Incertitudes. Par Ahmed Salem Ould El Mokhtar (Cheddad)

Dans notre pays, nous vivons depuis un certain temps une situation particulièrement exceptionnelle. Des gouvernements se succédant sans jamais parvenir à se dégager du même cercle vicieux dans lequel ils  tourbillonnaient depuis sans réussir à percer une quelconque issue de secours. Des oppositions qui  s’éclipsent inéluctablement  sans parvenir à accoucher de forces alternatives. Au tout début du processus démocratique, ils avaient voté contre le projet de constitution de Juillet 1991. Plus tard, ils s’organiseront pour défendre la même constitution décriée auparavant par elles.
Notre contexte sous-régional ne cesse de s’enfoncer dans un processus continu de déstabilisation et de guerres civiles. Nous sommes plus que jamais menacés par y être entraînés. Saluons le secret de nos derniers gouvernements pour leur inestimable succès dans la préservation de notre paix intérieure.
Les deux dernières décennies furent décisives dans le façonnement de notre situation actuelle.
Auparavant le régime du président Maouiya avait engagé le pays dans des aventures politique des plus risquées.
Les dernières années du régime d’Ould Taya furent caractérisées par une douloureuse période d’instabilité.
Le diktat des institutions internationales ayant accompagné le régime d’Ould Taya depuis le début avait ouvert les portes toutes grandes à l’argent à flot et en même temps au blocage des salaires notamment ceux des fonctionnaires et des soldats : les premiers avaient fui la fonction publique par milliers et les seconds ne cessaient de chercher désespérément une issue militaire, c’est-à-dire l’organisation d’un putsch visant à renverser le régime en place à l’époque.

 

Nouveaux parvenus

Au cours de cette période, l’école cessa d’entretenir l’espoir et d’être un moyen de réussite et d’accès à des postes honorables. On lui préférait désormais toute autre petite activité libérale qui pourrait donner la chance à grignoter quelques gains financiers sur les milliards de financements extérieurs. Une nouvelle classe de privilégiés apparut subitement  grâce aux institutions financières internationales. Pas besoin d’être alphabète pour en faire partie. Les campagnes démagogiques sur la nécessité de l’acquisition de la science et du savoir n’eurent aucun impact sur la soif insatiable des nouveaux parvenus de la nouvelle espèce de bourgeoisie en gestation.
L’armée pour sa part cessa d’être une voie d’accès possible et facile à des postes hautement gradés au sein de la hiérarchie militaire. Un clan réduit s’accaparait de tout et au détriment de tous les autres. Seule l’unité de la garde présidentielle jouissait de tous les privilèges.
L’action  avortée des Hanena en 2003, fut suivie par le putsch réussi de Mohamed Ould Abdelaziz à l’aide de la garde présidentielle en août 2005, géré ensuite dans un tiraillement fratricide entre le tandem Ely-Aziz. Les deux tentatives étaient caractérisées par leur caractère familial, probablement pour des motifs de vigilance et de discrétion.
Durant cette période, les forces politiques se démenaient sans parvenir à influencer efficacement le cours des événements. Les unes, celles autour du pouvoir se pressaient pour gagner beaucoup plus la confiance de celui-ci et pour réussir à lui soutirer le maximum de subsides matériels et financiers. Les autres, celles de l’opposition, déboussolées par l’instabilité qui rongeait le pouvoir, cherchaient à leur façon à grignoter des gains politiques et électoraux donnés.

 

Opposition systématique

Entraînées probablement par le RFD, le principal parti d’opposition à l’époque, la majorité de l’opposition avait tendance à boycotter toute forme de participation électorale et à prôner l’opposition systématique au pouvoir en place espérant bénéficier du soutien des milieux occidentaux qui ne cessaient pourtant de jouer au double jeu avec d’ailleurs toutes les oppositions de la sous-région.
Seule l’UFP, menée en fait sur le terrain par feu Mustapha Bedreddine et regroupant essentiellement les partisans de l’ancien MND, se démarqua de cette ligne. Bravant les critiques et les cris à la trahison de ses collègues de l’opposition, l’UFP, se démarquant de la politique de la chaise vide prônée par ses autres collègues de l’opposition, entra en négociations avec le régime déjà fortement ébranlé d’Ould Taya. Ainsi elle réussit à lui arracher des concessions d’apparence symboliques mais fondamentalement de taille: la pièce d’identité infalsifiable et une copie des procès-verbaux des élections. Ce qui ne manquera pas d’avoir un impact plus que positif sur l’ensemble de la suite du processus démocratique. Dans les différents scrutins passés, souvent très rapprochés, les pièces d’identité étaient fabriquées par dizaines pour chaque individu même décédé ou mineure.
La tentative des Hanana ou « Voursane Taghyir » (les cavaliers du changement), sans parvenir pour autant à atteindre son objectif recherché, c’est-à-dire la prise du pouvoir, avait parvenu à déstabiliser l’institution militaire en place et à l’enfoncer dans  un cycle d’instabilité permanente. Situation qui va faciliter le terrain au putsch de 2005 mené par Aziz, chef en ce moment de la garde présidentielle.
Comme Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya avait eu son 12/12/1984, le tandem familial Ely-Aziz avait réussi à arracher en fin de compte leur 05/08/2005.
Une nouvelle ère commença,  une nouvelle période d’incertitude, mais aussi de grands espoirs se font voir de nouveau.

(À suivre)