Depuis le début du Recensement Administratif à Vocation Electorale en cours, une information erronée s’est répandue comme une trainée de poudre dans tout le pays.
Selon cette information, n’importe quel électeur mauritanien peut s’inscrire et voter dans m’importe quelle circonscription électorale de son choix à l’occasion des échéances électorales en perspective. Or, nul ne devrait ignorer que le seul fait de s’inscrire au Ravel, sur le fichier d’une commune où l’on ne remplit pas les conditions légales pour être électeur, ne saurait suffire pour conférer ce droit.
Aussi et dans l’espoir que cela ne soit pas trop tard, les administrations concernées et la CENI en particulier devraient, pour rattraper ce qui peut encore l’être, revenir aux dispositions légales du code électoral et rappeler à nos concitoyens les véritables conditions requises pour être électeurs.
Celles-ci sont conformément aux dispositions toujours en vigueur, de l’ordonnance numéro 87-289 du 20 octobre 1987 instituant les communes, modifiée par la loi organique numéro 2018-09 du 18 février 2018 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi organique numéro 2012-032:
article 94 (nouveau)
« Sont électeurs, tous les citoyens mauritaniens des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civiques et politiques, inscrits sur la liste électorale et pouvant justifier d’une durée de résidence dans la commune, d’au moins six mois. Cette dernière condition n’est pas applicable aux fonctionnaires et agents de l’Etat mutés dans les six derniers mois.Article 95
Est présumé résident, toute personne ayant acquitté une taxe ou un impôt lié à la propriété ou à l’habitation depuis deux ans. »
Ces dispositions légales où le législateur, dans sa sagesse, a clairement tenu à préciser la nature des liens qui doivent exister entre tout citoyen et une commune donnée, pour justifier son droit de participer à la gestion des affaires de cette collectivité, sont également applicables en ce qui concerne les élections régionales et législatives.
Hordes d’électeurs parasites
S’agissant notamment des circonscriptions les plus vulnérables, c’est- à-dire à faible densité électorale, les dispositions de cette ordonnance sont parfaitement appropriées qui permettent de préserver aux autochtones leur droit de choisir leurs représentants, à l’abri des interférences de ces hordes d’ électeurs parasites, apparus ces dernières années et dont le vote de complaisance a pour conséquence perverse d’assurer l’élection de listes ou de candidats contre la volonté de l’écrasante majorité des électeurs légaux de leurs circonscriptions. Même si l’on doit admettre, que dans certaines agglomérations géographiquement rapprochées, sinon contiguës et à forte densité démographique à l’instar des wilayas de Nouakchott, il n’est pas toujours aisé d’appliquer ces dispositions légales susmentionnées.
Dans ces cas, il revient au législateur, aux pouvoirs publics et à notre institution électorale nationale indépendante d’apporter les correctifs nécessaires par les voies légales appropriés.
Mais en attendant, il est surtout nécessaire et urgent, au regard de ce qui précède, de mener une campagne vigoureuse de sensibilisation et d‘éducation citoyenne pour en finir avec le quiproquo ambiant relatif aux conditions requises pour être électeur.
Faute de quoi, nous nous acheminerons, à la faveur des prochaines échéances électorales vers des élections municipales, régionales et législatives débridées et donc particulièrement risquées.
En effet, si rien n’était fait à temps pour éviter cette dérive, nous devrions nous attendre, à l’issue de ces « scrutins sauvages », à ce que des conseils municipaux et régionaux d’une wilaya, et certains de leurs députés, puissent être élus grâce au suffrage d’une majorité d’électeurs complaisants, soudoyés, inscrits à distance et importés le jour du vote à partir d’une autre wilaya.
Pour conclure et sans vouloir jouer au prophète de malheur, je ne peux m’empêcher de craindre qu’un tel laisser- aller éventuel et qu’une telle autorisation de fraude à ciel ouvert, ne puissent engendrer des incidents voire des troubles graves de l’ordre public, aux conséquences imprévisibles, dans de nombreuses circonscriptions électorales, sinon à l’échelle nationale.
Le 20 février 2023
Cheikh Sid’Ahmed Babamine
Source : Le Calame