[Réédition] Les préalables à toute abolition réelle de l’esclavage et du racisme en Mauritanie

Les préalables constituent la fondation d’une politique d’abolition. Ils sont différents des conditions nécessaires en vue de la réalisation concrète de l’abolition elle-même.

  1. Reconnaître la communauté haratine dans la Constitution mauritanienne. En effet, une communauté ignorée, dans la loi suprême ( Constitution ) ne peut être prise en compte sur le plan politique. L’absence d’une prise en compte de la communauté haratine est le symbole même d’un manque de volonté politique.
  2. Inscrire dans la Constitution le principe de l’égalité raciale. L’esclavage maure repose sur le racisme et la supériorité d’une race (berbère et arabe) sur une autre (noire). Il faut d’abord mettre fin à cette inégalité raciale. Il convient de ne pas confondre l’égalité raciale et l’égalité des citoyens. Dans une République les citoyens sont censés avoir les mêmes droits. Or, cette égalité citoyenne est handicapée par le racisme en Mauritanie. Il convient donc de reconnaître l’égalité raciale. Puis c’est son application conséquente qui permettrait une égalité des citoyens. En effet, les citoyens sont des êtres égaux. Or, le Hartani (esclave) n’est pas l’égal du Maure. Celui-ci, n’est pas l’égal du Négro-mauritanien.
  3. Sortir constitutionnellement ou par la loi ordinaire l’esclavage du joug de l’Islam. Aujourd’hui, la question de l’esclavage relève du droit musulman. L’Islam a reconnu l’esclavage et l’a sacralisé. Il faut non seulement abolir l’esclavage mais aussi soustraire toutes les affaires y afférentes au droit musulman par une décision politique : qu’il s’agisse de l’héritage, du mariage, des litiges fonciers, de la Zëkat, la Saddagha, … qui sont des moyens d’exploitation utilisés par les Maures à l’encontre des Haratine (je renvoie à ma thèse, P. III).
  4. Interdire dans la Constitution toute détention d’esclaves par un fonctionnaire, un parlementaire ( sénateurs et députés ), hommes politiques, etc.  En fait, les pratiques esclavagistes doivent être interdites à tous les serviteurs de l’Etat. Comment voulez-vous lutter contre l’esclavage quand les serviteurs de l’Etat sont eux-mêmes esclavagistes ?
    C’est ainsi qu’en Mauritanie, les magistrats, les enseignants, les préfets, les gouverneurs, les journalistes, les diplomates, les ministres, les présidents de la République, les sénateurs, les députés, les maires … sont tous détenteurs d’esclaves et à ce titre, ne peuvent lutter d’une manière conséquente contre l’esclavage. Aujourd’hui, SOS-Esclaves, la CNDH et l’AFCF dénichent des esclaves dans les parties rurales du pays. Or, les ministres à Nouakchott ainsi que de nombreux fonctionnaires détiennent des esclaves sans être inquiétés. L’Etat doit exiger que ses serviteurs donnent l’exemple dans sa lutte contre l’esclavage.
  5. Inscrire dans la Loi suprême la discrimination positive en faveur des esclaves. Comment imaginer que des personnes nouvellement affranchies se prennent en charge quand, durant des générations, elles ont été conditionnées, animalisées, ne sachant qu’obéir aux ordres de leurs maîtres et vivre des restes ( el Vëldhlë ) ? Un jour, par une science infuse, elles doivent se débrouiller pour vivre, se loger, s’habiller, se soigner, etc. Si les esclavagistes privés peuvent avoir des comportements irresponsables, l’Etat ne peut et ne doit se dérober à sa responsabilité, notamment une prise en charge des victimes de l’esclavage et leur accompagnement en vue de s’insérer dans la vie économique, sociale, juridique, etc.
  6. Recenser les Haratine en tant que communauté à part, différente des Négro-mauritaniens et surtout des Maures qui utilisent la composante haratine pour exercer un pouvoir politique auquel ils n’ont pas droit en réalité. En effet, si le critère du nombre est déterminant ( il l’est en démocratie, il ne l’est pas dans la féodalité), les Maures ne sont pas   majoritaires en Mauritanie. Par conséquent, le pouvoir en Mauritanie est une usurpation politique. Les Haratine sont recensés comme serviteurs ( esclaves) et leurs votes restent détournés au bénéfices des Maîtres . Pour rompre avec ce système féodal et esclavagiste, il faut appliquer le principe d’égalité entre tous les êtres humains ( apports des  Révolutions française « 1789 » et américaine « 1776 » à l’humanité). La négation des Haratine est une conséquence de l’esclavage ( l’esclave n’est pas une personne par statut). Peut-on vivre sous une République islamique et sous une « démocratie » alors que la société mauritanienne ( en particulier maure) est une société esclavagiste comme les anciennes  sociétés grecque et romaine.

La ruse politique des Maures consiste à faire croire à l’existence d’une République et d’une démocratie alors que le système politique mauritanien est bâti sur l’esclavage donc l’exploitation et l’exclusion. Il convient de sortir l’esclavage des traditions liées à une situation historique et économique dépassée.

Mohamed Yahya ould Ciré