« Dieu ne peut nous donner une charia qui contredit notre raison » Ibn Rochd (Averroès)
Oui, oui, je vois…Vous êtes précipités ici pour voir si le prof n’a pas fumé la moquette…depuis le temps qu’il guerroie les moulins à vent.
Un titre pareil, inconcevable ? SI …Si !
Je vois d’ailleurs les barbus (et autres pilosités) qui se précipitent ici, pour lire cet article. Sacrilège ! Confondre la femme avec l’homme ! Quelle indignité. Et, déjà, ils se disent : tient encore un autre article de ce maudit prof pour semer la zizanie dans les esprits des bigot(e)s mauritanien(ne)s!
Pas si loin de la vérité.
Eh bien non, il ne s’agit pas d’un article sur le sexe des anges, ni d’une polémique sur la sempiternelle discussion sur le « sexe faible » des misogynes et du « sexe fort » des phallocrates. Alors barbus, bigots, misogynes et phallocrates, circulez, il n’y a rien à voir…. A moins que vous n’ayez pu voir que dans le titre de cet article, le nom commun « femme » est en minuscule et que l’initiale du nom commun « Homme » est en majuscule.
L’homme ou la femme respectivement, avec un h minuscule, et f minuscule fait référence à une personne de sexe masculin ou de sexe féminin parmi d’autres hommes et d’autres femmes.
En science, on met une majuscule à « homme » lorsque celui-ci désigne l’ensemble du genre Homo, mammifère de l’ordre des Primates. Ainsi avec un H majuscule « Homme » renvoie, dans son ensemble, hommes et femmes confondus. C’est à -dire à l’être humain. L’Homme, le genre humain, l’humanité. Dans la stylistique on appelle cela l’antonomase inverse.
Tout comme l’homme, dans son acceptation restrictive au genre masculin, n’est à confondre avec Homme, dans son sens de genre humain, on ne confond pas par exemple « état » (situation d’un être ou d’une chose) avec « Etat », collectivité nationale.
C’est autant dire que poser la question « la femme mauritanienne est-elle un Homme ? », aurait pu porter à la fois une charge de ridicule pour celui qui la pose (merci à moi-même) et une insulte pour celui qui la lit (merci pour sa dignité) … Mais entraine-t-elle vraiment le ridicule et l’indignation chez tout le monde, …eh bien non, hélas !v Lorsque l’on constate un lever de bouclier d’une masse de personnes brandissant leur chromosomes X-Y contre d’autres personnes de chromosomes X-X, contre la loi EL Karama, on se demande si ce pays a un avenir même génétique.
La religion ne saurait contredire la raison. Comme l’a si bien dit Ibn Rochd : « Dieu ne peut nous donner une charia qui contredit notre raison ». Dieu décide de la génétique mais il n’a jamais décidé que la femme soit un être inférieur à l’homme, qu’il l’exploite ou qu’il la violente.
Si le Paradis est sacré et si, comme l’a dit notre saint prophète, ce paradis est sous le talon d’une femme en l’occurrence, la Mère, alors si l’homme veut aller au paradis, il doit se courber …se courber et encore se courber devant la femme. Et se courber tellement bas qu’il doit littéralement s’aplatir, sinon s’écraser, sous son talon.
Cette supériorité spirituelle que Dieu a donné à la mère, c’est-à-dire à toute celle qui conçoit un être ou qui le prépare à enter dans la vie, ne nous interpelle-t-elle pas sur ce que tout homme doit à la femme ?
Mais que contestent donc ces bigots mauritaniens à cette nouvelle loi ?
La voici résumée, cette fameuse loi pour saisir l’immense hypocrisie de ceux qui la rejettent.
Le projet de loi relatif à la lutte contre les violences à l’égard des femmes et des filles comporte plusieurs dispositions visant à prévenir, réparer et réprimer les actes de violence. Voici un résumé clair et succinct de ses principaux points :
Les Dispositions générales
– Objet : Prévenir les violences contre les femmes et les filles, établir des procédures légales de protection et réprimer les auteurs.
– Définitions : Précise les termes tels que violence, viol, harcèlement sexuel, inceste, époux, victime.
– Imprescriptibilité : Les infractions qualifiées de crimes sont imprescriptibles.
– Circonstances aggravantes : Les circonstances aggravantes incluent le statut d’éducateur, les liens d’autorité, la commission en groupe, la vulnérabilité de la victime, etc.
– Peine minimale : La peine privative de liberté ne peut être inférieure au seuil minimum légal.
– Réparation civile : Les actes de violence engagent la responsabilité civile de l’auteur, indépendamment de la qualification pénale.
La Prévention :
– Détection précoce : Mise en place de mécanismes de détection des violences.
– Stratégie nationale : Adoption d’une stratégie multisectorielle de prévention et de lutte, incluant des programmes de sensibilisation.
– Suivi des condamnés : Mise en œuvre de programmes spécifiques pour les condamnés.
La Protection des victimes :
– Prise en charge des soins médicaux par l’État.
– Accompagnement des victimes tout au long de la procédure judiciaire.
– Protection des données personnelles et des témoins.
– Information et assistance pluridisciplinaire aux victimes.
– Prise en charge spécifique des femmes et filles handicapées.
La Répression :
– Sanctions renforcées pour les crimes tels que le viol, l’inceste, le harcèlement sexuel, la mutilation génitale, la séquestration, les coups et blessures, etc. – Interdiction de séjour pour les condamnés des infractions graves.
La Procédure :
– Obligation de dénonciation des situations de violence.
– Intervention diligente des autorités judiciaires.
– Désignation d’un juge spécialisé.
– Mesures de protection en cas de risque.
– Aide judiciaire automatique pour les victimes.
– Audiences à huis clos pour les agressions sexuelles.
En résumé, voici une loi, (encore hélas, en projet et qui sera probablement amputée de l’essentiel de ses articles en passant devant le pseudo-législateur mauritanien) ; qui vise à prévenir les violences, protéger les victimes, réprimer les auteurs, et garantir une procédure judiciaire adaptée.
Or ce que veulent ces obscurantistes, c’est l’impunité, c’est la volonté de continuer à perpétuer un dogmatisme théo-masochiste pour asservir et violenter sans crainte la femme. D’ailleurs l’Etat mauritanien n’en est pas moins bigot, puisqu’il a ratifié le 10 mai 2001, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979.
Mais comme le bigotisme est une dévotion étroite et excessive, dans sa définition propre, alors l’Etat mauritanien a émis deux réserves sur deux articles de cette convention.
C’est-à-dire appliquer toute la convention qui du fait de sa ratification est appliquée en droit interne, national, mauritanien, sauf ces deux articles. Soit l’article 13 en son alinéa A et l’article 16 de ladite convention.
Je vous laisse juger de leur teneur pour comprendre que le vrai problème en Mauritanie, n’est pas de rechercher la justice, l’égalité des droits et mais la mentalité rétrograde et moyen-âgeuse qui mine toute la gouvernance du pays.
Et l’Etat, tout comme le poisson, pourrissant toujours par la tête, finit par entrainer avec lui les têtards qu’il a élevé à son image, voici les deux articles que refuse de ratifier la Mauritanie.
Article 13 (alinéa a)
Les Etats parties s’engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans d’autres domaines de la vie économique et sociale, afin d’assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, les mêmes droits et, en particulier
a) Le droit aux prestations familiales ;
Article 16
1. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurent, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme :
a) Le même droit de contracter mariage ;
b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement ;
c) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution ;
d) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants ; dans tous les cas, l’intérêt des enfants est la considération primordiale ;
e) Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des naissances et d’avoir accès aux informations, à l’éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ces droits ;
f) Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption des enfants, ou d’institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale ; dans tous les cas, l’intérêt des enfants est la considération primordiale ;
g) Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne le choix du nom de famille, d’une profession et d’une occupation ;
h) Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux.
2. Les fiançailles et les mariages d’enfants n’ont pas d’effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, sont prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l’inscription du mariage sur un registre officiel. »
Un Etat qui fait des réserves sur de tels articles, peut-il prétendre garantir les droits de la femme, même s’il votait toutes les lois internes, qui seront comme celle-ci toutes violées dans l’impunité totale ?
Et en Février 2023, à Genève, la rapporteuse pour l’examen du rapport de la Mauritanie au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a souligné que : « les réserves que la Mauritanie maintient à l’égard des articles 13a et 16 de la Convention semblent être en contradiction directe avec les réformes juridiques et avec la stratégie nationale de prospérité partagée visant à promouvoir une forte croissance inclusive, a souligné la rapporteuse.
Le mariage précoce ou forcé, ainsi que les dispositions sur les « filles incapables » permettant aux filles mineures d’être données en mariage par un tuteur, aggravent la discrimination et la vulnérabilité des victimes.»
Elle a ainsi « exhorté la Mauritanie à respecter ses obligations en vertu de la Convention et à mettre en œuvre ces [deux] articles comme première étape essentielle pour libérer potentiel des femmes et des filles mauritaniennes. » Voici ce que la délégation mauritanienne a répondu :
« Si les réserves aux articles 13a et 16 de la Convention sont maintenus, une loi interdite en revanche les mutilations génitales féminines, a poursuivi la délégation. » …alors qu’aucun des deux articles (13a et 16) ne traite des mutilations génitales féminines !
Comme quoi le ridicule ne tuant pas, comment voulez-vous qu’une voix soit entendue lorsque l’ignorance habite des hommes (avec un « h » minuscule) qui pensent que la femme n’est pas un être qui serait leur égal, mais un être au service de leurs obscurs desseins pour une société qu’ils veulent à leur image.
Aussi, s’il ne fait pas de doute que cette loi, aujourd’hui ballotée entre les institutions, serait un grand pas vers une société juste et égalitaire entre deux êtres sans lesquels elle n’existerait pas, il reste que ce n’est pas le droit qui fait la société, mais les valeurs qu’elle véhicule et qu’elle traduit en normes appliquées.
Or la société mauritanienne d’aujourd’hui est bien loin de la norme éclairée et bien plus proche de l’esprit bigotement grégaire.
En définitive, si la femme, cet être humain, est sans aucun doute un Homme, certains hommes l’empêchant de l’être, ne comprennent pas qu’ils s‘empêchent eux-mêmes d’être humain. Ecrivant, sans le savoir, la femme avec un F majuscule. Et c’est, sine causa, ce qu’ils craignent de cette loi.
Source : Pr. ELY Mustapha