MmeMaty Mint Hamady, Présidente de la CUN(Communauté Urbaine de Nouakchott), ou Responsable d’une autreCUN (Catastrophe pour l’Unité Nationale)
Mme Maty Mint Hamady, présidente de la Communauté Urbaine deNouakchott, multiplie des initiatives pour faire la promotion de la langue arabe dans le pays et à Nouakchott, en particulier. Ce qui, en soi, peut paraitre tout à fait légitime et normal.
Sauf que madame la présidente devait quand-même avoir d’autres priorités, qui ont plus d’incidences dans la vie quotidienne de ses administrés, que des enseignes écrites en arabe sur la devanture des commerces. Dès sa prise de fonction, Mint Hamady avait déjà annoncé la couleur en interdisant à ses collaborateurs de lui adresser des correspondances ou des notes en français.
Mieux, tous les camions de la CUN (Communauté Urbaine de Nouakchott) sont flanqués de l’inscription «El Hadarya» ! Mme Mint Hamady n’est que la représentante d’une catégorie de mauritaniens qui sont obsédés par l’arabité du pays à tout prix, quitte à gommer toutes les autres identités culturelles. Une chimère qui ne s’est pourtant jamais réalisée depuis les indépendances, malgré les offensives sporadiques des tenants d’un chauvinisme dépassé.
Déjà, en son temps, l’ex-Premier Ministre et actuel Ministre Secrétaire Général de la Présidence, M. Moulaye Ould Mohamed Laghdhaf, pourtant francophone et francophile, avait relancé la polémique en déclarant vouloir faire exclusivement de l’arabe une langue de travail et d’échanges au sien de l’administration.
Une déclaration reprise et appuyée par sa ministre de la Culture de l’époque, Mme Mint Boyde, dont la maman est pourtant française et dont le fils unique était inscrit au Lycée Français, qui avait estimé que «les langues nationales sont une menace pour la langue arabe» !
Avant cela, le député Khalil Ould Teyyib – dont les relations obscures avec l’ex-président Khaddafi sont un secret de polichinelle – s’était permis de déchirer, en pleine séance plénière de l’Assemblée Nationale, un document au prétexte qu’il était rédigé en français.
Les prémices de l’exclusion
Le problème relatif aux questions linguistiques en Mauritanie, vient du fait que la politique qui est jusque-là menée est fondée sur des mensonges et des négations identitaires. Il y a peut-être, dans la volonté de faire de la Mauritanie un pays arabe, en dehors des rapports de domination d’une entité sur d’autres, quelque chose de pathologique.
Depuis cinquante six ans, c’est-à-dire depuis la veille des indépendances africaines et jusqu’à nos jours, la question de la place de l’arabe en Mauritanieempoisonne la vie politique, culturelle et sociale du pays. Les constitutions du 22 mars 1959 et du 20 mars 1961 stipulent que la langue nationale est l’arabe et que la langue officielle est le français (article 3 de la Constitution de 1961).
On voit, déjà, qu’à l’aube et aux premières heures de l’indépendance du pays, les autres langues parlées par les populations vivant sur le sol mauritanien sont exclues d’une portée nationale par la Loi fondamentale, car seul l’arabe est considéré comme langue nationale.
Les populations noires auraient dû voir là les habiles premières manœuvres du premier régime en vue de faire de la Mauritanie un pays arabe. Mais le fait que l’arabe soit la langue du Coran, étudié par les couches noires du pays, a peut-être participé à chloroformer les esprits.
Tout acharnement à affirmer son identité doit faire l’objet d’examen
Les Hassan sont des arabes provenant d’Arabie qui ont sillonné de nombreux territoires avant de se poser en Mauritanie entre le XIVème et le XVème siècle. ILS ont fini par dominer les Berbères qu’ils auraient trouvés sur place et à qui ils auraient imposé leur langue.
Des milieux chauvins mauritaniens , pas trop souvent considérés par le monde arabe, ne seraient-ils pas, inconsciemment, dans le besoin de s’affirmer ? Tout acharnement à affirmer son identité doit faire l’objet d’examen.
Comme le disait Wolé Soyinka, «le tigre n’a pas besoin de proclamer sa tigritude, il bondit sur sa proie». Citons également à ce sujet Mme Hindou Mint Ainina, ex-ministre de la Culture, débarquée justement à cause de ses convictions : «à mon humble avis, ce n´est pas en criant notre arabité sur les toits que nous arriverons à nous convaincre que nous sommes arabes.
En fait, ceux parmi nous qui tiennent ce langage donnent l´impression d´un enfant qui arrive tant bien que mal à exprimer ce qu´il croit, mais a besoin de l´approbation de sa mère pour y croire vraiment. Nous paraissons vouloir nous convaincre nous même d´un fait qui a été accompli avant nous».
L’arabité, dans le contexte mauritanien.
Dans ce pays qui joue un rôle tampon entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, ce sujet remet au goût du jour l’obsession de l’arabité, pour laquelle le régime de Maaouiya Ould Taya a sacrifié les Négro-Mauritaniens, qui ont été chassés de leur pays. Au regard de ce douloureux précédent, on se demande pourquoi on cherche de temps en temps à ouvrir cette boîte de Pandore.
Car l’arabité, dans le contexte mauritanien particulièrement, est un concept dangereux qui doit être manipulé avec prudence et doigté, car la frontière avec celui de l’identité nationale est très sensible. Le débat serait facilité, s’il n’y avait pas cette part d’ombre névrotique, s’il y avait moins de passions et un peu plus de clairvoyance. Car il y a les faits. Il y a l’histoire.
La population mauritanienne est composée d’Arabes, de Peules (Pulaars), de Soninkés, de Wolofs … Voilà quelque chose qui est là, qui se pose comme un fait. A partir de là, pour celui qui cherche l’équité, il doit se demander comment toutes ces populations peuvent vivre ensemble dans le respect mutuel.
Pour que des personnes différentes vivent ensemble pacifiquement, il faut que les droits de chacune d’entre elles soient respectés par les autres. Reconnaître l’identité de chaque Mauritanien ne peut être que source d’apaisement, de rapprochement, d’ouverture vers l’autre.
Les Ecoles «El Falah», symbole de la mauvaise foi des chantres de l’arabité
Une preuve vivante que les négro-africains n’ont jamais détesté la langue arabe et de la mauvaise foi des pseudo-chantres de l’arabité, ce sont les Ecoles «El Falah». El Hadj Mahmoud Bâ les fonda en s’inspirant de l’école supérieure saoudienne «Madrasatoul Falah» d’où il était sorti après son pèlerinage à la Mecque et un cursus universitaire complet.
Ce visionnaire fut capable de diffuser ses écoles dans toute la sous-région à partir de la fondation de la première institution de ce type dans son village natal de Djéol, en 1939 ! Pourtant, à une ou deux exceptions près, les centaines de cadres – tous négro-africains – qui sont sortis de cette école et ont pu poursuivre des études supérieures, pour la plupart en Egypte, ont été contraints de devenir tous enseignants, même ceux qui avaient des diplômes en agronomie, administration ou autres.
Aujourd’hui, il n’y a aucune reconnaissance symbolique de cette institution qui, pourtant a joué un rôle plus que prépondérant dans l’épanouissement de la langue arabe en Mauritanie et partout en Afrique de l’Ouest. Au même moment on est entrain de glorifier certains Mahadhras sorties de nulle part et dont l’apport n’est en rien comparable à l’œuvre de feu El Hadj Mahmoud Bâ.
En fait, comme l’a souligné le professeur Lô Gourmo, l’objectif des pseudo-défenseurs de la langue arabe est de la transformer en un «instrument d’oppression et de discrimination et comme objet culte de la dévalorisation culturelle et de l’abaissement des autres langues nationales et de leurs locuteurs». Et, ce faisant, Mme Mint Hamady, ne sera pas seulement présidente de la CUN (Communauté Urbaine de Nouakchott), mais en plus responsable d’une autre CUN (Catastrophe pour l’Unité Nationale).
Sikhousso