La situation des prisons en Mauritanie : Les zéro étoile et les « 5 étoiles » !

La situation des prisons en Mauritanie : Les zéro étoile et les « 5 étoiles » ! En Mauritanie, les prisonniers ne sont pas logés à la même enseigne. Il n’y en a qui vivent dans des « hôtels 5 étoile », et d’autres qui vivent dans des bagnes du Moyen-âge.

Selon l’Observatoire mauritanien des droits de l’homme et d’anciens membres de la Commission nationale des droits de l’homme, les pires prisons en Mauritanie, sont celle de Dar-Naïm à Nouakchott et celle de Néma au Hodh Charghi. La premières est devenue une Université de la délinquance et l’autre une horreur à l’échelle du droit international. 
Dans un témoignage qu’il vient de publier, l’Observatoire mauritanien des droits de l’homme (OMDH) rapporte une récente visite qu’il vient d’effectuer à la prison civile de Nouakchott. Ce fut pour ses représentants l’occasion de s’informer sur les conditions de vie des pensionnaires et de discuter avec certains d’entre eux. 

Selon le témoignage de deux prisonniers, Ahmed Hadrami et Mohamed Lemine Ould MBalla, la situation au sein de la prison se serait beaucoup améliorée depuis les derniers incidents de février 2015, lorsqu’un groupe de condamnés salafistes prit en otage un des gardes pénitenciers pour réclamer la libération de quatre de leurs compagnons qui avaient purgé leur peine. Seulement, les deux prisonniers affirment que la situation au sein du centre a besoin d’améliorations.

Conçu comme une école de redressement dont la mission est de préparer les détenus à une meilleure insertion dans la société, les centres de détention enMauritanie selon l’OMDH, d’après les témoignages des prisonniers, remplissent un rôle plutôt négatif et nuisible. 

Ils ne préparent ni à la réinsertion sociale, ni à une révision des comportements antisociaux, mais se sont transformés en université d’où sortent des criminels de plus en plus endurcis.

La promiscuité dans les prisons et le mélange de genre qui fait cohabiter dans un même environnement prisonniers de droits communs et d’autres criminels auraient entraîné d’une manière terrible, selon l’OMDH, la libre circulation de la drogue dans les prisons, les viols répétitifs entre prisonniers, au vu et au su de l’administration pénitentiaire et de la garde chargée de la surveillance de ces hauts lieux de la délinquance.

Pire serait encore la présence de mineurs au milieu d’adultes, souvent de grands criminels, qui les utilisent comme des esclaves sexuels. Ajouté à cela, selon Ahmed Hadrami, la faible couverture médicale et nutritionnelle qui vient compléter le tableau de désuétude complète qui est la marque indélébile des prisons en Mauritanie.

Parmi les prisonniers, certains souffrent de cancer de sang dûment attesté par les médecins, mais l’administration pénitentiaire ne fait rien pour ses soins, malgré les demandes répétées de leurs avocats et la supplication lancinante de leurs familles ainsi que les avertissements du corps médical sur le risque encouru par ces prisonniers malades sur leur vie.

Au vu de tout ce qui précède, l’OMDH a exhorté le ministère de la Justice à prendre ses responsabilités en respectant d’abord la capacité d’accueil des prisons, et en initiant des programmes de formation et de réinsertion au sein des prisons. 

A sa sortie, selon l’OMDH, le prisonnier doit disposer d’un métier pour vivre et retrouver sa place au sein de la société. L’observatoire exige également la présence d’une couverture médicale au sein des centres de détention et une nourriture équilibrée pour ses pensionnaires. 

Il a aussi exigé la libération immédiate du prisonnier Ahmed Hadrami qui souffre d’une maladie chronique pour lui permettre de se soigner et de préserver sa vie. Un nouveau dialogue avec les prisonniers salafistes a été aussi requis afin de leur donner une seconde chance de rompre avec l’idéologie radicale dont ils ont été inculqués et leur permettre de repartir sur de nouvelles bases, surtout qu’ils seraient majoritairement encore à la fleur de l’âge.

Enfin, l’OMDH a exhorté les organisations des droits de l’homme à exercer leur mission de contrôle pour améliorer la culture des droits de l’homme et mettre fin aux multiples violations dont ils sont l’objet.

Et pourtant, la prison civile que l’OMDH vient de visiter est perçu, par rapport aux autres prisons en Mauritanie, comme un hôtel 5 étoiles. Ses pensionnaires sont des salafistes, des cadres accusés de détournement de derniers publics, et quelques privilégiés. 

Ils disposent d’un cadre de vie plus décent, avec un nombre réduit de prisonniers dans des chambres tapissés, avec chacun son lit, sa moustiquaire, ses affaires personnelles et souvent, des repas venant de leurs familles, sans compter, la disponibilité de l’eau, ce qui signifie la possibilité de prendre un bain à tout moment, en plus d’autres commodités, comme le téléphone, le téléviseur, le portable informatique, etc.

De temps en temps, de véritables festins à l’intention de riches prisonniers, commerçants, hauts cadres, sont organisés par les familles. A l’opposé, la prison de Dar Naïm serait l’un des pires centres de détention du pays. Les prisonniers sont divisés entre deux grands bâtiments, l’Aile A et l’Aile B.

Il s’agirait d’énormes hangars où s’entassent des centaines de prisonniers totalement livrés à la loi des caïds. Dans une des ailes, où se côtoient, petits voleurs et criminels endurcis, criminels multirécidivistes, violeurs en série, et toute une faune de malfaiteurs, tout nouveau pensionnaire y subirait le viol systématique et le chantage financier.

Ses prisonniers ne disposent pas d’eau pour se laver et doivent se contenter d’un trou, creusé dans un coin du bâtiment pour faire leurs besoins. Ici, le manque d’hygiène y a installé une puanteur qui déborde. Pas de promenade en plein air, pas de soleil et pas de bain. La ration alimentaire est des plus miséreuses et les plus faibles ne mangent jamais à leur faim.

Il y aurait pire, les prisons de l’intérieur du pays, à Kaédi, Sélibaby, Kiffa, Aïoun,mais surtout Néma, à l’extrême Est du pays, où les prisonniers intraitables sont encore enchaînés au fer comme dans l’antiquité.

La-bas, le traitement reservé aux prisonniers indisciplinés est atroce : isolement dans une cour sans électricité, privation en repas, enchaînement des pieds…  Loin de l’administration centrale de Nouakchott, ses prisons ne répondraient à aucune norme internationale et reçoivraient rarement des visites d’inspection.

Les pensionnaires des prisons de l’intérieur vivent des situations carcérales inhumaines, dignes du règne animal, selon de nombreux témoignages. En l’absence de prisons et de Brigades pour Mineurs, qui n’existent exclusivement qu’à Nouakchott, les délinquants mineurs y subiraient les pires sévices. 

Aussi, l’UNICEF, à travers son partenaire d’exécution, Terre des Hommes Lausanne, a demandé aux autorités mauritaniennes de créer des structures pour Mineurs dans toutes les régions du pays, notamment des Brigades destinées à cette frange vulnérable de la société. 

Il s’agit aussi de multiplier le nombre d’assistantes sociales dans le pays, car il est paradoxal, selon les experts de l’enfance, que dans un pays comme laMauritanie, il ne puisse exister que deux assistantes sociales recrutées par l’Etat ! La formation des policiers, des magistrats et des auxiliaires de justice dans la problématique des Mineurs en conflit avec la loi constitue également une demande maint fois formulée par les partenaires au développement comme l’UNICEF.

Cheikh Aïdara
Source : L’Authentique (Mauritanie)