Elections en Mauritanie : le premier vrai test pour Ghazouani

Mohamed SneïbaLa campagne pour les élections législatives régionales et municipales qui auront lieu le 13 mai prochain, bat son plein en Mauritanie depuis vendredi 28 avril. Vingt-cinq partis sont en lice. Un premier test pour le parti El Insaf du président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, à un an de l’élection présidentielle.

Le 13 mai prochain, les Mauritaniens devront choisir leurs maires, leurs conseillers régionaux et leurs députés en même temps. Et pour élire leurs 176 députés, ils devront déposer pas moins de quatre bulletins différents. Un bulletin pour les listes locales, un autre pour les listes nationales, un troisième réservé aux candidates femmes, et, grande nouveauté cette année, un bulletin réservé aux jeunes candidats de moins de 35 ans. Onze sièges leur seront même attribués à l’Assemblée nationale.

De nouvelles listes, mais peu de changement du côté des partis poids lourds. El Insaf (Equité, en français), parti au pouvoir, les islamistes de Tawassoul (opposition) et l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP), l’une des formations satellites de la majorité, devraient constituer, sauf grande surprise, le tiercé gagnant de ces élections qui se déroulent, pour la première fois, dans leur format actuel, la moitié de l’Assemblée nationale devant être élue par scrutin proportionnel.

L’un des atouts du parti El insaf est d’être la seule formation politique à avoir présenté des candidats dans la totalité des moughataa (départements) du pays qui en compte 58 et les quelque 220 communes. Il est donc assuré de remporter, sans coup férir, des dizaines de circonscriptions électorales, notamment rurales.

Coté opposition, le parti islamiste Tawassoul, première force d’opposition lors des dernières élections, et le parti Sawab rejoint par le député anti-esclavagiste Biram Dah Abeid, sont présents dans près des 3/4 des moughataa.

La bataille du Grand Charg

Considéré généralement comme le plus important « réservoir électoral » du pays, les deux Hodhs, Echargui (est) et Al Gharbi (ouest) sont en ébullition en ce début de campagne électorale pour les élections municipales, législatives et régionales 2023. Les choix du parti au pouvoir, El Insaf, pour décider de ses champions, ont réveillé les démons d’un tribalisme primaire resté en embuscade pour mettre en péril une démocratie toujours en construction.

Ces joutes électorales à relents tribaux se préparent certes dans tous les départements (moughataa) de l’est du pays (le Grand Charg), et à des degrés divers dans le reste de la Mauritanie, mais c’est à Néma (capitale du Hodh Charghi) et à Aioun (Hodh El Gharbi) que les clans veulent éprouver leurs forces… et prouver leurs puissances.

C’est pour dire que la situation politique dans cette «Mauritanie profonde» est des plus sombre (complexe), à cause de cette donne tribale, même si le parti El Insaf reste le grand favori pour conserver une large majorité dans les trois scrutins attendus (communes, régions et assemblée nationale).

D’aucuns considèrent que le changement d’attitude du Raïs (Ghazouani) par rapport aux pratiques de son prédécesseur (Aziz) a sans doute favorisé la cabale politique contre le parti au pouvoir. Les cadres refusant de se soumettre au diktat du parti au pouvoir perpétuent une tradition de « rébellion politique » qui pousse à émigrer, le temps d’une élection, du parti au pouvoir vers un parti de la majorité ! Si le parti présidentiel a bien mis en garde contre l’indiscipline, par la voix de son président Mohamed Maalainine Ould Eyih, et certains membres du gouvernement, l’on a quand même enregistré quelques cas de transhumance politique dont l’effet ne peut être mesuré, pour l’instant, qu’à l’aune de l’importance, sur l’échiquier politique local, des personnalités incriminées.

Sur le terrain, la bataille du Grand charg oppose, à Aioun, le parti Hatem au parti au pouvoir, El Insaf dont les deux champions pour les deux sièges de députés, Ghassem Ould Leghweisy et Amar Ould Ahmed Said sont donnés favoris. Non partant dans la capitale du Hodh El Gharbi, Tawassoul (islamistes) facilite ainsi la tâche au parti au pouvoir. C’est pourtant, au niveau des communales, les mêmes adversaires (El Insaf et Hatem) qui ont constitué une liste commune, à Aioun, pour affronter celle de la coalition Tawassoul /APP ! Avec le système de la proportionnelle, l’on pense, là aussi, que c’est la paire El Insaf-Hatem qui a toutes les chances de remporter le challenge.

Pour la Région, la donne tribale est très claire dans la présentation de 11 listes au Hodh El Gharbi avec, là aussi, la prévision d’un vainqueur potentiel dans le tiercé El Insaf, Hatem ou Tawassoul qui s’affrontent pratiquement dans toutes les autres moughataa de la wilaya du Hodh El Gharbi, avec toujours une longueur d’avance, selon les observateurs, pour le parti au pouvoir. Les mêmes observateurs estiment que le parti au pouvoir pourrait cependant perdre quelques communes rurales au profit d’amis de la majorité devenus adversaires de circonstance (El Islah, UDP, Hatem).

A signaler que, depuis l’avènement de la démocratie, la présence des partis d’opposition dans les wilayas de l’est est très limitée. Le parti au pouvoir a toujours réussi à faire la différence dans ce grand réservoir électoral où les tribus ont encore leur mot à dire. Mais pour ces élections de 2023, des partis de la majorité, profitant de la «fronde» qui survient chaque fois que les choix du parti au pouvoir sont connus, tenteront de changer la donne politique. Y parviendront-ils ? Wait and see, comme disent les Anglais.

Le 03/05/2023
Par Mohamed Sneïba
Source : Afrimag