La justice mauritanienne a inculpé et écroué pour « pratiques esclavagistes » deux hommes qui faisaient travailler deux femmes et leurs enfants, à la suite de la création de tribunaux spécialisés dans la répression de l’esclavage, a annoncé jeudi l’ONG SOS Esclaves
« Les deux maîtres ont été déposés en prison » la semaine dernière à Néma (sud-est), assure dans un communiqué l’ONG, qui s’en félicite mais y voit la confirmation de « l’existence de l’esclavage dans le pays, surtout en milieu rural », malgré les démentis officiels.
L’information a été confirmée à l’AFP de source judiciaire, mais aucune date n’a encore été retenue pour le procès des deux suspects. Les deux prévenus« avaient été d’abord placés sous contrôle judiciaire et libérés par un juge d’instruction, mais une cour d’appel a annulé la décision et mis les deux maîtres en prison », selon le communiqué.
SOS Esclaves déplore « le comportement de ce juge qui a manoeuvré pour permettre à des esclavagistes accablés par les preuves matérielles de ne pas répondre d’actes clairement qualifiés par la loi de crime contre l’humanité ».
Elle dénonce également « des formules de conciliation dans une affaire aussi grave que l’esclavage accordant aux victimes des sommes modiques et permettant aux esclavagistes d’échapper à la sanction pénale prévue », menées sous supervision judiciaire.
La Mauritanie vient de créer trois tribunaux spécialisés dans les affaires d’esclavage dont un à Néma, chef-lieu de la région du Hodh al-Charghi où les esclavagistes présumés viennent d’être écroués.
En annonçant récemment la création de ces tribunaux, dont les juges ont pris leurs fonctions la semaine dernière, le ministre de la Justice Brahim Ould Daddah a affirmé que l’esclavage traditionnel n’existait plus en Mauritanie, mais que l’Etat était déterminé à en combattre les séquelles.
Une nouvelle loi votée par le Parlement le 11 août, remplaçant un texte de 2007 qui criminalisait cette pratique, fait désormais de l’esclavage un « crime contre l’humanité ». Les peines maximales passent à 20 ans de prison ferme assorties d’amendes, contre cinq à dix ans auparavant.
Officiellement, l’esclavage a été aboli en 1981 dans ce pays de 3,8 millions d’habitants d’origine arabo-berbère – les Maures – et d’Afrique subsaharienne – les Négro-Africains.
Mais le phénomène persiste, selon des ONG, notamment sous la forme de cession gratuite par les descendants d’esclaves d’une partie de leur récolte à leurs maîtres traditionnels.