Nous, soussignés,
- Agissant en notre qualité de citoyens, même si cette affirmation pouvait prêter à juste
titre à rire et à pleurer,
- Préoccupés, voire traumatisés par le devenir de notre pays (la Mauritanie) que nous
persistons, malgré tout, à considérer le nôtre tout comme nous persistons à nous y
accrocher avec beaucoup de conviction et, mieux encore, à y croire, devenir rendu de
plus en plus aléatoire en tant que les notions de paix, de justice, d’unité et de solidarité
y semblent tragiquement absentes comme nous l’allons démontrer ;
- Soucieux par ailleurs de faire entendre notre voix et à travers nous la voix de tous
ceux qui, comme nous, sont encore en cette aube du XXIe siècle à se demander s’ils font
réellement partie de l’espèce humaine eu égard à l’injustice, à l’oppression et à l’exclusion
dont ils font l’objet, toujours au vu et au su des Institutions de la république pourtant
censées les protéger, et dont ils sont jusqu’ici les victimes soumises et passives.
avons l’honneur et le triste privilège, de crier à la face de l’opinion nationale
mauritanienne, publique et privée. à travers des faits récits, donc vérifiables sur le
terrain et même parfois à travers les stigmates de nos corps supliciés notre révolte notre
indignation et notre ras-le-bol d’une situation qui fait de nous des citoyens de seconde zone
pour cela seul que nous soyons des haratines.
DES REALITES DU PAYS PROFOND
Les esclaves ou les haratines, comme chacun le sait, ont toujours constitué l’essentiel
numérique de chacunes des tribus qui peuplent en partie la Mauritanie. Ils y ont toujours été
« parfaitement intégrés » sinon en leur qualité d’individus appartenant à l’espèce humaine
avec tout ce que cela implique comme devoirs et comme droits, du moins en leur condition de
patrimoine tribal assujetti et soumis à l’autorité tutélaire de leurs maîtres. Cette situation en
a fait des individus sans droits autres que ceux de leurs propriétaires. Leur existence se
résume en un large éventail d’obligations envers leurs maîtres. Pour se nourrir et nourrir leurs
maîtres, les haratines ont pour activité principale l’agriculture à laquelle ils s’adonnent sur les
terres tribales. Cette activité paysanne fit .d’eux des sédentaires en tout ou partie. C’est ainsi
qu’ils érigèrent leurs entités villageoises ou adouabas à proximité de leurs terres de cultures
tribales. Durant les périodes creuses, certains haratines rejoignent les campements de leurs
maîtres éleveurs pour passer la période de soudure alors que les autres (de loin les plus
nombreux) vont dans les villes ou même dans les pays voisins à la recherche du travail.
C’est ainsi qu’il n’est quasiment pas de terre agricole exploitée aujourd’hui en milieu maure
qui n’ait été à l’origine défrichée et aménagée par les haratines, tantôt pour leurs maîtres et
tantôt pour leur propre compte, mais plûtot dans ce dernier cas que dans le premier.
Mais même en travaillant pour leur propre compte, les haratines ont toujours servi de
pourvoyeurs en céréales de tous les autres membres de la tribu. y compris bien évidemment
leurs maîtres.
Si les titres de propriété des terres sont très rares chez les haratines, ils sont également
inexistants aux noms de leurs maîtres, s’agissant des terres qu’ils exploitent. En fait, les terres
des collectivités traditionnelles sont toutes immatriculées au nom du responsable en charge
de la collectivité.
C’est ainsi donc que l’exploitation de la terre par le haratine se ,fait sur la base de
l ‘appartenance de la terre à la tribu et non sur la base de son appartenance à tel membre
(propriétaire d ‘esclaves) de la tribu.
Les rapports des haratines avec leurs maîtres n’ont pas toujours été empreints de
sérénité et de compréhension mutuelle. loin s’en faut, mais avec la sécheresse et la disparition presque totale de l’activité de l’élevage, les conflits terriens allaient renaître de manière
récurrente pour les raisons suivantes :
- Les maîtres bidhanes dorénavant appauvris se rabattent sur leurs esclaves et veulent, au
nom de leur statut de propriétaires, les spolier s’ils ne sont pas suffisamment
compréhensifs.
- N’importe quel autre membre bidhani de la tribu, revenu à l’agriculture par la force des
choses vient contester aux haratines le droit d’exploitation des terres qu’ils occupent
surtout quand il est établi que les haratines en question sont en conflit ouvert ou larvé avec
leurs maîtres
- La prise de conscience de plus en plus large chez les haratines eux-mêmes qui aspirent à davantage d’autonomie, de liberté et de citoyenneté
- Enfin les ordonnances portant sur l’abolition de l’esclavage et la réforme foncière et
domaniale en Mauritanie et l’ouverture démocratique du pays ont été ressenties par la
couche dominante comme autant de coups mortels portés à ses privilèges
Toujours est-il qu’avant, pendant et après la colonisation, les conflits et les déchirures
ont été nombreux. Bien que se résolvant presque invariablement à l’avantage des maîtres, le
contraire eût été surprenant, les rares cas où les haratines avaient réussi à s’affranchir de
l’omnipotence de leurs contradicteurs avaient été pour eux autant de raisons d’espérer qu’un
jour arrivera où ils seraient enfin dignes de la condition humaine.
Ce jour là, nous haratines l’avions cru être arrivé avec l’accession du pays à
l’Indépendance Nationale.
Ce fut une affreuse et tragique illusion.
Voici, en ce qui nous concerne. pourquoi :
DES FAITS, DES HOMMES… ET DES FEMMES AUSSI
Nous appartenons à l’ensemble TADJAKANT, au sous-ensemble R’MADHINE et
enfin la fraction LEMRAZIGUE recensée dans la commune de EL GHAYRA, département
de GUERROU, Wilaya de l’ASSABA. Tous les événements dont il sera question dans les
lignes qui vont suivre se sont produits au niveau de cette fraction, dans cette commune, dans
ce département et dans cette Wilaya.
Nous sommes donc nés et avons grandi sur cette partie du territoire national. dans le
contexte et l’environnement décrits plus haut, de même qu’y sont nés, y ont grandi et y ont
été enterrés nos ancêtres. Nous n’avions d’autres activités que celles décrites plus haut de
même que nos rapports avec nos maîtres n’étaient en rien différents. Nous pratiquons en
particulier la culture des bas-fonds (Toumrine), les cultures de barrages et la plantation des
palmiers.
Mais nos tribulations et nos vicissitudes en tant que haratines ne se limitent pas
seulement aux problèmes inhérents à la terre et à sa mise en valeur. Elles sont tout aussi
nombreuses et criantes à travers ce qui semble être la volonté clairement affichée des couches
dominantes de la société de ne pas nous accepter en tant que membres à part entière.
C’est ainsi que nous sommes généralement frappés d’incapacité juridique (droit
d’ester, de témoigner, de posséder, d’hériter, de se marier sans le consentement du maître) ce qui conduit naturellement à nous refuser le droit de nous organiser de manière autonome à l’instar de n’importe quel autre groupe social…
Il n’est enfin qu’à analyser le comportement de l’état et de ses représentants qui ne
nous accordent aucune considération pour convaincre les plus sceptiques.
Aussi, allons-nous étayer tout ce qui précède par des exemples suffisamment
caractéristiques (choisis ici et là, mais non exhaustifs) de la place qui nous est dévolue dans la société mauritanienne d’aujourd’hui.
En 1979, dans le lieu-dit LAAOUANI, nous fûmes des dizaines de haratines à être
déguerpis, sur injonction de l’administration, de nos terres de cultures (vieilles de 200 ans) et
à quelques semaines seulement du début des récoltes pour cela seul que nous ayons manifesté
des velléités d’indépendance vis-à-vis de nos maîtres. Non seulement nous fûmes dépossédés
de ces terres mais elles furent aussi cédées à de nouveaux propriétaires ne se réclamant même
pas de la tribu.
En 1992, la contrée connut un très grand déficit pluviométrique qui ne permit aucune
activité agricole pluviale. Nous nous organisâmes en coopérative maraîchère autour du puits
de OUM ANOUAR encouragés en cela par une aide accordée par la SONADER de Achram-
Diouk. Grand fut notre étonnement lorsque, au beau milieu de la campagne, nos maîtres
(toujours eux) viennent planter des piquets tout autour de notre jardin et incitent d’une part le
préfet, le maire et le commandant de la brigade de gendarmerie à nous ordonner de déguerpir
du lieu et la Sonader, d’autre part, à mettre fin à son assistance. Le plan ici encore avait
fonctionné d’un côté comme de l’autre.
En 1994, toujours à OUM ANOUAR nous fûmes privés d’un centre d’alphabétisation
car dans l’entendement de nos maîtres. c’était là la pire des réalisations envisageables.
En 1996, notre village OUM ANOUAR fut privé. pour les mêmes sordides
considérations de la construction d’une salle de classe sur financement extérieur. Quand
l’entrepreneur arriva au village avec son matériel (fer. ciment, etc.) il apprit que le lieu
d’implantation avait changé. Pour nos maîtres très minoritaires dans le village. il ne fallait
surtout pas nous aider à nous épanouir…
BOULKHEIR ould TISLEM, un hartani, décède laissant après lui, entre autres, une
grande palmeraie à partager entre ses héritières, en l’occurrence trois (3) filles majeures. Son
maître CHEIKH AHMED ould EL HADRAMI interféra d’autorité avec la complicité des
mouslihs et des cadis de la commune et décida que l’héritage ne concernera que deux des
filles (prétendument libres) et lui-même en tant que cousin. La troisième fille dite esclave
continue vainement de taper à toutes les portes en quête de justice.
En 1997, la veuve VATIMETOU mint RCHID est dépossédée de sa palmeraie et de
ses terres par BABA ould AHMED SALAH, maître de feu son mari esclave.
M’BARKA ALINA mint SETTA est actuellement une vieille paralytique vivant de la
charité des autres et ce malgré une très grande palmeraie et des terres de cultures laissées à la
postérité par ses frères dont elle est l’unique héritière. Elle n’en put profiter mais ses maîtres
oui .. .
.En 1998, douze (12) haratines furent contraints par le préfet de Guerrou de partager
des terres qu’ils exploitaient dans la dépression (tamourit) de Oum Anouar depuis 1953 avec
une famille blanche. Au lieu d’être définitivement sécurisés voilà que de nouveau quatre
autres bidhanes, toujours avec le soutien des autorités veulent les en faire déguerpir…
En 1999, deux cas nous ont semblé dignes d’intérêt :
1er — SALECK ould MOHAMED M’BARECK exploite une palmeraie à DIOUK
vieille d’au moins trois générations. Il fut un jour convoqué devant le cadi sur plainte de ses
maîtres, qui forts de leur statut revendiquent la propriété de l’exploitation avec pour seul
argument qu’un esclave est un incapable juridique, donc pas censé posséder. Bien que
présentée sous cette forme on ne peut plus directe et rapportée telle quelle aux plus hautes
autorités représentant L’Etat au niveau de l’Assaba, cette affaire finit par un arrêt judiciaire
dépossédant le hartani au profit de ses maîtres. Il reste néanmoins que ce jugement non encore
notifié à l’intéressé est en attente de la formule exécutoire. Il faut rappeler pour la petite
histoire que chargé par le cadi de lui présenter des témoins, Saleck en présenta plus de
quarante tous récusés par le magistrat qui refuse aux haratines le droit de témoigner donc
d’ester. Le cas de Saleck défraya la chronique de certains journaux à Nouakchott.
.2e – HYAD est un barrage construit voilà plus de 150 ans par certains haratines de la
collectivité, avec cette fois la participation d’un seul et unique bidhani–
. Quand ce dernier décéda, une certaine opinion vit le jour en milieu maure blanc ou
bidhani extrémiste : » la répartition de toutes les terres du barrage devra se faire
uniquement entre les familles blanches de la collectivité « .
Bien évidemment, cette idée pour le moins ségrégationniste fut rejetée par de
nombreux haratines dont particulièrement ABIDA ould ABDELLAHI dont il sera
question ici.
Abida travaillait donc un jour. comme à l’accoutumée, dans son champ quand le
nommé ELEMINE ould MOHAMED AHMED, bien connu de lui pour avoir souvent été
harcelé par lui à propos justement dudit champ, vint lui enjoindre une fois de plus « d’arrêter
de travailler dans ce champ qui ne lui appartient pas « , ce qu’il refusa bien sûr fort de son
droit de propriétaire depuis des générations. Elemine ould Mohamed Ahmed était
accompagné par le nommé SAYED ould MOHAMED EL BEIDHAOUI, propriétaire et
conducteur du véhicule dans lequel ils sont arrivés. Tout étant dit d’un côté comme de l’autre
les deux acolytes repartirent laissant A Abida à son travail.
BRAHIM ould TMANE (frère de Abida), terrassé par une forte fièvre était au village,
couché, assoupi sous un arbre. Il fut brusquement réveillé par Elemine et son comparse.
Elemine lui tint les propos suivants : Je viens d’avoir une discussion avec Abida à propos
du champ et nous ne nous sommes pas compris. Puisque tu es plus compréhensif et que je
m’entends mieux avec toi, je viens te conduire auprès de lui pour que tu lui parles et que tu
rendes le dialogue possible entre lui et moi. » Brahim, vu son état de santé, voulut bien se
dérober mais sur leur insistance il leur promit de se transporter sur les lieux à bord de sa
charrette, ce qu’il fit.
Arrivé sur les lieux il se recoucha sous un arbre près du champ de son frère, attendant
l’arrivée des autres. Quand ceux-ci arrivèrent, ils se scindèrent en deux groupes. Deux d’entre
eux dont Elemine se dirigèrent directement vers Abida qu’ils encadrèrent aussitôt, Iui parlant
en toute gentillesse et voulant apparemment l’amener à rejoindre le deuxième groupe qui
entourait Brahim toujours couché.
Puis tout se passa alors très vite. Elemine arracha brusquement le plantoir des mains
de Abida et lui assena avec cet instrument un coup sur la tête si fort que la victime se retrouva
par terre. Brahim, réalisant qu’on l’avait attiré dans un guet-apens, voulut se relever quand il
se sentit retenu au sol pendant que les coups pleuvaient sur lui avec une rage haineuse.
Les deux frères n’eurent à aucun moment le temps de lever le petit doigt, même pour
se protéger.
Il est à noter que les six agresseurs furent activement aidés par le nommé CHEIKH
YOUBA (de la tribu de LEGOUATIT) venu demander une parcelle à Elemine ould Mohamed
Ahmed. C’est lui qui retint Brahim par la jambe l’empêchant de se relever au moment où les
autres le massacraient. Le forfait accompli, il repartit aussitôt. A l’heure où nous rédigeons
cette plainte, il n’a pas encore été « retrouvé » par la gendarmerie.
Leurs agresseurs les laissèrent là, inanimés et baignant dans leur sang.
MOHAMED ould BRAHIM, parent et ami des frères Abida et Brahim, se rendait ce jour là
aux champs quand il fut dépassé par la voiture qui filait en trombe dans la même direction
que lui. Il eut le pressentiment que quelque chose de grave était en voie de s’accomplir. Il prit
ses jambes à son cou pour arriver au plus vite. A près de deux kilomètres des champs. la
même voiture le croisa roulant à grande vitesse. Il tenta et réussit à courir encore plus vite et
quand il arriva, à bout de souffle, il faillit tomber d’évanouissement devant le spectacle des
deux corps inanimés et couverts de sang. Il lui fallut beaucoup de courage pour s’accroupir
tour à tour auprès de chacun d’eux pour constater, à sa grande joie et à son grand étonnement
que tous deux respiraient encore. Un rapide constat l’amena à la conclusion que Brahim,
outre les contusions multiples et les blessures sanguinolentes souffrait de deux fractures dont
l’une au bras et l’autre à la cuisse alors que Abida était moins amoché malgré des blessures
inquiétantes à la tête et au visage.
Il repartit aussitôt comme il était arrivé, en courant, pour rallier EL GHAYRA où se
trouvait une patrouille de gendarmerie. A son arrivée, il remarqua la présence des agresseurs.
Il informa rapidement le chef de la patrouille de la situation des blessés à Hyad. A son grand
étonnement, le chef de la patrouille lui demanda de louer une voiture pour le transport de la
patrouille, ce qu’il fit malgré la présence de la voiture des agresseurs et qu’eux-mêmes
avaient été les premiers à informer, certes à leur manière, les représentants de l’ordre et de la
Justice.
Cette attitude pour le moins curieuse de la gendarmerie allait caractériser la suite des
événements. C’est ainsi qu’une fois les blessés transportés jusqu’à Guerrou, les blessés furent
envoyés au poste médical de cette localité sans la moindre réquisition. Alors que Brahim,
toujours inconscient fut évacué à l’hopital de Kiffa (toujours sans réquisition), Abida malgré
ses graves blessures à la tête, au cou et au niveau des hanches. fut ramené au poste de
gendarmerie pour y être gardé à vue avec ses bourreaux.
A Kiffa Brahim reprit conscience et il fut « soigné » pour une fracture à l’avant- bras
droit.
Ramené à Guerrou, la procédure au niveau de la gendarmerie traîna volontairement en
longueur dans le but clairement affiché d’amener les victimes, grâce à toutes les formes de
pression, à renoncer à porter leur affaire devant la justice. Devant le refus des victimes de
céder à ces pressions, tous furent présentés au procureur régional avec pour fond de dossier le
P.V. établi par la gendarmerie où il est clairement fait mention « d’une altercation avec
échange de coups et de blessures ». Devant de juge d’instruction l’affaire se conclut par le
déferrement de Abida (Brahim devant son salut au fait qu’il était mourant) et de trois des
agresseurs à savoir :
- Elemine ould Mohamed Ahmed
- N’Ghaya oula Sidi
- Salem Naji ould Salem
Quant aux agresseurs élargis il s’agit de :
- Abba ould Khou
- Sidi ould Mohamed Beidhaoui
- Mahmoud ould Mohamed Moustapha
Comme si haratine était véritablement synonyme d’animalité ou, pire encore, de néant,
à l’hôpital de Kiffa le médecin-chef refusa d’apporter les premiers soins à Abida sous le
prétexte que ses blessures « à première vue n ‘étaient pas graves » et le renvoya, alors qu’on
était un jeudi, au samedi suivant.
Contre nous, tout simplement parce que cous sommes des haratines, ce fut la levée
générale de bouclier : d’abord au niveau de la communauté Tadjakant blanche ou bidhane
avec à sa tête les cadres parlementaires de Guerrou – le sénateur MOHAMED ould LIMAM
et le député ABDALLALI ould CHEIKH – ensuite à celui des auxiliaires de la justice et des
magistrats eux-mêmes et enfin au niveau des autorités et des fonctionnaires de l’état.
Partout le mot d’ordre permanent est de démontrer « à ces bâtards d’esclaves qu ‘ils
n ‘avaient pas d’autre alternative que la soumission pure et simple ou la mort à petit feu ».
Mais ceci peut-il surprendre dans un pays où des hommes et des femmes majeurs et en
pleine possession de toutes leurs facultés mentales, subissent encore aujourd’hui les pires
humiliations qui soient dans la mesure où leurs unions matrimoniales (mariages) sont tournées
en dérision par ceux qui se considèrent toujours leurs propriétaires légaux et se font forts de le
prouver devant les tribunaux auprès desquels ils les dénouent à leur guise sur la base de
l’absence de consentement des maîtres (comme s’ils étaient les mariés ?)
ELUCUBRATIONS . . . D ‘ESCLAVES
Notre revendication n’est pas, loin s’en faut, de susciter la pitié ou la condescendance de
l’opinion et encore moins de réclamer un passe-droit sous prétexte d’avoir été privés
jusqu’ici de l’essentiel de nos droits fondamentaux.
Notre objectif n’est pas non plus de susciter le courroux et la haine de tous ceux qui ne
seraient pas en phase avec nos affirmations, mais notre revendication et notre objectif se
résument tous deux en notre souci d’être traités sur le même pied d’égalité que tous les autres
mauritaniens et de jouir de la même considération qu’eux.
Nous sommes conscients que pour une frange importante de la population mauritanienne nos
demandes vont sembler excessives et parfois même impertinentes, mais notre souhait le plus
ardent est que les représentants de l’état, à quelque niveau qu’ils se trouvent et quelles que
soient leurs fonctions ne soient pas de ce nombre.
En effet, tout ce dont il s’est agi dans cet exposé de notre situation ne se serait jamais passé si
nous avions été considérés par nos contradicteurs et surtout par les représentants de l’état,
comme des êtres humains ayant nous aussi des besoins, des sentiments, des tendances, des
choix, des droits, des intérêts comme tout un chacun et capables aussi comme lui, du meilleur
comme du pire.
Nos ressentiments, nos récriminations, notre révolte indignée n’auraient certainement pas
atteint ce degré s’il ne s’était agi que du comportement des particuliers qui, cela est
compréhensible à tous égards, s’accrochent à des privilèges particularistes (même illégitimes),
mais que ceux qui sont censés normaliser les rapports entre tous ne soient en définitive là que
pour faire prévaloir les privilèges des uns au détriment des autres, cela devient tout
simplement invivable et par conséquent inacceptable, même pour nous…
Nous demandons donc que justice soit rendue, ce qui exige :
La libération de ABIDA injustement détenu parce qu’il n’a été arrêté que pour
sauvegarder l’ordre depuis toujours établi et qui consiste à ne jamais détenir
uniquement le bidliani (qui est tout) même coupable de crime sur un hartani (qui n’est
rien).
L’arrestation de tous les agresseurs dont l’élargissement n’est intervenu qu’au nom du
même sacro-saint ordre établi qui se refuse à juger acceptable pour l’opinion que six
criminels bidhanes soient détenus pour seulement un misérable esclave.
La réparation de tous les préjudices subis par les victimes
Des sanctions appropriées à l’endroit de tous les agents de l’état qui se sont impliqués
dans cette honteuse machination.
Nous attirons enfin l’attention des plus Hautes Autorités de l’état sur les dangers plus
que jamais réels que court le pays à laisser se commettre dans l’impunité de telles
iniquités.
TRES HAUTE CONSIDERATION.
NOUAKCHOTT, LE 9 NOVEMBRE 1999