclavage foncier et les expropriations foncières, les président et vice président d’IRA-Mauritanie ont été privés de sommeil des nuits durant, pour besoins de l’enquête disent les gendarmes, les interrogatoires se déroulent à partir de zéro heures et durent jusqu’à l’aube. Après leur condamnation et leur transfert à la prison d’Aleg (250 km de Nouakchott) les prisonniers ont été détenus dans des conditions si difficiles au point où leurs états de santé se sont détériorés.

Malgré l’alerte donnée par IRA – Mauritanie, les autorités judiciaires et exécutives ont continué à appliquer au Président Biram DAH ABEID une forme de torture inhumaine par le refus de le laisser accéder à une structure de santé appropriée à son cas et ce, pendant plusieurs semaines.

En effet, les militants d’IRA – Mauritanie, dans leurs activités quotidiennes sont confrontés à une répression aveugle de la part des autorités. Quand ils protestent contre la non application de la loi criminalisant l’esclavage mais aussi pour réclamer la libération de leurs camarades emprisonnés, les forces de police et de l’armée les répriment sévèrement et causent parmi eux à chaque marche ou sit in pacifique de nombreux blessés graves. Les camarades Abdellahi Abou Diop, Sabar Elhassen, Ahmed Elkharachi, Hannena M’Boirick, Abdoullah Hamdy fûrent blessés lors de différentes marches et ont dû être hospitalisé pour des traumatismes sérieux et leurs témoignages ont été enregistrés dans le rapport 2016 d’IRA – Mauritanie sur la torture.

  1. Les cas de torture ayant fait mort d’hommes

La torture par les éléments des forces de police ou de l’armée fait régulièrement des victimes en Mauritanie. Certaines victimes, par sévérité des procédés de torture, y ont laissé leur vie. Cette note présente un cas de meurtre par torture pour le quel, malgré sa médiatisation, les auteurs n’ont pas répondu de leurs crimes.

 

Le meurtre par torture d’Abdarahmane DIALLO

Arrêté le 16 juillet 2015 suite à un contrôle d’identité dans une ruelle d’El Mina (Nouakchott), Abdarahmane DIALLO fût détenu pendant trois (3) jours au commissariat El Mina 2 pour défaut de pièce d’identité et face à ses protestations, les policiers n’ont rien trouvé d’autre à faire que de le torturer sévèrement. Dans la soirée du 18 au 19 juillet 2015, ayant constaté chez le détenu des signes de malaise, les policiers l’ont transporté d’urgence à l’Hôpital Sadagha d’Arafat (quartier périphérique de Nouakchott, la capitale) où il a rendu l’âme quelques instants après son admission. Les policiers déclarèrent être étrangers à son état, alors que son corps portait des traces de coups. Le corps est resté à la morgue de cet hôpital pendant trois (3) jours, sa famille, ayant refusé de le récupérer, exigeait la vérité sur les conditions de sa mort, ce dont les autorités ne voulaient pas entendre parler. Devant l’insistance des proches de la victime, le procureur de la République décida d’une autopsie du corps de la victime par un personnel de santé non qualifié pour ce genre d’actes. L’autopsie a été faite dans la hâte et ses auteurs ont conclu d’une mort « naturelle ».

Ainsi, pour le meurtre Abdarahmane DIALLO, aucune enquête n’a été ouverte et les policiers auteurs du crime n’ont aucunement été inquiétés.

 

  1. Recommandations :

A la lumière de ce qui précède et compte tenu de la persistance en Mauritanie de la torture par les éléments des forces de police ou de l’armée avec la complicité des hautes autorités politiques et judiciaires, les recommandations ci-après s’imposent :

 

  • Faire du Mécanisme Nationale contre la Torture un vrai outil de prévention et de veilles contre la torture pour qu’il ne soit pas, ce que la Commission Nationale des Droits de l’Homme est dans la préservation des Droits humains qui consiste tout simplement à couvrir les autorités sur des faits graves de violation de Droits humains.
  • Protéger un subordonné et lui garantir le droit de refuser un ordre émanant de son supérieur qui serait contraire à la Convention contre la torture.
  • Abroger la loi d’amnistie de 1993 qui empêche les tortionnaires, qui ont sévit lors de la tentative de génocide contre les negro mauritaniens durant la période 1986 – 1991, de faire l’objet de procédures pénales engageant leur responsabilité.
  • Réaménager la loi relative à la lutte contre le terrorisme de sorte que soient éliminées ses dispositions qui laissent la porte ouverture à la pratique de la torture sur un présumé auteur d’acte de terrorisme.
  • Prendre des mesures concrètes pour enquêter de manière impartiale et indépendante sur les cas de torture ou mauvais traitements et le cas échéant, veiller à ce que les auteurs soient effectivement poursuivis ; renforcer les mécanismes de plainte mis à la disposition des victimes ; s’assurer qu’elles obtiennent réparation et qu’elles ne fassent pas l’objet de représailles ou d’intimidations.
  • Prendre des mesures efficaces pour que toutes les personnes privées de liberté jouissent, à partir du moment de leur mise en détention, de toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment le droit d’être informé des raisons de l’arrestation, d’être présenté rapidement devant un juge et de contester la légalité de leur détention ; libérer tous les détenus ayant purgé leur peine.
  • Réviser le Code de procédure pénale afin de réduire la durée légale en matière de garde à vue pour la rendre conforme aux standards internationaux et garantir le droit à être jugé sans retard excessif en modifiant les dispositions légales en matière de durée légale de la détention préventive.
  • Garantir l’accès à un avocat dès les premières heures de garde à vue ; garantir l’aide juridictionnelle, en particulier en matière criminelle, dans tous les cas où elle est nécessaire.
  • Améliorer les conditions carcérales et établir un système de surveillance et d’inspection inopinée des lieux de détention.
  • Mettre un terme définitif aux extraditions effectuées en violation de l’article 3 de la Convention contre la torture.
  • Réformer le système judiciaire de telle sorte à garantir son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et établir un mécanisme national de prévention de la torture en conformité avec l’article 3 du Protocole facultatif.