Procès de la décennie, Gros Plan sur la preuve pénale, l’intime conviction du juge et son rôle clé dans une procédure inquisitoire (1ère Partie)

Procès de la décennie, Gros Plan sur la preuve pénale, l'intime conviction du juge et son rôle clé dans une procédure inquisitoire (1ère Partie)Ces notions, de preuve pénale, procédure inquisitoire, auxquelles s’ajoute l’intime conviction du juge et son rôle prépondérant dans la conduite de la procédure pénale sont (trop) souvent méconnues des observateurs, de nos élites et même de certains juristes parvenus au stade doctoral.

Ces juristes ont sans doute négligé de choisir la procédure pénale considérée à tort comme une matière optionnelle dans plusieurs facultés de droit. Alors qu’elle devrait être rendue obligatoire dès le premier cycle.

La proximité du fameux procès dit de la décennie m’incite à devoir expliciter certaines thématiques de cette discipline. Une des matières juridiques les plus techniques et les plus denses. Notre code de procédure pénale (CPP) comprend tout de même 744 articles.

L’ acte ultime du pôle des juges d’instruction clôturant l’information judiciaire depuis le mois de mai 2022 est l’ordonnance de renvoi d’une dizaine d’inculpés devant une juridiction de jugement. D’autres ont déjà bénéficié d’une ordonnance de non-lieu.

La finalité de cet article est de rappeler certains principes de droit dictant la procédure pénale. J’ai mesuré à quel point la procédure pénale souffrait de la carence doctrinale dans notre pays où la culture du droit toujours balbutiante reste à parfaire.

1. La preuve en matière pénale 

Notre sujet porte essentiellement sur le concept des preuves en matière pénale. Une question longuement débattue au cours des étapes d’enquête préliminaire et d’instruction judiciaire. Les réponses apportées jusqu’ici à cette question de la preuve étaient souvent approximatives et loin de la réalité du droit et de la procédure pénale en particulier.

Des observateurs soutenant les personnes mises en cause considèrent qu’il appartient à l’accusation, le ministère public, le pôle de l’instruction et les magistrats du siège chargés du jugement, de rechercher et apporter les preuves de l’inculpation et éventuellement de la culpabilité. Je répondrai à toutes ces interrogations dans ce qui va suivre. Ainsi que dans la seconde partie qui paraîtra les prochains jours.

Je suis très surpris que des amis continuent de soutenir l’idée qu’il n’existe pas de preuves de l’inculpation. Qu’en savent-ils ? Et en quoi cela les concerne-t-il ? Ils oublient le principe du secret de l’instruction. Justifiant que le travail des juges n’est jamais communiqué au public. Un autre gros défaut est la tendance à croire que la preuve se résume toujours à un écrit ou l’absence d’écrit. Ils confondent à l’évidence procédure civile et procédure pénale dans laquelle s’imprime le procès de la décennie.

Le langage courant, même de certains juristes, met toujours l’accent sur la dénomination des preuves de façon générale. Les spécialistes de procédure pénale préfèrent disserter sur les modes de preuves admis légalement. Ce sont les indices, les rapports d’expertise, le témoignage ou preuve testimoniale, l’écrit ou preuve littérale et l’aveu.

Il n’y a aucune prédominance de l’un ou l’autre de ces moyens de preuve en matière pénale. ils sont tous égaux et appréciés au même niveau par le juge pénal. Lequel les évalue librement pour fonder sa décision.

2. Procédure inquisitoire et Rôle principal laissé au juge dans la conduite de la procédure pénale 

La procédure pénale se distingue ainsi nettement de la procédure civile dite accusatoire conduite par les parties et où le rôle du juge civil pourrait paraître secondaire et la preuve littérale, l’écrit, prédominante.

Au contraire de la procédure pénale, désignée aussi procédure inquisitoire entièrement dirigée par le juge, en souvenir de l’Inquisition médiévale contre les hérétiques. Elle se déroule, en principe, de manière écrite, secrète et plutôt contradictoire.

L’information judiciaire est organisée par le juge d’instruction clôturée par des ordonnances de renvoi ou de non-lieu. Voilà pourquoi à ce stade il n’existe pas de communication sur les preuves à cause du secret entourant l’instruction.

Par conséquent, la procédure pénale se caractérise par l’importance du rôle attribué au juge dans la recherche, la collecte, l’appréciation des preuves ainsi que la conduite du procès.

3. L’ intime conviction du juge pénal 

Une nouveauté pour beaucoup d’observateurs dont on parle très peu. Nous avons, par conséquent, fait le choix d’une définition détaillée pour mieux informer les citoyens.

« C’est une méthode de jugement permettant de prendre en compte l’acte à juger et la personne dans leur réalité et dans leur subjectivité, en ouvrant aux juges l’accès à tout moyen de preuve légale : par la parole et par les éléments psychologiques. »

« L’ Intime Conviction : c’est le sentiment intérieur, la certitude de la culpabilité ou de la non-culpabilité. On parle de “pièces à conviction”. La loi prescrit aux juges de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement, et de chercher dans la sincérité de leur conscience quelles impressions ont fait sur leur raison les preuves et les moyens de défense ». Fin de citation.

La liberté d’appréciation des preuves par le juge caractérise la procédure pénale. Il peut juger sur des aspects matériels. Mais aussi sur des aspects subjectifs, sur un ou des détails pouvant paraître déterminants. Afin de fonder valablement son intime conviction.

Pour bien résumer la procédure pénale, retenons que les principes de liberté de la preuve et du pouvoir inquisitorial du juge décidant au nom de sa conscience et de son intime conviction en sont des traits très caractéristiques.

La 2ème partie est prévue très prochainement.

Béchir Fall 

Juriste, Expert International