Le 27 novembre dernier, à l’approche du verdict de son procès pour corruption, l’ancien président de la République, Monsieur Mohamed Ould Abdelaziz, saisissant l’opportunité offerte par le tribunal pour faire une dernière déclaration, a indiqué vouloir « enfin, éclairer la lanterne des avocats de l’État sur leur lancinante question relative à l’origine de ses biens ». Il a révélé que 70% de ses biens proviennent d’une seule et unique source, à savoir l’actuel Président de la République, Monsieur Mohamed Ould El-Ghazouani. À l’appui de cette déclaration, il précise que l’actuel Président lui aurait rendu visite le soir du 2 août 2019, lui remettant deux valises : l’une de couleur blanche contenant 5,5 millions de dollars et l’autre de couleur grise contenant 5 millions d’euros. Face à sa réticence, ce dernier l’aurait encouragé à prendre cette somme, précisant qu’il aurait conservé, à titre personnel, une somme bien plus importante. Monsieur Ould Abdelaziz mentionne également avoir reçu la même semaine la visite de Monsieur Mohamed Ould Abdelvettah, ex-ministre de l’Énergie et actuel Haut Commissaire de l’OMVS, alors directeur de la logistique de la campagne électorale du candidat Ghazouani. Celui-ci l’informe que Monsieur Ghazouani a ordonné de lui livrer 50 voitures de type Toyota-Hilux, provenant d’une commande de 100 voitures destinées à sa campagne et livrées en retard. Selon le témoignage d’un directeur de campagne auditionné par le tribunal, ces informations n’ont jamais figuré dans les comptes de campagne. Les sommes mentionnées dépassent largement les montants autorisés pour les fonds de campagne, régis par la loi (ordonnance 035-2006). Si cette infraction est établie, elle s’ajoute à la circulation des valises d’argent, révélant un haut niveau de corruption caractérisant la relation entre les personnes impliquées. Cela pourrait entraîner des sanctions prévues par la loi (n°2019-017), avec une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Face à la corruption morale et matérielle révélée par les déclarations de M. Ould AbdelAziz, visible désormais pour l’ensemble des Mauritaniens dans le fonctionnement quotidien de l’État, le devoir moral et démocratique impose : • Que le Président de la République communique immédiatement et clairement devant l’opinion sur le fondement de ces allégations, révélant, le cas échéant, l’origine de ces fonds et le circuit financier qu’ils auraient empruntés. À ce niveau de responsabilité, de tels soupçons ne sauraient être tolérés, engageant la dignité de la fonction qu’il occupe ; • Que les parlementaires prennent les initiatives nécessaires pour établir la vérité, situer les responsabilités, et adopter les sanctions nécessaires, y compris la mise en œuvre, le cas échéant, de l’article 93 de la Constitution à l’encontre du Président actuel ; • Que la société civile, la presse indépendante et tous les patriotes du pays se saisissent de la question, exigeant la vérité sur les faits et l’application des sanctions appropriées à la responsabilité alléguée ; • Que les partenaires internationaux de la Mauritanie prennent en considération l’état de corruption qui a échappé à tout contrôle depuis plusieurs années, prenant une dimension industrielle depuis le début du quinquennat de l’actuel Président. Ils doivent faire preuve de responsabilité et de respect pour les droits des générations mauritaniennes futures. L’Observatoire du Civisme et des Libertés a pour fonction de mettre en garde les autorités contre les manquements à la morale civique, aux dérives dans le fonctionnement des institutions, ainsi que dans la gestion des pratiques et des biens de l’État. La justice sociale et l’avenir de notre jeunesse constituent le fondement de notre démarche.
Nouakchott, le mercredi 6 décembre 2023