La Cour d’appel d’Aleg a confirmé une peine de deux ans de prison à l’encontre des militants anti-esclavagistes MM. Biram Dah Abeid, Brahim Bilal Ramadane et Djiby Sowpour « rébellion » et « manquement à l’autorité publique ». Ils avaient été arrêtés en novembre 2014 pour avoir mené une campagne dénonçant l’esclavage foncier dans le sud du pays, et condamnés en janvier 2015.
La confirmation de ce verdict démontre que les libertés fondamentales des défenseurs des droits humains sont bafouées et témoigne du manque patent d’indépendance du système judiciaire en Mauritanie, a déclaré aujourd’hui l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme.
Le 20 août 2015, s’est tenu à Aleg le procès en appel de figures éminentes du mouvement pour l’abolition de l’esclavage en Mauritanie, MM. Biram Dah Abeid, Brahim Bilal Ramadane et Djiby Sow, respectivement président et vice-président de l’Initiative pour la Résurgence de l’Abolitionnisme (IRA) et président de l’ONGKawtal Ngam Yellitaare (Kawtal). M. Dah Abeid est lauréat du Prix des Droits de l’Homme des Nations unies en 2013 et a été nominé pour recevoir le Prix Nobel de la Paix 2015.
En janvier 2015, ils avaient été condamnés à deux ans de prison par la Cour Correctionnelle de Rosso pour « appartenance à une organisation non reconnue » et « rassemblement non autorisé ».
La peine a été confirmée hier, alors que le collectif des avocats constitués en leur faveur et présidé par Me Brahim Ould Ebetty, avait annoncé qu’il boycotterait le procès. M. Ould Ebetty a expliqué que ses clients auraient dû être jugés par la Cour d’appel de Nouackchott, mais que le procureur avait obtenu son dessaisissement en faveur de la Cour d’appel d’Aleg sans motif valable. Selon lui, le but de cette manipulation était d’isoler les militants de leurs soutiens et de minimiser la visibilité du procès.
« Comment le gouvernement mauritanien peut-il à la fois encourager le durcissement de la loi contre l’esclavage, considéré depuis le 13 août 2015 comme un crime contre l’humanité, et arrêter et traduire en justice des militants pacifiques anti-esclavagistes ? Nos organisations condamnent fermement cette décision de la justice mauritanienne qui revêt un caractère éminemment politique et laisse présager l’absence de volonté politique de mettre en œuvre la nouvelle loi »,a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.
Le Parlement mauritanien a en effet adopté le 13 août dernier un nouveau cadre juridique contre l’esclavage qui inclut dix nouvelles formes d’esclavage, durcit les sanctions à l’encontre d’auteurs de pratiques esclavagistes et met en place des juridictions spécialisées compétentes pour juger les crimes d’esclavages. Avant l’approbation de cet amendement, la loi qui était en vigueur depuis 2007 définissait de façon restrictive l’esclavage, considéré uniquement comme une « privation de liberté » ou un « travail sans salaire ».
Le 7 novembre 2014, les trois militants avaient participé au lancement d’une caravane, à l’initiative de plusieurs associations de défense des droits humain, dont l’IRA et Kawtal.Cette caravane devait sillonner le pays afin de dénoncer l’esclavage foncier dont sont victimes les membres de la communauté Haratine et les expropriations des populations noires de la vallée du fleuve Sénégal. Un total de neuf militants avaient alors été arrêtés. MM. Bilal Ramadane et Dah Abeid, qui souffre de problèmes de santé, sont actuellement en détention, alors queDjiby Sow bénéficie d’une liberté provisoire pour raisons médicales.
« Le jugement condamnant à deux ans de prison les trois militants anti-esclavagistes est un exemple du harcèlement, y compris judiciaire, dont souffrent les défenseurs des droits humains et la société civile en Mauritanie. Le pouvoir se trompe de cible : ce sont les esclavagistes qu’il faut poursuivre et punir et non pas les activistes abolitionnistes ! », a ajouté Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.
Paris-Genève, le 27 août 2015
Source : FIDH