Ban Ki Moon à Nouakchott : Finalement, qu’est venu chercher le patron des l’ONU à Nouakchott ?

Ban Ki Moon à Nouakchott : Finalement, qu’est venu chercher le patron des l’ONU à Nouakchott ?  La visite du Secrétaire général de l’ONUBan Ki-Moon en Mauritanie, la première du genre, n’a finalement pas apporté les résultats escomptés par une grande partie des acteurs politiques et de la société civile.

Bousculé par un agenda serré circonscrit à la question du Sahara Occidental, l’hôte a limité ses rencontres aux cercles officiels du pouvoir, mis à part quelques apartés réservés à des représentants de la société civile triés sur le volet. 

Finalement, nombreux sont ceux qui se sont demandés « ce que Ban Ki-Moonétait venu faire en Mauritanie ». Étudier de près la position mauritanienne sur la question du Sahara ? Certainement… La position mauritanienne par rapport au dossier du Sahara Occidental, basée sur une traditionnelle neutralité, a en effet toujours fluctué au gré des rapports souvent amicaux, parfois tumultueux, avec ses deux puissants voisins, l’Algérie et le Maroc, eux-mêmes profondément divisés sur la question.

Le rôle de Nouakchott dans ce conflit vieux de quarante ans est devenu même un peu plus compliqué. L’Algérie qui s’est érigé en protecteur des intérêts des Saharouis pour la quête d’une indépendance, « traîne les pieds » dans ses relations militaires et sécuritaires avec la Mauritanie à qui elle reprocherait sa participation à la grande manœuvre militaire organisée par l’Arabie Saoudite en vue sans doute d’une intervention terrestre en Syrie.

Le Maroc pour sa part vit une crise diplomatique avec la Mauritanie qui ne dispose pas d’ambassadeur depuis plus de trois ans à Rabat. Et pourtant, pourBan Ki-Moon, il est « important pour la Mauritanie de faire avancer la situation auSahara Occidental ». Mais comment ? C’est la question à laquelle les autorités mauritaniennes devaient sans doute répondre.

N’empêche, Ban ki-Moon au cours de son séjour à Nouakchott a courtisé laMauritanie, allant jusqu’à citer le travail, selon lui remarquable, « de trois de ses ressortissants au sein de l’instance onusienne ». Il s’agit en particulier de son ancien Envoyé spécial en Somalie et au Soudan, Ahmedou Ould Abdallahi, mais aussi de son nouveau Sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, El Ghassim Wane, et de son Envoyé spécial au Yémen, Ismaël Ould Cheikh Ahmed. 

Mais malgré un discours taillé sur mesure, selon certains observateurs, qui y soupçonnent la main du Protocole d’Etat, tellement il se confond avec le discours officiel, Ban Ki-Moon a surpris tout le monde lors de son passage au Palais des Congrès de Nouakchott

Alors qu’en toute apparence, les deux langues autorisées étaient l’Arabe et l’Anglais, il commencera et conclura son speech en Français. Ainsi, si Ban Ki-Moon a loué les avancées démocratiques réalisées en Mauritanie ainsi que les progrès dans la lutte contre l’esclavage, il fallait des loupes pour lire entre les lignes. 

Ce qui pourrait amener à comprendre que son appréciation « sur les progrès en matière de lutte contre l’esclavage »’ n’oblitèrent pas l’obligation de la Mauritanieà « veiller de toute urgence à ce que ses lois sur l’esclavage soient appliquées effectivement et pleinement » car selon lui, « l’esclavage est une pratique abominable qui n’a pas sa place au 21ème siècle ». 

Dur pour un gouvernement qui a toujours nié l’existence du phénomène dans le discours officiel mais qui le combat sur le plan juridique et institutionnel. Idem pour la crise politique latente qui sévit en Mauritanie et qui vient en apposition tacite à sa reconnaissance par tact diplomatique des « avancés en matière démocratique ». 

Sinon, son clin d’œil sur « la volonté manifestée par le gouvernement d’engager un dialogue politique avec toutes les parties prenantes » marque sa prise de conscience par rapport à la crise qui sévit en Mauritanie

En attesterait autrement, son insistance auprès du gouvernement mauritanien qui selon lui « doit comprendre que la société civile peut être un précieux partenaire » notamment dans le domaine de la protection des droits de l’homme les plus élémentaires, de la liberté d’expression et du droit de réunion.

Même si Ban Ki-Moon devait se plier au Protocole d’Etat qui semblait avoir choisi de l’éloigner de la presse indépendante à laquelle il n’a accordé ni interview ni conférence de presse, se sont insurgés certains journalistes, beaucoup pensent qu’il lui était loisible de jeter un coup d’œil sur le côté cour de la Mauritanie, par delà le côté jardin dans lequel les autorités l’avaient confiné. 

Le mouvement IRA (Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste), et plusieurs autres voix discordantes de la société civile mauritanienne n’ont pas été reçus ou entendus par le Secrétaire général de l’ONU. Mais les observateurs croient que leurs revendications, portées par d’autres canaux et à d’autres occasions, seraient parvenues à l’hôte, sans qu’il ait eu besoin de les rencontrer physiquement. 

« Il ne peut pas ignorer que le président Birame Dah Abeid, Prix des Nations Unies 2013 et son adjoint Brahim Bilal Ramadan croupissent injustement en prison pour avoir dénoncé l’esclavage agricole » soutien Hamady Lehbouss, chargé de communication du mouvement.

« Nous savions d’avance qu’il ne nous sera pas permis de nous rapprocher deBan Ki-Moon durant sa visite en Mauritanie, mais nos deux sit-in, devant le siège des Nations Unies à Nouakchott et devant le Palais des Congrès, ainsi que les répressions qui les ont accompagnées ne passeront pas inaperçues »
 a-t-il ajouté.

De son côté, le Fonadh a publié une note intitulée « Pour une Mauritanie unie, fraternelle et démocratique » dans laquelle ce forum qui regroupe plus d’une vingtaine d’ONG de défense des droits de l’homme, a exhorté les Nations Uniesà aider la Mauritanie à résoudre les nombreux défis auxquels elle est confrontée.

Yahya Ould Hademine : « La Mauritanie , un État de droit » 

Le Premier ministre, Yahya Ould Hademine, lors de son discours devant le Secrétaire général de l’ONUBan Ki-Moon, vendredi 4 mars 2016, en présence de la société civile au Palais des Congrès de Nouakchott, a mis l’accent sur les efforts déployés par la Mauritanie dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.

Cette approche repose selon lui, sur le fait que la « Mauritanie, État de droit » , a réalisé des pas de géant dans la bonne gouvernance, réussissant à réaliser un climat propice à la liberté d’expression, la promotion de la société civile, l’enracinement de la démocratie et des valeurs de solidarité et de cohésion sociale, ainsi que la protection des droits humains. 

Elle est basée également, soulignera-t-il en substance, sur la prévention de la radicalisation de la jeunesse et son autonomisation, sur l’amélioration de l’éducation, la vulgarisation de la culture de la paix et de la modération, « véritable message de l’Islam » dira-t-il, en passant par l’éradication de la pauvreté et du chômage.

Cette approche corrélative entre développement et sécurité serait ainsi selon le Premier ministre, au cœur de la création du G 5 Sahel dont le siège se trouve àNouakchott et qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et leTchad.

Il dira que la lutte au Sahel contre le terrorisme repose sur les échanges d’informations, l’interaction régionale et internationale, le renforcement de la performance des troupes et l’amélioration de l’équipement militaire.

Ces efforts ont permis à la Mauritanie, d’après le Premier ministre, de sécuriser ses frontières, de démanteler plusieurs cellules dormantes et de faire avorter plusieurs opérations qui menaçaient sa sécurité et celle des pays voisins. S’inscrirait dans le même cadre, le « Processus de Nouakchott » en synergie entre la Mauritanie et l’Union africaine et qui regroupe 11 pays.

Enfin, Yahya Ould Hademie a mis en exergue le rôle diplomatique joué par laMauritanie dans de nombreux conflits en Afrique, notamment le voyage effectué le 23 mai 2014 par le président Mohamed Abdel Aziz à Kidal et qui avait permis la signature d’un cessez-le-feu entre les mouvements armés et le gouvernement malien. 

Il a cité le rôle de cette diplomatie dans le conflit en Côte d’Ivoire et plus récemment au Burdundi, mais aussi la présence de plusieurs contingents mauritaniens dans les missions de paix sous commandement de l’ONU en Côte d’Ivoire, en Centrafrique et au Soudan


Le Fonadh lance un appel à l’ONU

« L’organisation des Nations Unies dont la mission première est de travailler pour la promotion de la paix, des droits de l’homme et du développement se doit d’accompagner la Mauritanie dans cette lutte contre les défis de l’heure. C’est à ce seul prix que la Mauritanie pourra préserver la relative paix sociale qui y règne et demeurer un havre de paix indispensable pour tout développement, dans un contexte régional des plus menacés ».

C’est en ces termes que 28 ONG des droits de l’homme, membres du Forum national des droits de l’homme (Fonadh) ont signé une lettre intitulée « Pour uneMauritanie unie, fraternelle et démocratique », et dans laquelle elles ont interpelér le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon lors de sa visite enMauritanie.

Parmi ses problèmes, les tensions intercommunautaires, conséquences d’une gestion désastreuse par l’état des rapports inter-sociaux, marqués par les répressions et les déportations contre la communauté négro-africaine dans les années de braise et la perpétuation des pratiques esclavagistes.

Le Fonadh reconnaît certes des progrès en matière d’Etat de droit en Mauritanie, mais trouve que des insuffisances persistent dans le domaine de la justice sociale et la répartition équitable des richesses nationales, dans le domaine de la lutte contre l’esclavage, celui des terres de culture et les spoliations qui frappent les terres rurales et qui font fi du droit foncier traditionnel. 

D’où l’appel lancé à l’ONU pour aider la Mauritanie à prendre en charge le règlement définitif de la question du passif humanitaire et du problème des déportés, non entièrement réglé selon le Fonadh, citant les milliers de Mauritaniens encore suspendus au Mali et au Sénégal et qui ne demandent qu’à regagner leur pays dans la dignité.

Le Fonadh a aussi cité l’absence de cadre de concertation entre l’Etat et la société civile d’une part et entre les différents partis politiques d’autre part. L’accent a aussi été mis sur le renforcement des libertés d’expression, de réunion et d’association, soulignant que la société civile continue de fonctionner sous le régime des autorisations, donc selon le bon vouloir des autorités.

Les ONG signataires considèrent encore insuffisante la place donnée à la femme ainsi que celle donnée aux langues nationales, citant les disparité de chance dans l’accès à l’éducation, ainsi que la marginalisation des personnes handicapées.

Cheikh Aïdara
Source : L’Authentique (Mauritanie)